L’évolution de la capitale roumaine dans 12 domaines-clés
Par exemple, la circulation des véhicules si difficile et le fourmillement du centre-ville nous font croire que nous vivons dans une métropole surpeuplée. Pourtant, les statistiques, ne semblent pas le confirmer: le 1er janvier 2016, la ville de Bucarest comptait officiellement 1.844.576 habitants, alors qu’en 1992, la population de la capitale se chiffrait à 2.067.545. Afin d’offrir une description aussi exacte que possible de la ville, la « Fondation communautaire Bucarest » a lancé une étude sur 12 domaines-clés : la démographie, l’éducation, la sécurité, la protection sociale, la santé, la consommation culturelle, la circulation routière, le logement et le sentiment d’appartenance de ses habitants au quartier qu’ils habitent.
Christine Leșcu, 14.06.2017, 13:53
L’étude « Bucarest : une dynamique de la communauté » est réalisée par un groupe de sociologues et d’anthropologues qui ont fait une synthèse des données fournies essentiellement par l’Institut national de la statistique et par les pouvoirs locaux des 6 arrondissements de la ville. Première conclusion : la disparité constatée entre les perceptions des habitants et les données concrètes persiste lorsqu’on compare entre elles les données officielles.
Pour voir quels étaient les décalages entre les habitants riches et les habitants pauvres de la ville, les auteurs de l’étude ont dû recueillir des données provenant des directions de la protection et de l’assistance sociales de chaque arrondissement. Or, selon Valentina Marinescu, sociologue enseignant à l’Université de Bucarest, cette démarche s’est avérée hasardeuse, avec des résultats inattendus : « Il a été difficile de réaliser des comparaisons entre les différents arrondissements de la ville de Bucarest. Certaines mairies, très bien organisées, ont mis à notre disposition des dossiers avec toutes les données que nous avions demandées, d’autres nous ont envoyé une simple feuille de papier et un minimum d’informations ou rien du tout. Ce qui en dit long sur un appareil administratif payé de l’argent des contribuables. Par conséquent, il nous a été très difficile de comparer la situation des familles monoparentales, des riches et des pauvres, des enfants qui ont besoin d’aide ou des personnes du troisième âge des différents arrondissements. »
Si la collecte des données a posé problème, parfois le résultat de l’analyse est, lui, paradoxal : les mairies d’arrondissement qui ont une meilleure situation financière ont la charge d’un plus grand nombre de personnes que les arrondissements d’habitude considérés comme moins nantis. Valentina Marinescu : « Au premier semestre 2016, plus de la moitié des aides sociales de la capitale semble avoir été accordée au premier arrondissement. En comparant ces données avec celles provenant des autres arrondissements, on a l’impression que le plus grand nombre de personnes qui ont besoin d’aide sociale provient de la zone à la plus grande densité de compagnies multinationale, celle de Pipera. Le 6e arrondissement a rapporté 108 cas, le 5e arrondissement enregistre 112 cas, le 3e arrondissement – 548 cas. Nous ne disposons pas d’une statistique pour le 2e et le 4e arrondissements, qui ne nous ont pas fournis de données. Tout dépend donc de la manière dont ces cas sont rapportés et dont les sommes destinées aux aides sociales sont gérées par chaque mairie. »
Côté éducation, la situation de la ville de Bucarest semble tout à fait particulière. Malgré une infrastructure meilleure que celle d’autres villes, Bucarest enregistre un taux d’abandon scolaire plutôt élevé, d’environ 15%, et un taux d’admission au bac de 53%, ne dépassant pas la moyenne au niveau national. Valentina Marinescu : « Côté éducation, nous, les Bucarestois, nous semblons être quelque peu atypiques. On y met davantage l’accent sur la perfection et la performance dans ce domaine par rapport à d’autres villes du pays. Il serait intéressant de réaliser une étude séparée, pour voir combien d’argent on y investit dans les institutions « après école » et les leçons privées. Par ailleurs, le fait qu’à Bucarest, le taux d’admission au bac s’est chiffré à 53% ne signifie pas que nos élèves sont moins bien préparés que ceux des écoles de province, mais que celles-ci évaluent leurs élèves selon des critères moins stricts. »La consommation culturelle est étroitement liée à l’éducation. Selon une étude sociologique réalisée en 2015 et citée par les auteurs de l’étude « Bucarest – une dynamique de la communauté », 54,2% des Bucarestois préféraient le théâtre, 35,1% les spectacles de musique pop et danse et 14,6% les spectacles folkloriques. Pourtant, sur l’ensemble des habitants de Bucarest, 71,8% n’achètent jamais de billets au théâtre.
Vlad Odobescu, journaliste, anthropologue et un des auteurs de la recherches lancée par la Fondation communautaire Bucarest, explique les préférences culturelles des Bucarestois: « Cela ne veut pas dire qu’ils ne participent pas, d’une façon ou d’une autre, à la vie culturelle de la ville. Depuis un certain temps, la municipalité et les mairies d’arrondissement organisent des événements en plein air. Je ne sais pas dans quelle mesure ces événements peuvent être considérés comme étant culturels, pourtant c’est une façon d’attirer la population vers la culture. En outre, 40% des Bucarestois passent du temps dans les galeries commerciales ou les grandes surfaces. Cela en dit long sur l’infrastructure culturelle de la ville. En 1990, la capitale roumaine comptait 77 salles de cinéma. A présent il n’y a plus que 17.
Bucarest est une ville dynamique, du point de vue aussi bien économique que de la production culturelle. Pourtant, ce dynamisme n’est pas nécessairement lié à la jeunesse de sa population, vu qu’un quart seulement de ses habitants sont âgés de moins de 24 ans. Ce chiffre est inférieur à celui enregistré dans d’autres grandes villes du pays. Si Bucarest n’est donc pas forcément une ville jeune du point de vue démographique, la capitale roumaine est une ville sûre. Vlad Odobescu : « Ces dernières années, Bucarest se présente comme une ville sûre et, selon les données générales dont nous disposons, dans une hiérarchie des villes européennes, il devance Prague, Bratislava, Vilnius. Parmi les grandes villes roumaines, Bucarest est pourtant moins sûr que Cluj-Napoca ou Iaşi, par exemple. On prend en compte pour en juger le nombre d’infractions contre la personne (vols et brigandages), agressions sexuelles, agressions contre la sécurité routières.
Bucarest est une ville qui commence à peine à se faire connaître et il est possible que ses paradoxes comptent parmi ses attraits. (Aut. : Christine Leşcu ; Trad. : Dominique)