Parents et éducateurs contre le harcèlement en ligne
Christine Leșcu, 16.06.2021, 11:38
Et ils deviennent
d’autant plus destructeurs à mesure que la technologie avance, comme le
remarque Răzvan Deaconescu, de la Faculté des sciences informatiques de l’Université
polytechnique de Bucarest : « Je pense que le harcèlement en ligne
utilise souvent les mêmes outils : des messages anonymes, des films postés, du
vol de photos privées. Mais à mesure que la technologie évolue, de nouveaux
moyens de harcèlement apparaissent. Par exemple, jusqu’à il y a deux ans je ne
connaissais pas Tik Tok, je ne connaissais même pas son existence, mais
maintenant il est très présent dans l’espace virtuel et c’est un bon moyen de
faire le buzz. Un message qui est une blague pour certains, mais pour d’autres
n’en est pas vraiment, finit par être diffusé massivement. Ainsi, les formes de
cyberharcèlement sont à peu près les mêmes, mais leur champ d’action est
diversifié en raison des nouvelles technologies. Une nouvelle façon de
transférer des images voit le jour, une nouvelle façon de communiquer ou une
nouvelle appli. Tout cela augmente la portée de la distribution, même si les
formes de harcèlement restent les mêmes, comme par exemple offenser quelqu’un
de façon anonyme. Autre chose qui arrive, c’est que les gens sont plus
connectés, plus présents en ligne, la viralisation est plus accentuée et c’est
là qu’apparaît en quelque sorte la différence entre le harcèlement physique et
le cyberharcèlement. Il s’agit d’un impact plus important : le harcèlement physique
est limité à trois-quatre personnes, tandis que dans l’environnement virtuel,
le monde entier peut en être témoin. Quand on a un très fort potentiel à faire
le buzz sur YouTube, Tik Tok ou d’autres réseaux, il n’y a plus rien à
faire. »
Si le
harcèlement réel est facile à remarquer, le harcèlement virtuel est plus
insidieux et parfois, au moins au début, il peut être pris pour une blague.
Comment faire la différence entre les blagues en ligne et le harcèlement, nous
apprend Mihaela Dinu, la coordinatrice du centre de conseil pour parents et
enfants, au sein de l’association Sauvez les enfants : « La différence
serait la suivante : dans la cyberintimidation, nous avons une
intentionnalité et une répétitivité visant une personne. Il est vrai qu’il y a
là un déséquilibre de pouvoir, comme on le rencontre aussi dans le phénomène du
harcèlement à l’école. Ce serait çà la grande différence. Une blague ne cause
pas de souffrance, d’inconfort ou de traumatisme à long terme, mais elle veut
divertir. La cyberintimidation n’a pas cette composante amusante. Même si
certains pensent qu’ils font de bonnes blagues ou si, au début, le harcèlement
peut être interprété comme une plaisanterie. Mais s’il y a de la répétitivité
et de l’intentionnalité envers quelqu’un, il s’agit clairement d’intimidation.
À première vue, ça peut sembler facile, quelque chose qui ne nous affecte pas
et que nous pouvons surmonter. Les adolescents sont très vulnérables, mais ils
distinguent cependant la blague du cyberharcèlement. C’est-à-dire qu’ils se
rendent compte lorsqu’ils se sentent humiliés, craintifs ou mal à l’aise, et
commencent à se poser des questions. Il s’agit souvent d’une étiquette
attribuée à un enfant ou à un groupe d’enfants qui provoque de l’inconfort, de
la tristesse, un retrait social, et qui peut aller jusqu’à de graves problèmes
mentaux. Comme le souligne l’Organisation mondiale de la santé, l’intimidation
et la violence sont deux des principaux facteurs qui poussent les adolescents
au suicide. Les choses peuvent donc devenir très graves. »
Cependant,
avant d’arriver au suicide, le harcèlement en ligne a d’autres effets. Mihaela
Dinu : « Nous rencontrons très souvent de l’anxiété, avec ses
divers états d’anxiété généralisée. On remarque des difficultés cognitives, une
faible capacité de concentration pour les devoirs, les cours et tout ce qui est
en lien avec l’école, des troubles du comportement, des troubles alimentaires
pouvant conduire le plus souvent à la boulimie, des troubles du sommeil, avec
un sommeil agité, des cauchemars, des difficultés à s’endormir et à se réveiller
pour aller à l’école et ainsi de suite. »
Une loi
relative à la lutte contre le harcèlement, récemment adoptée, oblige les écoles
et les enseignants à prendre des mesures pour prévenir et combattre le phénomène,
y compris en ligne. Cependant, il appartient aussi aux parents d’intervenir au
bon moment, ce qui n’est pas simple.
Souvent,
même communiquer avec ses propres enfants devient difficile dans de tels cas.
Mihaela Dinu nous explique pourquoi : « Une première raison serait leur
état émotionnel. Ils ont honte, le harcèlement leur cause de la honte, de
l’anxiété et parfois ils ne savent même pas comment l’expliquer aux adultes. Ce
n’est pas forcément de la mauvaise volonté de leur part, mais ils ne savent pas
comment aborder le sujet ou comment trouver le bon moment pour en parler.
Ensuite, les jeunes pensent qu’ils peuvent résoudre seuls leurs problèmes. Mais
même lorsqu’ils ne parlent pas de leur état, on peut observer quelques
changements de comportement : ils se retirent, ils évitent de laisser leur
chambre ouverte, de parler au téléphone ou passer du temps sur l’ordinateur. Des
changements de comportement qu’un parent devrait observer, s’il est disponible,
présent, et qu’il observe son enfant. Les jeunes peuvent être timides ou
réticents lorsqu’ils doivent se connecter en ligne. Il existe des situations où
les enfants plus jeunes, les pré-adolescents ou les collégiens, somatisent ces
sentiments : ils ont des maux de tête, de ventre ou des états fébriles qu’ils
invoquent et qui n’ont pas de causes organiques, mais émotionnelles. Le parent
doit comprendre ce qui se cache derrière. Nous devons apprendre à nos enfants à
surfer sur Internet et leur parler des dangers qui s’y trouvent. Nous ne
pouvons pas leur interdire d’aller en ligne, mais nous pouvons les surveiller.
Il y a une différence entre la surveillance et le contrôle. »
Les experts
sont unanimes : il n’y a pas de solution miracle pour protéger les enfants
du harcèlement en ligne. Mais être proche de l’enfant et rester à son écoute
sont des méthodes précieuses pour tout parent. (Trad. Elena Diaconu)