Les meilleures initiatives civiques de 2017
Devenues célèbres aussi bien en Roumanie qu’à l’étranger, les nombreuses manifestations estampillées #REZIST de 2017 ne sont que le symbole d’un renouveau de l’esprit civique, devenu de plus en plus présent au fil des années. Mais l’esprit civique ne s’épuise pas dans des manifs dénonçant la corruption ; il prend encore des formes alternatives d’activisme, telles les pétitions qui, à l’aide de beaucoup de persévérance, essayent d’ouvrir la porte du dialogue avec les décideurs publics. Derrière certains activistes, on trouvera des associations et des ONG. Le Centre de ressources pour la participation civique (CERE) distingue les activistes civiques les plus remarquables à l’occasion d’un événement annuel appelé le Gala de la participation civique, initié voilà neuf ans.
Christine Leșcu, 09.05.2018, 14:16
Cette année, le Centre a essayé de distinguer en égale mesure les deux catégories d’activisme : celui incarné par les manifs de rue, et celui des petits groupes d’action locale, telles les initiatives sociales qui essayent d’améliorer les conditions de logement dans certains quartiers, ou de promouvoir l’éducation, l’égalité des chances, ou encore la protection de l’environnement.
Quant au concept autour duquel s’est articulé le Gala de 2018, nous avons abordé le sujet avec Oana Preda, directrice exécutive de CERE : « Le Gala de cette année aborde le concept de solidarité. On a pensé que c’est bien autour de la solidarité que l’on pourrait faire se rencontrer les deux formes d’activisme. Ces dernières années on a observé un renouveau de l’esprit civique ou citoyen et on remarqué un activisme renforcé et croissant. Toutefois, on ne peut s’empêcher de regretter que ce changement d’attitude n’ait pas encore produit ses effets plus en profondeur, au niveau des autorités. On ressent un air de pessimisme, bien que les gens semblent décidés de résister. »
De ceux qui résistent et qui ont même réussi à faire entendre leur voix et à faire bouger les lignes, on compte les mamans de l’association SAMAS. Par leur campagne « CNA devant le dilemme de l’allaitement », elles ont convaincu le Conseil national de l’audiovisuel de faire introduire une publicité qui fait la promotion de l’allaitement pendant les 6 premiers mois de vie de l’enfant. C’est un message extrêmement important parce que, selon UNICEF, seuls 12% des bébés roumains sont allaités dès leur naissance, et que le taux d’allaitement pendant les six premiers mois de vie n’est que de 16%.
Eli Roman, militante de l’association SAMAS, présente à l’occasion du Gala de la participation publique : « Les chaînes de télévision hésitent toujours à diffuser notre message aussi souvent que d’autres publicités d’intérêt public. Nous avons voulu faire entendre ce message d’encouragement aux mères. Ce n’est pas facile d’allaiter, mais pas impossible non plus. On ne veut accuser personne. Si une maman choisit de ne pas allaiter, alors bon, c’est son choix. Mais, mesdames, messieurs, mamans et papas, sachez qu’il n’y a rien de plus valorisant que d’offrir le meilleur à son enfant en début de vie. »
Un liquide aussi vital que le lait maternel semble être l’eau des sources de montagne. Ovidiu Mihuţ, pêcheur passionné a fait des émules parmi ses pairs pour lancer la campagne « Contre la désertification des monts Făgăraş et le rapt des forêts publiques ». Par cette campagne, Ovidiu Mihuţ tire la sonnette d’alarme quant au désastre environnemental provoqué par la construction de microcentrales hydroélectriques. De surcroît, utilisant à bon escient la législation de l’UE en la matière, Mihut réussit à attirer dans son combat la Commission européenne qui a lancé une procédure de sanction à l’encontre de la Roumanie, pour non respect des obligations assumées au sujet de la protection des habitats naturels lors de l’octroi des permis de construire pour ces ouvrages hydroélectriques.
Ovidiu Mihuţ précise : « Nous ne sommes pas à proprement parler une organisation, mais bien de simples citoyens. Mais nous sommes les premiers à avoir dénoncé le fait qu’ériger de tels chantiers au beau milieu des réserves naturelles ne représente rien d’autre qu’un schéma d’enrichissement rapide de certains, aux dépens de l’intérêt général. D’un point de vue économique, l’efficience énergétique de ces centrales peut être comparée à celle d’une pile de montre utilisée pour démarrer une locomotive. Nous avons réussi à faire sortir la grande corruption cachée derrière de telles initiatives privées. »
Combien indispensable est la persévérance pour faire connaître ses doléances a encore été démontré par Oana Vasiliu, via sa campagne « La révolution des habitants du quartier de Canta ». Dans les habitations sociales de ce quartier de Iasi, les conditions de vie sont, à proprement parler, inhumaines.
Et Oana Vasiliu est bien payée pour le savoir, pour y avoir vécu : « J’ai réussi à quitter Canta. J’avais habité là pendant 7 ans, avec mes 3 enfants. Ce n’est pas juste dur, c’est infernal. Il y a beaucoup de gens malades, des handicapés, des enfants autistes ou qui souffrent d’épilepsie et qui continuent d’y vivre, dans des pièces qui font neuf mètres quarrés. C’est la galère. Les autorités locales rejettent toute demande de déménagement. Je les avais submergé de requêtes pendant 7 ans, et ce n’est qu’ainsi que j’ai réussi à m’en aller. Mais les démarches de la plupart de ceux qui vivent là-bas sont rejetées d’office, parce qu’ils ne savent pas se défendre. Avec le soutien des journalistes, j’ai réussi à les aider, maintenant au moins ils connaissent leurs droits. Là on assiste à des suicides, et il est insensé, inhumain que les autorités soient au courant de tout cela et qu’elles ne lèvent le plus petit doigt. »
Mais si à Iasi la campagne menée par cette ancienne habitante de Canta n’a réussi qu’à en informer les gens, dans la ville de Constanta les autorités publiques locales ont été bien obligées d’ouvrir un premier centre d’accueil d’urgence des victimes de la violence domestique. C’est l’exploit réussi par l’association « Necuvinte », « les Sans paroles » qui, par sa campagne intitulée « La caravane qui fait bouger les choses » a réussi à informer et à sensibiliser l’opinion publique sur la violence domestique et ses conséquences.
Simona Voicescu, une des chevilles ouvrières de cette campagne, nous parle de l’action de l’association: « Ils ont finalement ouvert ce centre, ils ont mis à disposition une ligne verte, mais tout a été le fruit d’un terrible effort. Nous avons été accueillis de manière agressive à Constanţa et puis, après l’ouverture, lorsque l’on a demandé des infos, ils ont exigé une requête écrite et nous ont assuré de recevoir une réponse dans les trente jours. »
Malgré tout, c’est grâce à la pression conjointe des organisations civiques, de l’opinion publique et des médias que la décision d’ouvrir le centre n’a pris que 25 jours. Et c’est bien la raison pour laquelle CERE a mis à l’honneur cette campagne, avec les autres campagnes mentionnées, lors de son Gala de la participation publique. (Trad. Ionut Jugureanu)