L’escalade, entre thérapie et performance sportive
Roxana Vasile, 16.08.2023, 12:26
Fondée et dirigée par Claudiu Miu, ancien champion balkanique
d’escalade, Climb Again de Bucarest est une association sportive qui, depuis
2014, organise des sessions de para-escalade pour les jeunes souffrant de
déficiences motrices et sensorielles. Les cours s’adressant aux enfants en
situation de handicap sont offerts à titre gracieux grâce aux tarifs payés par
les autres membres du club. Răzvan Nedu est entraineur d’escalade à Climb Again. Il explique les effets
thérapeutiques que cette activité peut produire dans le cas des personnes
handicapées.
« C’est un sport qui oblige celui qui le pratique à
vivre en temps réel, à rester connecter à la réalité, au temps présent, à comprendre
ce qui se passe avec son corps, à devenir conscient de certaines peurs et
certains blocages et à les surmonter. C’est aussi un sport qui booste la
confiance et encourage la communication, puisque c’est un sport d’équipe:
pendant que l’un saute de prise en prise, le deuxième l’assure. C’est donc une
activité où le trajet reste le même, seules les habilités du pratiquant diffèrent.
Et cela s’applique aussi bien dans le cas des grimpeurs typiques, que dans le
cas des ceux à défaillances. Peut importe le handicap – un bras ou une jambe qui
manque, une parésie, on finit par s’y adapter, en apprenant ce que notre corps
est capable de faire pour escalader le mur. C’est comme dans la vie! Chacun
doit trouver le meilleur chemin pour aboutir à ses fins. »
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’escalade
sportive n’est pas un sport extrême. C’est un style d’escalade qui repose sur
des ancrages permanents fixés sur le rocher ou sur une paroi artificielle assurant
la protection des pratiquants. Tant que le grimpeur et l’assureur respectent
les mesures de sécurité, le risque de chute est pratiquement nul. Pour revenir
aux séances d’escalade à l’intention des personnes souffrant de déficiences
physiques ou psychiques, disons que leurs bénéfices sont multiples, précise Răzvan
Nedu :
« La para-escalade ne se concentre pas sur ce que le
pratiquant n’arrive pas à faire. Par exemple, dans le cas d’un malvoyant qui ne
voit pas les ancrages, ce sera à quelqu’un d’autre de les lui indiquer. Dans le
cas de quelqu’un qui a du mal à soulever le pied, soit on essayera à travailler
sa mobilité, soit on lui indiquera une autre méthode pour se servir de ses
mains afin de continuer l’ascension. En fait, c’est un sport où il faut surtout
trouver des solutions. Les personnes souffrant de certains handicaps oublient
souvent à chercher des alternatives. Ils se heurtent à des barrières qu’ils
trouvent trop nombreuses et difficiles à franchir. L’escalade est un sport qui
oblige à chercher des solutions. C’est comme dans la vie de tous les jours. Si
on s’habitue à trouver des solutions sur le trajet d’escalade, on finira par
trouver des solutions dans notre vie aussi. Ce n’est pas possible de trouver
des solutions seulement sur un mur d’escalade et de ne pas le faire ailleurs
aussi. »
L’escalade encourage les jeunes aux déficiences à se
faire confiance et à s’ouvrir vers le monde et vers les autres. Souvent, ces
personnes sont victimes d’une hyper protection de la part de leurs proches ce
qui rend leur situation encore plus difficile. Mais, à force de pratiquer
l’escalade en compagnie des jeunes typiques, ils finissent par mieux s’intégrer
au sein de la société. Răzvan Nedu nous le confirme:
« Il y a sept ans, les représentants de
l’association Climb Again se sont rendus dans plusieurs écoles pour les
malvoyants de Roumanie, pour permettre aux enfants de grimper sur un panneau
mobile. Ils sont venus aussi dans mon lycée. A l’époque, je voulais faire un
sport et l’escalade m’a attiré beaucoup plus que l’idée de faire du fitness dans
une salle de gym. La première fois quand j’ai grimpé sur une paroi rocheuse, ce
fut le coup de foudre. Mes aptitudes n’étaient pas hors du commun et elles
n’ont pas impressionné les représentants du club. Claudiu, le fondateur de
Climb Again m’a proposé de participer à des compétitions, pour voir un peu à
quoi ça rimait. Et je l’ai fait. Au début, mes résultats étaient plutôt moyens,
mais je me suis dit que je finirai par progresser. »
Et il l’a fait !
Et oui, vous avez bien compris: Răzvan Nedu est
malvoyant. Sa capacité visuelle est de 1% seulement. Depuis qu’il a découvert
l’escalade, sa vie a complètement changé au point où il lui serait impossible
de s’imaginer faire autre chose. L’escalade est un mode de vie. Il est devenu
entraîneur d’escalade et de para-escalade au club Climb Again et il est membre
de l’équipe nationale de para-escalade. Il réunit dans son palmarès plusieurs
médailles décrochées aux Championnats mondiaux de para-escalade. Il a également
grimpé en haut du Mont Blanc, de l’Elbrouz, de l’Aconcagua et du Cervin. Razvan
Nedu:
« Les limites se trouvent plutôt dans nos têtes que
dans nos vies. Si on se croit incapable de faire certaines choses, on ne les
fera pas. Ce n’est qu’au moment où l’on change de discours intérieur et que
l’on se concentre à trouver des solutions que les choses commencent à changer »,
affirme Razvan qui a aussi un message pour tous ceux qui voudraient suivre son
exemple :
« Le monde en général et la nature, en particulier,
sont magnifiques. Il faudrait chercher à les découvrir, il faudrait surmonter
nos peurs sans prendre des risques inutiles. Si on ne sait pas nager, on ne va
pas plonger dans les eaux d’une rivière. On apprendra d’abord à nager et par la
suite, on pourrait plonger. On doit se réjouir de toutes les sensations que le
monde nous offre. On doit avancer doucement, prendre notre temps, préserver nos
forces, tout en faisant des efforts constants et c’est comme cela qu’on
arrivera beaucoup plus loin que l’on ne pense. »
(Trad : Ioana Stancescu)