L’intégration en milieu scolaire des élèves aux besoins éducatifs spéciaux
Tout comme dans d’autres pays du monde, en Roumanie aussi nous assistons ces derniers temps à une augmentation du nombre d’enfants touchés par des troubles psychiques et du développement, tels l’autisme ou le déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH). C’est un constat plutôt empirique, les statistiques officielles n’étant ni assez révélatrices, ni très récentes.
Christine Leșcu, 14.12.2016, 14:10
7.179 personnes touchées par l’autisme étaient enregistrées en Roumanie en 2012, selon les chiffres fournis par le ministère de la Santé, mais, de l’avis des spécialistes, leur nombre serait beaucoup plus grand. A partir des statistiques de l’OMS, l’association « Sauvez les Enfants » estimait, en septembre 2015, que sur les 3,8 millions d’enfants roumains, plus de 760.000 mille étaient confrontés à un problème de santé mentale, 13% étant touchés par des troubles d’anxiété, 5% par le trouble du déficit d’attention avec hyperactivité, 0,2% par l’autisme et par des troubles envahissants du développement.
Or, l’intégration en milieu scolaire de ces enfants n’est pas toujours facile. La loi de l’éducation prévoit la scolarisation et l’octroi d’un soutien aux enfants aux besoins éducatifs spéciaux. Une législation secondaire définit les types de services de soutien à accorder. En bénéficient les enfants qui, suite à une évaluation, ont obtenu un certificat délivré par un centre d’orientation et d’assistance pédagogique.
En vertu de ce certificat, les enfants aux besoins éducatifs spéciaux peuvent s’inscrire à n’importe quelle école publique où ils devraient recevoir une assistance psychologique et un enseignant qui les aide à s’intégrer dans le milieu scolaire et à assimiler les connaissances dispensées. Comme d’habitude, la situation semble beaucoup meilleure sur le papier. Robert Florea, coordinateur du Centre d’orientation et d’assistance pédagogique, de Bucarest explique : « Malheureusement, du moins à Bucarest, on ne dispose pas d’un nombre suffisant de professeurs pour fournir cette assistance. Alors, les enseignants spécialisés peuvent s’occuper une heure ou deux par semaine, tout au plus, de ces enfants. 4 à 6 heures par mois accordés à un tel enfant ne suffisent pas. Les formes de soutien et la démarche éducative dont bénéficient ces enfants doivent certainement être améliorées. »
Malheureusement, les problèmes administratifs et le manque de personnel ne sont pas les plus grands défis à relever pour soutenir ces enfants. Le milieu scolaire, où un enfant touché par l’autisme ou le trouble du déficit d’attention avec hyperactivité doit s’intégrer, pose des problèmes encore plus difficiles à résoudre. Il s’agit notamment de l’attitude des autres élèves et de leurs parents. Maria Teodorescu est enseignante accompagnatrice dans une école secondaire de la capitale : « Une meilleure préparation psychopédagogique est nécessaire pour approcher ces enfants. Les parents des autres élèves devraient également se montrer plus compréhensifs. Une meilleure collaboration serait également salutaire entre les professeurs chargés de soutenir ces enfants, les professeurs accompagnateurs, les autres enseignants et les parents. Pour que ces enfants soient acceptés, il faut organiser des activités qui fassent comprendre aux élèves normaux ce qu’est la tolérance, car la plupart ignorent ce que cela veut dire. »
Cultiver la tolérance est nécessaire, mais cela ne suffit pas. Les élèves d’une classe qui accueille un enfant touché par un tel trouble, ainsi que leurs parents, doivent savoir en quoi consiste, en fait, ce trouble. Mère d’un enfant touché par le trouble du déficit d’attention avec hyperactivité, Anemarie Necşulescu nous fait part de son expérience : « En fait, les enfants touchés par ce trouble du comportement ont besoin d’attention. Il leur est difficile de se concentrer pendant une plus longue période de temps et ils finissent par perturber les cours: ils parlent alors que personne ne leur a adressé la parole, ils sont impatients et ne peuvent pas se tenir tranquilles, ils dérangent leurs collègues. Un instituteur qui doit gérer une classe d’une trentaine d’élèves ne peut pas faire face à une telle situation. L’intégration de ces enfants dans leur milieu scolaire doit être considérée aussi du point de vue des parents des enfants normaux, qui ne connaissent rien sur ces troubles, et c’est de cette ignorance que naissent la peur, le jugement et le rejet. Là où l’entente mutuelle fait défaut, la situation peut devenir extrêmement tendue, surtout lorsque, marginalisé et frustré, l’enfant touché par un trouble du développement devient violent.
Cet automne, les parents de la plupart des élèves d’un collège de Ploieşti ont exigé le départ d’un élève touché par le TDAH qui, à leur avis, avait un comportement violent. Anemarie Necşulescu connaît ce genre de réaction : « L’institutrice de notre enfant n’était pas formée pour gérer le tempérament et le problème médical de notre enfant. Nous ignorions que notre fils était touché par le trouble du déficit d’attention avec hyperactivité. Nous étions souvent convoqués à l’école où on nous reprochait son comportement. Il n’était pas violent, mais il perturbait les cours. Et l’institutrice nous faisait ces reproches dans le couloir, devant les autres parents. A force de le répéter, elle a déterminé certains d’entre eux à réagir. Ils nous ont demandé de prendre notre « handicapé » et de nous en aller. Nous avons accepté que notre fils soit évalué par un conseiller scolaire. Nous avons déposé le dossier et l’enfant a été examiné, car nous souhaitions une solution à ce problème. Nous avons transféré notre enfant à une autre école, où nous avons bénéficié du soutien de la direction, car nous avons souhaité qu’il profite du droit à l’éducation stipulé par la Constitution du pays. Nous avons trouvé un thérapeute, que nous avons payé de notre propre poche, pour s’occuper de notre enfant à la maison. Nous sommes tombés d’accord avec sa nouvelle institutrice qu’au moment où elle voit la frustration de l’enfant augmenter, qu’elle lui donne une petite tâche à accomplir: essuyer le tableau noir, vider la poubelle ou aller au secrétariat chercher quelque chose. Cela allait l’aider à décompresser, à se calmer et à retourner en classe. »
Suite à une médiation entre la direction du collège et les parents, la crise de Ploieşti a été désamorcée et l’enfant turbulent a pu retourner à l’école. De la même façon, suite à un appel à la compréhension et à la tolérance, l’enfant d’Anemarie Necşulescu a pu être intégré en milieu scolaire. (Trad.: Dominique)