Métiers anciens revisités
C’est aussi le cas de la jeune famille Dana et Ionuţ Georgescu, qui ont lancé le projet « Le Moulin à papier » de Comana, une localité à une trentaine de km de Bucarest. Ils y recyclent du papier, le font macérer et le transforment en papier écologique, qu’ils impriment et relient en employant des équipements récupérés dans d’anciennes imprimeries.
Christine Leșcu, 09.09.2015, 13:30
Les débuts du « Moulin à papier », cinq années auparavant, sont liés à a venue au monde de leur fillette, Elena, mais non seulement. Dana Georgescu nous en dit davantage : « Nous avions des emplois dans des compagnies privées. Au moment où Elena est venue au monde et j’ai passé plus de temps avec elle, j’ai senti le besoin de faire plus que je n’avais fait jusqu’alors. J’étais et je continue d’être passionnée par l’écriture, j’aime ce qui est beau en général. J’ai senti que je voulais faire davantage que d’aller au bureau tous les jours, de gagner un salaire et de partir en vacances. C’était en 2007. Depuis lors, nous avons cherché et nous nous sommes décidés de faire quelque chose dans le domaine de l’imprimerie. Mon mari était passionné de cartes et les choses ont commencé à prendre contour peu à peu. Plus tard, vers 2009, nous avons commencé à suivre aussi des cours. Moi, j’ai suivi un cours de photographie, et mon mari un cours de reliure de livre »
Le « Moulin à papier » une fois conçu, les époux Georgescu ont commencé à chercher un endroit pour le mettre en place. Après avoir cherché à maints endroits, ils sont arrivés à Comana, au milieu d’un parc naturel, avec des forêts, avec un petit delta sur la rivière Neajlov, un endroit qui a sa place dans l’histoire littéraire, aussi, car c’est là que se trouve la maison-musée du poète Gellu Naum. Un endroit prédestiné pour eux, selon Dana. C’est là qu’ils habitent la plus grande partie de la semaine, ils fabriquent et impriment du papier. Ils exposent, dans un petit musée, les machines, dont certaines sont classées au patrimoine national, telle celle qui a été créée à Leipzig en 1889, qui a fonctionné dans l’imprimerie du journal « Universul ».
Et vu qu’ils ont trouvé à Comana un endroit si hospitalier, ils ont pensé offrir, à leur tour, quelque chose au village : ils ont créé une petite entreprise sociale où sont produits de petits carnets, des cartes de vœux, des signets et bien évidemment, du papier écologique manuel. Ionuţ Georgescu : « C’est une entreprise d’un genre un peu différent pour la Roumanie, bien que l’on commence déjà, chez nous aussi, depuis un certain temps, à parler de l’économie sociale et l’on essaie d’assurer à ce domaine un cadre législatif. Ce que nous avons découvert depuis que nous nous trouvons à Comana, c’est que l’on ne peut déployer une activité dans une communauté sans tâcher d’offrir quelque chose à cette communauté. Nous découvrons qu’à mesure que nous nous impliquons dans la vie de la communauté, la communauté nous offre quelque chose, à son tour. Nous avons travaillé avec les enfants de l’école de ce village et ils participent gratuitement aux activités que nous organisons. Nous y avons trouvé des gens de confiance avec lesquels nous collaborons très bien pour faire marcher le « Moulin à papier ». Ce sont des gens sérieux et capables de comprendre nos rêves. Ils nous aident à faire quelque chose non seulement pour nous, mais aussi pour la communauté que nous avons intégrée. Nous ne pouvons dissocier le développement économique de la prospérité des gens parmi lesquels nous vivons. »
Quelle est la situation économique des habitants de Comana et comment cette communauté traditionnelle a-t-elle accueilli l’idée nouvelle de fabriquer du papier écologique dans son village ? Ionuţ Georgescu. : « Le milieu rural a besoin de croissance économique. Or, la campagne offre très peu d’emplois. La plupart des habitants de Comana font la navette à Bucarest ou dans les villages des environs de la capitale où ils ont trouvé du travail. Ils n’ont pas le choix. Pourtant, nous pensons que les métiers traditionnels peuvent très bien arrondir les revenus des villageois ou même devenir leur principale source de revenus. Au début, lorsque nous leur en avons parlé, ils n’ont pas fait confiance à nos idées. En constatant ce que nous avons réalisé, ils se sont rendu compte qu’en utilisant les vieilles choses, on pouvait progresser et alors ils sont devenus plus ouverts. Certains s’impliquent même dans nos activités. »
Les participants les plus enthousiastes aux activités du « Moulin à papier » sont les enfants. Pour eux, Dana Georgescu organise différents ateliers pour leur montrer comment on fabrique et on imprime le papier. Quelle est la réaction des enfants ? Dana Georgescu : « Au début, ils regardent d’un air curieux et de partout je n’entends que des exclamations d’étonnement. Ils sont très surpris de ce qu’ils voient ici. A mesure que je leur explique ce qui s’y passe, ils deviennent de plus en plus intéressés. Et lorsque le moment de produire le papier arrive, c’est une véritable compétition, car chacun souhaite être le premier. Il y a des enfants qui nous disent qu’ils souhaitent y travailler, quand ils seront grands. Ils sont enchantés de ce qu’ils font ici. Et ce sont surtout les tout-petits qui sont les plus enthousiastes et qui manifestent le plus spontanément leur joie. »
Pour les prochaines années, la famille Georgescu prépare un autre projet à Comana: « Le village des artisans », qui doit bénéficier d’un financement norvégien. Il s’agit de construire là-bas de maisonnettes en style traditionnel où l’on pratiquera et enseignera différents métiers anciens : poterie, tissage et travail du bois.(Trad. : Ligia Mihăiescu, Dominique)