Les Roumains, 10 ans de citoyenneté européenne
Le 1er janvier 2007, au terme d’un processus long et difficile, l’UE ouvrait enfin ses portes à la Roumanie et à la Bulgarie, trois ans après son plus ample processus d’élargissement démarré en 2004. Une victoire saluée par toute la Roumanie qui, à l’époque, se situait première dans un classement des anciens pays communistes selon le taux de confiance qu’elle prêtait aux institutions européennes. A dix années de son adhésion européenne et à l’issue d’un an sous le signe des attaques terroristes et du Brexit, la Roumanie affiche un euro enthousiasme plutôt réservé. 53% des Roumains continuent pourtant à qualifier de positive l’appartenance européenne de leur pays, selon un tout récent Euro-baromètre commandé par le Parlement européen. Un pourcentage qui coïncide avec la moyenne européenne, tout en se situant en dessous des chiffres affichés généralement par une Roumanie où le taux de confiance aux institutions européennes se montait généralement à 70-80%.
Christine Leșcu, 11.01.2017, 14:43
Une situation normale dans le contexte général actuel d’inquiétude, opine le sociologue Bogdan Voicu de l’Institut de recherche sur la qualité de la vie : « Ce pourcentage s’inscrit dans la tendance générale de perte de confiance aux institutions communautaire. Pourtant, la position de la Roumanie est assez particulière, vu l’immense capital de confiance qu’elle attribuait à Bruxelles au moment de son adhésion. Suite à son intégration, Bucarest se voyait enfin reconnaître aussi bien son appartenance à cette grande famille qu’était l’UE que son statut de partie intégrante de la civilisation du Vieux continent. Surtout que dans l’acception des Roumains, pour se sentir civilisés et reconnus comme tels, il fallait devenir citoyens européens à pleins droits».
Dix ans après l’adhésion de leur pays à l’UE, les Roumains ont compris que le pouvoir des institutions communautaires reste limité et que l’intégration ne fera pas couler du lait et du miel en Roumanie, affirme l’eurodéputée Renate Weber de la Commission chargée de l’emploi et des affaires sociales : «Personnellement, je ne pourrais faire abstraction des facteurs susceptibles d’influencer l’opinion publique dans chacun des pays communautaires. Ce baromètre européen intervient à une époque où pas mal de citoyens roumains ont reproché à Bruxelles ses politiques adoptées dernièrement et surtout sa décision d’ignorer la Roumanie au moment des grandes décisions. D’ailleurs, la non-intégration de Bucarest à l’espace Schengen a porté atteinte au sentiment d’appartenance européenne. Car, pour la grande majorité des Européens, la libre circulation est un facteur clé de l’identité communautaire».
A l’heure où l’on parle, il n’y presque pas de famille roumaine qui n’ait au moins un parent ou un ami travaillant ailleurs, dans un autre pays communautaire. On ne peut donc se déclarer surpris si la liberté de circulation figure pour 44% des sondés parmi les principaux atouts obtenus suite à l’adhésion de leur pays à l’UE. D’ailleurs, le nombre de Roumains considérant comme bénéfique l’intégration européenne de leur pays dépasse celui des autres européens, selon le même sondage qui indique que 64% des Roumains saluent l’adhésion de leur pays à l’UE par rapport à une moyenne européenne de 60%. Si pour 54% des Européens l’Union s’inscrit sur une mauvaise voie, ils ne sont que 25% à se déclarer optimistes face à l’avenir européen. Un pourcentage de presque 20% inférieur à celui des euro-optimistes roumains.
Aux dires du sociologue Bogdan Voicu, cela prouve que les attentes de nos concitoyens à l’égard des institutions européennes dépassent celles à l’égard de leurs propres institutions : « Plus on nous fait payer le prix de l’adhésion, plus on risque de devenir euro-sceptiques. Il ne faut pas oublier que la Roumanie est, depuis quelques années déjà, un pays en pleine crise économique et cela se reflète dans son niveau de vie. Il est plus facile de rester optimiste au moment où l’économie est à la hausse. A tout cela, un autre facteur s’ajoute: la tendance des Roumains à considérer les autres Européens moins corrompus et mieux organisés qu’eux. Cela les aide à afficher un optimisme d’anticipation qui leur permet de se dire qu’un beau jour la situation s’améliorera en Roumanie aussi ».
Sur l’ensemble des citoyens européens, les Roumains figurent parmi ceux ayant les plus grandes attentes à l’égard des institutions européennes, selon le baromètre communautaire: 38% des Roumains font confiance au Parlement européen contre une moyenne européenne de seulement 25%. Plus intéressant encore – plus de 35% des Roumains affirment que les institutions européennes répondent mieux à leurs attentes que celles nationales. L’eurodéputée Renate Weber précise: « J’aimerais bien pouvoir affirmer qu’un tel pourcentage découle du fait que les gens apprécient notre travail au Parlement européen. Mais ce n’est pas vrai. Personnellement, je pense que c’est plutôt en rapport avec la perte de confiance des Roumains à l’égard de leur propre Parlement. Ils sont nombreux ceux qui nous envoient des messages par courriel et on essaie de répondre à toutes les questions. Or, les Roumains n’ont pas l’habitude d’avoir de retour, quoique cela renvoie à une conduite normale».
Pour conclure, malgré un enthousiasme en légère baisse, l’UE continue de bénéficier du soutien de ses citoyens. A titre d’exemple, la plupart des Roumains – à savoir 52% – font confiance à l’Union, un taux nettement supérieur à une moyenne européenne de 36%. Pourtant, 66% des Européens et 79% des Roumains voient l’UE comme une oasis de stabilité au cœur d’un monde plutôt trouble. (trad. : Ioana Stancescu)