Entre octobre 2014 et mai 2015, ils ont mené une étude sur les manuels de communication en langue roumaine et d’éducation civique destinés aux élèves du primaire. Ils y ont découvert bien des stéréotypes de genre ou liés à l’âge, bref des choses qu’on a du mal à comprendre dans le contexte du XXIe siècle.
Cosima Rughiniş, maître de conférences à l’Université, nous a parlé de certains stéréotypes de genre, tels qu’ils apparaissent dans les illustrations des manuels scolaires: « Les manuels scolaires continuent d’être très stéréotypés du point de vue du genre et de l’âge. Par exemple, les femmes adultes ou les mères exercent surtout la profession d’institutrice, quand elles ne sont pas présentées comme mères au foyer. On y voit même des femmes, casserole à la main ou bien on apprend qu’elles ont préparé des beignets, des gâteaux au chocolat ou des biscuits. En échange, on ne nous apprend pas grand-chose sur des aspects plus liés à la réalité. C’est dire que les livres scolaires ne reflètent pas le monde dans lequel nous vivons. Même cas de figure pour les personnages masculins. Les manuels semblent ignorer leur présence et implication dans la vie de famille, puisqu’ils sont présentés uniquement comme pilotes d’avion, garde-forestiers ou charpentiers. »
En outre, les dessins sont tout aussi anachroniques que les textes par rapport à la société roumaine contemporaine. Les textes écrits par les auteurs des manuels renvoient eux aussi à cet univers stéréotypés de la femme-mère, femme – institutrice ou occasionnellement de la femme médecin pédiatre. Comme dans la société roumaine les femmes exercent des métiers beaucoup plus divers que ça et que les hommes contribuent eux aussi à l’éducation des enfants et aux tâches ménagères, on peut se demander d’où viennent tous ces clichés. Eléments de réponse avec notre invitée, Cosima Rughiniş : « Ils sont présents, bien évidemment, au niveau de l’imaginaire collectif et du discours sur la féminité et la masculinité. Ce n’est pas moins vrai cependant que l’on ne s’attend pas, dans la société roumaine de nos jours, à ce qu’une jeune femme ou une femme adulte ne travaille pas. Or, de ce point de vue, on constate que les manuels sont en désaccord avec la réalité. L’origine de ce désaccord est à retrouver non seulement dans les extraits de littérature du XIXe siècle que proposent ces livres d’école, mais aussi et surtout dans une certaine inertie des représentations. On ne saurait non plus oublier de mentionner que ces manuels sont élaborés sous la pression de maintes contraintes temporelles ou financières. En plus, je crois que l’on ne s’est pas soucié d’élaborer des manuels en concordance avec l’environnement des enfants. »
Hormis les stéréotypes liés au genre, les livres d’apprentissage du primaire abondent en clichés encore plus dangereux, selon les sociologues. Il s’agit de ceux ayant trait à l’âge. Cosima Rughiniş : « En Roumanie, les stéréotypes liés à l’âge sont beaucoup plus forts. Pourtant, on en discute moins et il me semble qu’ils ne suscitent pas les mêmes émotions que ceux qui portent sur le genre. Nous autres femmes et certains hommes avec lesquels nous travaillons, nous sommes saisis d’indignation en tombant sur ces stéréotypes de genre tout à fait ridicules. Par contre, les images d’un papi s’appuyant sur sa canne ou d’une mamie coiffée d’un fichu peuvent être attendrissantes. Il est de notoriété que la Roumanie, comme tous les pays d’Europe d’ailleurs, traverse une crise démographique. Ceci étant, les seniors sont exclus et des activités sociales et de l’imaginaire collectif. Malheureusement, les manuels scolaires contribuent eux aussi à cette crise des personnes âgées. Aucun abécédaire, livre d’éducation civique ou manuel de roumain pour le CE4, à une exception près, ne présente les grands – parents comme des personnes actives. Dans les illustrations, ils sont immanquablement assis sur un banc ou dans un fauteuil, les lunettes enfourchées sur le nez… »
Les sociologues ne pensent pas pour autant que ces stéréotypes sur lesquels les petits tombent dès leur premier contact avec l’école aient une quelconque influence sur le choix de la profession qu’ils embrasseront quand ils auront grandi. Cosima Rughiniş, elle, est d’avis que leur impact est beaucoup plus insidieux que l’on ne croit : « Le danger n’est pas que les jeunes filles aient pour modèles des femmes au foyer. Le problème n’est pas donc celui des modèles en matière de rôle social. Les filles et les garçons s’inspirent de la société, du cinéma, des personnes qui les entourent. C’est la crédibilité que transmettent certains hommes et femmes qui représente le péril. Par exemple, une femme d’affaires nous apparaît souvent comme moins crédible qu’un homme travaillant dans ce domaine. Dans certains manuels d’éducation civique, plus précisément dans les chapitres consacrés aux leaders et aux occupations, il n’y a que des personnages de sexe masculin. Même si, heureusement, ces cas constituent l’exception, je trouve que leur simple présence dans les livres scolaires semble refléter un certain imaginaire. Voilà pourquoi je crois que la crédibilité des femmes en pâtira au moment où elles travailleront dans la politique, les affaires ou le management. »
