Les jeunes sur le marché de l’emploi
De nombreux pays de l’UE sont touchés par ce phénomène et un diplôme universitaire ne garantit pas un emploi. 33,8% – soit plus d’un tiers – des jeunes roumains, diplômés d’une faculté et âgés de 20 à 34 ans, n’ont pas réussi à se faire embaucher pendant les 3 premières années après la fin de leurs études – indiquent les données fournies par la direction générale de l’information statistique de la Commission européenne, Eurostat, qui centralise les informations envoyées par tous les instituts nationaux spécialisés.
Christine Leșcu, 25.11.2015, 13:49
Adelina Mihai, journaliste à « Ziarul Financiar », a étudié ces chiffres et peut comparer la situation de Roumanie avec celles enregistrées dans les autres Etats européens : «La Roumanie se trouve en queue de classement, mais pas à la dernière place. La situation est encore plus difficile en Bulgarie, Espagne, Croatie, Italie et Grèce – pays fortement touchés par la crise économique. » Le chômage des jeunes – y compris de ceux qui ont fait des études supérieures – a des causes multiples et profondes. Les causes immédiates sont plus faciles à saisir. Entre autres, les jeunes ne répondent pas toujours aux attentes des employeurs.
En parlant à Camelia Slivneanu, directrice de ressources humaines d’une société privée, nous avons appris comment un jeune devrait se présenter à un entretien pour avoir le plus de chances d’être embauché : «Nous regardons tout d’abord son attitude. Nous regardons aussi sa tenue vestimentaire et sa capacité d’auto-analyse. Nous avons constaté que bien souvent les jeunes ne savent pas mettre en valeur leurs compétences ou atouts qui pourraient contrecarrer leur manque d’expérience. Nous cherchons également à savoir s’ils ont la patience nécessaire pour apprendre un métier. »
Après la fin de leurs études universitaires, les jeunes ne savent toujours pas vers quel domaine d’activité se diriger. Adelina Mihai : « Les employeurs demandent l’organisation de stages de conseil carrière tant pour les collégiens que pour les lycéens, pour qu’ils se rendent compte vers quels domaines s’orienter pour avoir un emploi garanti à la fin de leurs études universitaires. Les employeurs critiquent aussi l’option de formation universitaire en études européennes, par exemple, à un moment où le marché a besoin de spécialistes en langues étrangères ou informatique. Par ailleurs, le bénévolat est une activité très appréciée dans le CV d’un candidat sans expérience. Toute activité de ce type est un plus. Les stages de conseil carrière sont organisés par des spécialistes en ressources humaines. Les lycéens, notamment ceux en terminale, ont des décisions importantes à prendre. En dernière année de collège, ils doivent opter pour une filière littéraire ou scientifique. Puis, les élèves de terminale doivent décider quelle est la faculté la plus adéquate aux aptitudes découvertes ou développées pendant le lycée.»
Malgré les lacunes constatées au cours des entretiens d’embauche, les employeurs ne sont pas entièrement d’accord avec les statistiques d’Eurostat. Camelia Slivneanu nous parle de son entreprise : «Sur 6 – 7 diplômés que nous considérons comme possibles candidats pour un poste, nous embauchons au moins 3. Donc, chez nous, le taux des jeunes embauchés est d’environ 50% des candidats pour un poste. A ce que j’aie appris auprès de mes collègues travaillant dans le même domaine, chez eux aussi, 65% des candidats diplômés ou étudiants sont embauchés. Nous sommes constamment en contact avec les universités, où nous faisons souvent la promotion de notre société. En plus, le taux des embauches augmente à 70% dans le cas des masterants et des étudiants en dernière année de licence.»
Pour avoir une image encore plus concrète de ce phénomène, il convient de préciser que la plupart de l’activité économique de la Roumanie est concentrée à Bucarest et dans seulement quelques autres villes. Camelia Slivneanu ajoute: « Il y a une différence majeure entre le taux d’embauche des diplômés provenant du milieu rural et ceux du milieu urbain. La plupart des diplômés domiciliés à la campagne déménagent en ville. Il faut reconnaître que la plupart sont attirés par la capitale, Bucarest. D’autres s’intéressent aussi à l’ouest du pays, vu que de plus en plus d’investisseurs étrangers y ont ouvert des sociétés, notamment des centres d’appel. »
Les statistiques portent également sur les chances de se faire embaucher des jeunes diplômés en comptabilité. Ceux-ci dénoncent l’absence de tels postes, ainsi que l’existence d’un « cercle vicieux », pour ainsi dire : les jeunes qui viennent d’achever leurs études sont refusés par les patrons qui invoquent leur manque d’expérience, une expérience qu’ils ne peuvent pourtant pas accumuler pendant leur scolarité. Les spécialistes des ressources humaines le confirment. Parmi eux, Camelia Slivneanu : «Il faut reconnaître que les employeurs ou les responsables du recrutement sont en partie responsables, tout comme les candidats d’ailleurs. On n’invite pas un jeune sans expérience à un entretien d’embauche pour une position qui demande de l’expérience professionnelle. Tout comme on ne postule pas pour un poste qui nécessite de l’expérience si on n’en a pas. A ignorer ces deux facteurs, nous entrerons dans ce cercle vicieux et nous aurons à faire à deux camps frustrés : d’une part les employeurs et d’autre part – les jeunes, qui perdront leur motivation.» Entre temps, les statistiques nous rappellent que la Roumanie n’a pas encore atteint le niveau économique d’avant la crise. Et pour cause : le taux d’occupation des jeunes roumains diplômés était de 66% l’année dernière, alors qu’en 2008 ce taux approchait les 85%. (Trad. Dominique, Valentina Beleavski)