Ma vie d’aide à domicile
Les soins à domicile à accorder aux personnes âgées sont tout aussi importants que ceux octroyés aux tout petits. Comme pour ceux-ci, le choix de l’aide à domicile qui doit s’occuper des personnes âgées en l’absence des autres membres de la famille est crucial. Pour les aides à domicile, ce sont les conditions dans lesquelles elles doivent travailler qui sont cruciales. La convention 189 de l’Organisation internationale du travail offre protection à cette catégorie professionnelle et affirme leur droit à des conditions de travail décentes.
Christine Leșcu, 18.01.2017, 15:20
A quoi ressemble la journée de travail d’une aide à domicile? Anişoara a déjà près de 18 années d’expérience dans ce domaine. Elle soigne à présent trois personnes âgées; elle se rend à leur domicile et passe avec elles plusieurs heures par jour. Anişoara : « Je les aide à prendre leurs médicaments, je les accompagne quand elles vont en consultation, je les aide à se laver, je fais les courses, je fais la cuisine et le ménage ».
Malgré cette Convention 189 de l’Organisation internationale du travail, les aides à domicile ne bénéficient pas d’un statut juridique dans tous les Etats européens. Et là où certains aspects sont réglementés par la loi, on trouve toujours des moyens de la contourner. Anişoara explique : « J’ai travaillé pour une société qui avait signé un contrat avec la mairie d’arrondissement. On bénéficiait d’une carte de travail. Pourtant, la mairie n’a plus disposé de fonds pour payer les aides à domicile de cette société. Je me suis retrouvée au chômage. Actuellement, je travaille sur mon propre compte, pour ainsi dire. Et les personnes âgées qui n’ont pas les moyens de payer une aide à domicile ne bénéficient plus de soins ».
Cela met en exergue la vulnérabilité aussi bien des aides à domicile que des bénéficiaires de ces services. Si les autorités locales n’offrent pas d’aide financière aux sociétés qui embauchent des travailleurs, les personnes âgées des familles dépourvues des moyens financiers nécessaires pour payer une aide à domicile ne peuvent plus bénéficier de ces soins. De leur côté, les aides se voient obligées de travailler au noir. C’est aussi le cas d’Anişoara : « Je n’ai plus de livret de travail, je ne peux pas payer l’assurance sociale et l’assurance maladie. Je ne suis plus allée chez le médecin depuis longtemps, bien que j’en aie besoin, car je souffre d’hypertension artérielle et j’ai aussi d’autres problèmes de santé… »
Rodica Căciulă, vice-présidente de l’Association humanitaire « Habilitas », réunissant des personnes autorisées à fournir des soins à domicile, nous offre des détails sur la situation de cette catégorie professionnelle : « L’aide à domicile existe dans le répertoire des métiers de Roumanie sous le nom de « aide au domicile des personnes âgées ». Pour obtenir une certification du premier degré, il faut suivre 360 heures de formation, dont 240 heures de pratique et 120 heures de théorie. Mais il y a aussi de nombreuses personnes qui ne possèdent aucune certification et qui interviennent à domicile en régime privé, n’étant embauchées par personne, ni par une société privée, ni par une autre autorité d’Etat ou locale. Nous ne connaissons pas leur nombre exact, il paraît que peu d’entre elles ont des contrats d’emploi, la plupart travaillant dans cette partie plutôt grise du marché de l’emploi. »
Une solution pour protéger les droits des aides à domicile mais aussi leurs bénéficiaires serait de ratifier la Convention 189. C’est ce que soutient le Conseil économique et social européen, qui vient d’adopter un avis par le biais duquel il demande aux pays membres de l’UE de ratifier cette convention. Dumitru Fornea, membre du Conseil économique et social européen passe en revue les avantages d’une législation plus stricte relative à l’aide à domicile : « Cette convention est très importante. Jusqu’ici elle a été ratifiée par seulement quelques pays — la Belgique, l’Irlande, le Portugal, l’Allemagne, la Finlande et la Suisse — mais d’autres pays envisagent également de la ratifier, ce qui constitue une condition pour continuer toute discussion sérieuse visant à redonner la dignité à ces personnes. Il s’agit d’un secteur qui semble marginal. Or, si nous prenons en compte le vieillissement de la population et la nécessité de dispenser de l’assistance médicale, on constate que ce secteur devient de plus en plus important. Malheureusement, ces aspects de la réglementation sociale sont considérés comme marginaux. Voilà pourquoi nous essayons de revaloriser cette profession. »
En outre, une régulation plus stricte de ce domaine d’activité et surtout l’application de la loi protègeraient mieux les personnes âgées aussi. Rodica Caciula : « Il est très important qu’une personne travaillant en tant qu’aide à domicile soit employée soit par une société privée, soit par les autorités locales afin d’éviter les éventuels abus sur les personnes âgées. En l’absence de documents, ni l’inspection du travail, ni l’inspection sociale ne peuvent intervenir et par conséquent il nous est impossible de savoir ce qui se passe entre un aide à domicile et la personne soignée. Par ailleurs, en l’absence d’un remplaçant, il se peut que l’aide soit épuisé par ce travail. Il ne peut pas prendre ses congés et il n’y a aucune réglementation de son travail. Dans la plupart des cas, ce sont les personne âgées seules et dans l’impossibilité de se défendre qui risquent de subir des abus de la part de l’aide à domicile. La ratification de cette convention est donc très importante. Si toutes ces personnes qui travaillent actuellement en tant qu’aide à domicile avaient des contrats de travail en bonne et due forme, elles constitueraient une force de travail très importante pour la Roumanie. »
En attendant une meilleure législation en la matière, Anisoara et les autres personnes se trouvant dans une situation difficile continuent à s’entraider comme elles peuvent. (trad. : Dominique, Alex Diaconescu)