Les jeunes roumains dans une Europe sortie de crise
Quoique, officiellement, sortie de la crise économique, l’Europe a toujours du mal à se remettre sur les rails. Ce sont notamment les jeunes qui souffrent des conséquences du krach d’il y a quelques années. Plus de la moitié des Européens âgés de 16 à 30 ans se sentent marginalisés dans leur propre pays, selon le dernier sondage Eurobaromètre, commandé par le Parlement européen et publié vendredi. Ce sentiment d’exclusion enregistre pourtant d’importantes disparités nationales, allant d’un taux de 93 % en Grèce à seulement 27 % en Allemagne, en passant par 71 % en Roumanie.
Christine Leșcu, 13.07.2016, 13:10
Quoique, officiellement, sortie de la crise économique, l’Europe a toujours du mal à se remettre sur les rails. Ce sont notamment les jeunes qui souffrent des conséquences du krach d’il y a quelques années. Plus de la moitié des Européens âgés de 16 à 30 ans se sentent marginalisés dans leur propre pays, selon le dernier sondage Eurobaromètre, commandé par le Parlement européen et publié vendredi. Ce sentiment d’exclusion enregistre pourtant d’importantes disparités nationales, allant d’un taux de 93 % en Grèce à seulement 27 % en Allemagne, en passant par 71 % en Roumanie.
La plupart des répondants accusent un faible accès aux emplois bien rémunérés et stables, affirme Diana Filip du bureau EuropeDirect de Bucarest : « Outre les effets négatifs de la crise économique, qui se font toujours ressentir, je mentionnerais un cliché concernant les jeunes diplômés : le fait de se voir demander une expérience professionnelle assez vaste à la fin de leurs études. C’est une réalité à laquelle se confronte toute l’Europe, non seulement la Roumanie. Pourtant, à la différence de notre pays qui privilégie l’expérience théorique, la plupart des pays membres favorisent les formations pratiques, offertes souvent par les écoles professionnelles. Or il est déjà évident pour tout le monde que les stages de formation et le bénévolat sont essentiels dans le parcours professionnel des jeunes, parallèlement aux connaissances théoriques acquises à la faculté. C’est pourquoi la loi du bénévolat prévoit d’inclure cette période dans l’ancienneté. Du coup, pour s’assurer d’une meilleure insertion sur le marché de l’emploi, les jeunes doivent, à part les cours en fac, faire le plus de stages de formation possible. »
Malgré des problèmes qui persistent sur le marché intérieur de l’emploi, la moitié des jeunes roumains se disent peu enclins à faire des études ou à travailler ailleurs. L’Eurobaromètre indique qu’environ 85 % des jeunes Roumains n’ont jamais voyagé à des fins de formation ou d’emploi. En échange, ils sont très actifs sur les réseaux sociaux et désireux de participer à des débats publics.
Aux yeux de Mihai Dragos, président du Conseil de la Jeunesse de Roumanie, le sens civique doublé du refus de quitter le pays augmente considérablement les chances de voir la vie s’améliorer en Roumanie : « Le dernier Eurobaromètre montre que les jeunes sont intéressés aussi bien par les processus démocratiques que par la possibilité d’e peser dans la prise de décisions. D’ailleurs, un nombre significatif d’entre eux considèrent que les réseaux sociaux représentent un progrès pour la démocratie, car ils permettent d’obtenir directement de l’information autrement difficile à entrevoir dans la presse traditionnelle. Quant à la réticence des jeunes roumains de partir à l’étranger, cela s’explique par leur crainte de se voir marginaliser dans des pays en proie à une flambée de l’extrémisme. Une réalité qui les décourage de partir ailleurs. Et puis, n’oublions pas qu’il reste encore des pays européens avec un taux de chômage beaucoup plus élevé que celui de Roumanie, ce qui démotive les Roumains à vouloir bâtir leur avenir dans un autre Etat communautaire. »
Bien qu’ils soient nombreux à rester au pays, les jeunes roumains n’arrivent pas à bénéficier des facilités imaginées à leur intention par Strasbourg ou Bruxelles. Un aspect qui ne fait que renforcer leur sentiment de marginalisation, selon Mihai Dragos : « Il existe une initiative européenne appelée la Garantie pour la jeunesse, dans le cadre de laquelle la Roumanie devrait débourser plus de 560 millions d’euros pour l’insertion sociale et économique des jeunes. Et je pense notamment à tous ces jeunes qui ne sont pas en formation et qui ne travaillent pas. Or, on a constaté que la Roumanie n’avait pas commencé la mise en place de ce programme, ce qui fait qu’aucun sou n’a encore été investi dans des stages de formation ou dans d’autres activités que l’on aurait pu lancer depuis 2014. On a affaire à un retard plus significatif que celui enregistré pendant l’exercice budgétaire 2007- 2013. Si en 2009, on déboursait des fonds structurels destinés aux ressources humaines, là on ne fait rien du tout, quoique l’on soit à la seconde moitié de 2016.»
Malheureusement, la Roumanie enregistre des retards même dans la mise en œuvre de sa propre législation, déplore le président du Conseil de la Jeunesse : « Nous sommes impliqués dans la modification de la Loi de la Jeunesse. Or, bien que cette loi prévoie des programmes et des fonds alloués aux jeunes, la plupart des administrations publiques n’utilisent pas cet argent ou le débourse en l’absence de tout contrôle des dépenses. Je pense à tous ces fonds que l’on devrait investir dans des programmes de formation, de conseil, dans des débats sur des politiques publiques, des programmes de recrutement. En 2015, le taux de chômage s’est monté à plus de 21 % dans les rangs des jeunes roumains. »
Pourtant, craintes et marginalisation mises de côté, l’Eurobaromètre apporte également de bonnes nouvelles. Ainsi, 89% des jeunes Roumains se disent-ils intéressés par les institutions européennes. Un aspect important dans un pays comme la Roumanie, qui a manifesté, pendant des années, un des intérêts les plus faibles d’Europe pour ces institutions. Mais les choses ont commencé petit à petit à changer, surtout depuis que les jeunes ont appris les opportunités concrètes que ces institutions peuvent leur offrir.
Diana Filip, coordinatrice du bureau EuropeDirect de Bucarest : « L’intérêt des jeunes pour les institutions européennes commence à se manifester depuis les années de lycée. Ils veulent non seulement comprendre les mécanismes de fonctionnement dans le cas d’un emploi à Bruxelles, mais aussi connaître l’impact des politiques européennes au niveau national, surtout sur le marché du travail. »
L’enquête Eurobaromètre consacrée à la jeunesse a été réalisée, entre le 9 et le 25 avril 2016, dans les 28 États membres de l’Union européenne, sur un échantillon de 10.294 jeunes de 16 à 30 ans. (Trad. Ioana Stancescu)