Les mineurs délaissés en Roumanie.
Une réalité qui va de pair avec l’apparition d’une nouvelle catégorie sociale, celle des mineurs délaissés. Un terme par lequel on désigne les nombreux enfants restés seuls à la maison ou pris en charge par les grands-parents, les voisins ou les frères et sœurs plus âgés, pendant que leurs parents quittent la Roumanie pour chercher une vie meilleure ailleurs. Bien que les parents subviennent aux besoins matériels de leurs petits, il leur est impossible de le faire au plan affectif.
România Internațional, 12.07.2017, 13:20
Une réalité qui va de pair avec l’apparition d’une nouvelle catégorie sociale, celle des mineurs délaissés. Un terme par lequel on désigne les nombreux enfants restés seuls à la maison ou pris en charge par les grands-parents, les voisins ou les frères et sœurs plus âgés, pendant que leurs parents quittent la Roumanie pour chercher une vie meilleure ailleurs. Bien que les parents subviennent aux besoins matériels de leurs petits, il leur est impossible de le faire au plan affectif.
Le départ d’un et souvent des deux parents a de nombreuses conséquences sur la vie des jeunes. Confrontés à un fort sentiment d’abandon, ceux-ci ont de grandes difficultés d’ordre émotionnel, éducationnel et social. C’est une situation de stress, qui provoque de la frustration, voire de la dépression. On note ainsi des manifestations d’échec scolaire, d’activités micro-criminelles et, dans les cas les plus dramatiques, des suicides. Selon l’Autorité nationale pour la Protection des droits de l’Enfance, la Roumanie recense près de 95 milles enfants délaissés, dont une vingtaine de milliers par les deux parents. Mais, selon certaines études, le nombre réel d’enfants en situation d’abandon se monterait à 350.000, ce qui représente 10% du total des enfants roumains.
Après le départ des parents au Royaume Uni, il y a deux ans déjà, c’est à Petruta Soare de s’occuper toute seule de sa petite fille de 9 ans. Bien que sa maman et son papa ne lui rendent visite que deux fois par an, la gamine semble heureuse de se voir offrir plein de cadeaux. C’est du moins ce qu’affirme sa grand-mère: «Pour l’instant, elle n’a pas l’air d’en souffrir trop, surtout qu’elle les a au bout du fil chaque soir. A part ça, on compte beaucoup sur l’aide de l’organisation Sauvez les enfants. Elle réunit à son siège des enfants délaissés pour travailler ensemble leurs devoirs, pour faire toute sorte d’activités, les emmène dans des excursions. Et puis, la gamine est contente parce qu’elle obtient tout ce qu’elle veut, ses parents lui achète tout ce qu’elle veut. C’est vrai, qu’à son tour, elle travaille très bien à l’école et décroche de très bonnes notes. Moi, j’en suis fière. En plus, elle adore les activités proposées par l’organisation Sauvez les enfants. Elle ne s’en lasserait pas.»
Cela fait déjà dix ans qu’Elena a quitté la Roumanie à destination de l’Espagne, en laissant derrière deux petits garçons, à l’époque, en cycle primaire. Malgré les deux-trois mois passés chaque été avec leur mère, les gamins ont énormément souffert et la séparation a laissé des traces profondes dans leur âme. Elena raconte: « Il a été très dur pour moi de laisser derrière mes deux jeunes enfants. Dix ans plus tard, je regrette cette décision. Les enfants ont grandi et moi j’ai raté ce qui aurait pu être nos plus belles années. Malgré les trois mois passés ensemble, chaque année, je ne suis pas arrivée à les élever comme il se doit. Aujourd’hui, c’est trop tard, ils ne m’écoutent plus.»
Les dimensions prises par le phénomène des enfants délaissés a entraîné la mise au point d’un réseau national de services dédiés. L’organisation Sauvez les enfants s’adresse aussi bien aux enfants en situation d’abandon qu’aux adultes qui s’en chargent pendant l’absence des parents. Anca Stamin, coordinatrice des programmes: «Notre organisation Sauvez les enfants a lancé, en 2010 déjà, une série de programmes au bénéfice des enfants dont les parents sont partis travailler ailleurs et aux adultes ayant leur charge. Je pense, par exemple, au programme «L’école après l’école» mis en place dans certains établissements scolaires. On a imaginé 17 programmes, au total, permettant aux enfants de faire leurs devoirs, de communiquer avec d’autres enfants en situation similaire, d’avoir la possibilité de parler en ligne avec leurs parents ou encore de bénéficier de soutien psychologique pour franchir le cap de la séparation. En parallèle, on offre du soutien psychologique à tous ceux qui s’occupent de ces enfants pour les aider à mieux comprendre les besoins psychologiques de ces gamins. Si la personne qui en a la charge est un membre de la famille, on l’aide également à démarrer la procédure pour obtenir la tutelle temporaire en cas d’absence des deux parents. »
Il y a dix ans, l’Organisation «Sauvez les enfants» lançait son premier service de consultation par téléphone et en ligne à l’intention des enfants victimes de la migration économique. Anca Stamin: «C’est une ligne verte en service du lundi au vendredi, qui sert à obtenir des informations juridiques, administratives ou encore sociales. Quant aux parents partis à l’étranger, ils ont à leur disposition un numéro à tarif normal, joignable de partout. Une plate-forme en ligne offre aussi bien des informations et des articles intéressants au sujet des enfants délaissés que la possibilité de poser des questions aux professionnels de notre association.»
En Europe, les statistiques font état de plus d’un million cinq cent mille enfants délaissés par les parents partis travailler à l’étranger. Un chiffre alarmant qui a entraîné la réaction des institutions, en quête de solutions. Ainsi l’euro-député Victor Negrescu souhaite-t-il financer de fonds européens un programme national de réinsertion des Roumains de la diaspora sur le marché roumain du travail, programme qu’il soumettrait au Parlement de Bucarest. Il propose une reconnaissance plus rapide des diplômes et des qualifications professionnelles des ressortissants roumains parallèlement à une insertion en douceur des enfants scolarisés à l’étranger dans le système éducationnel roumain. (Trad. Ioana Stancescu)