Après les manuels du primaire, les spécialistes du Master Recherches sociologiques poursuivront leur étude intitulée « Alice au Pays de merveilles, en explorant les livres scolaires pour le collège et le lycée. (trad. Mariana Tudose)
Cosima Rughiniş, maître de conférences à l’Université, nous a parlé de certains stéréotypes de genre, tels qu’ils apparaissent dans les illustrations des manuels scolaires: « Les manuels scolaires continuent d’être très stéréotypés du point de vue du genre et de l’âge. Par exemple, les femmes adultes ou les mères exercent surtout la profession d’institutrice, quand elles ne sont pas présentées comme mères au foyer. On y voit même des femmes, casserole à la main ou bien on apprend qu’elles ont préparé des beignets, des gâteaux au chocolat ou des biscuits. En échange, on ne nous apprend pas grand-chose sur des aspects plus liés à la réalité. C’est dire que les livres scolaires ne reflètent pas le monde dans lequel nous vivons. Même cas de figure pour les personnages masculins. Les manuels semblent ignorer leur présence et implication dans la vie de famille, puisqu’ils sont présentés uniquement comme pilotes d’avion, garde-forestiers ou charpentiers. »
En outre, les dessins sont tout aussi anachroniques que les textes par rapport à la société roumaine contemporaine. Les textes écrits par les auteurs des manuels renvoient eux aussi à cet univers stéréotypés de la femme-mère, femme – institutrice ou occasionnellement de la femme médecin pédiatre. Comme dans la société roumaine les femmes exercent des métiers beaucoup plus divers que ça et que les hommes contribuent eux aussi à l’éducation des enfants et aux tâches ménagères, on peut se demander d’où viennent tous ces clichés. Eléments de réponse avec notre invitée, Cosima Rughiniş : « Ils sont présents, bien évidemment, au niveau de l’imaginaire collectif et du discours sur la féminité et la masculinité. Ce n’est pas moins vrai cependant que l’on ne s’attend pas, dans la société roumaine de nos jours, à ce qu’une jeune femme ou une femme adulte ne travaille pas. Or, de ce point de vue, on constate que les manuels sont en désaccord avec la réalité. L’origine de ce désaccord est à retrouver non seulement dans les extraits de littérature du XIXe siècle que proposent ces livres d’école, mais aussi et surtout dans une certaine inertie des représentations. On ne saurait non plus oublier de mentionner que ces manuels sont élaborés sous la pression de maintes contraintes temporelles ou financières. En plus, je crois que l’on ne s’est pas soucié d’élaborer des manuels en concordance avec l’environnement des enfants. »
Hormis les stéréotypes liés au genre, les livres d’apprentissage du primaire abondent en clichés encore plus dangereux, selon les sociologues. Il s’agit de ceux ayant trait à l’âge. Cosima Rughiniş : « En Roumanie, les stéréotypes liés à l’âge sont beaucoup plus forts. Pourtant, on en discute moins et il me semble qu’ils ne suscitent pas les mêmes émotions que ceux qui portent sur le genre. Nous autres femmes et certains hommes avec lesquels nous travaillons, nous sommes saisis d’indignation en tombant sur ces stéréotypes de genre tout à fait ridicules. Par contre, les images d’un papi s’appuyant sur sa canne ou d’une mamie coiffée d’un fichu peuvent être attendrissantes. Il est de notoriété que la Roumanie, comme tous les pays d’Europe d’ailleurs, traverse une crise démographique. Ceci étant, les seniors sont exclus et des activités sociales et de l’imaginaire collectif. Malheureusement, les manuels scolaires contribuent eux aussi à cette crise des personnes âgées. Aucun abécédaire, livre d’éducation civique ou manuel de roumain pour le CE4, à une exception près, ne présente les grands – parents comme des personnes actives. Dans les illustrations, ils sont immanquablement assis sur un banc ou dans un fauteuil, les lunettes enfourchées sur le nez… »
Les sociologues ne pensent pas pour autant que ces stéréotypes sur lesquels les petits tombent dès leur premier contact avec l’école aient une quelconque influence sur le choix de la profession qu’ils embrasseront quand ils auront grandi. Cosima Rughiniş, elle, est d’avis que leur impact est beaucoup plus insidieux que l’on ne croit : « Le danger n’est pas que les jeunes filles aient pour modèles des femmes au foyer. Le problème n’est pas donc celui des modèles en matière de rôle social. Les filles et les garçons s’inspirent de la société, du cinéma, des personnes qui les entourent. C’est la crédibilité que transmettent certains hommes et femmes qui représente le péril. Par exemple, une femme d’affaires nous apparaît souvent comme moins crédible qu’un homme travaillant dans ce domaine. Dans certains manuels d’éducation civique, plus précisément dans les chapitres consacrés aux leaders et aux occupations, il n’y a que des personnages de sexe masculin. Même si, heureusement, ces cas constituent l’exception, je trouve que leur simple présence dans les livres scolaires semble refléter un certain imaginaire. Voilà pourquoi je crois que la crédibilité des femmes en pâtira au moment où elles travailleront dans la politique, les affaires ou le management. »
Après les manuels du primaire, les spécialistes du Master Recherches sociologiques poursuivront leur étude intitulée « Alice au Pays de merveilles, en explorant les livres scolaires pour le collège et le lycée. (trad. Mariana Tudose)