Les jeunes européens victimes du harcèlement en ligne
Selon l’Eurostat, la moitié des jeunes de l’Union européenne ont admis avoir été les victimes d’abus en ligne, soit le cyber bullying. Quelles sont les conséquences de ce comportement sur l’état émotionnel et psychique des jeunes en plein développement? Enquête.
Luiza Moldovan, 11.12.2024, 13:05
Environ la moitié des jeunes de l’Union européenne sont exposés aux abus en ligne.
Le harcèlement en ligne. On en parle quand une personne ou un groupe de personnes reçoivent des messages tendancieux de la part d’autres personnes. Environ la moitié des jeunes de l’Union européenne sont exposés aux abus en ligne. C’est ce qui ressort d’un rapport Eurostat en 2023, qui montre que 49 % des jeunes européens entre 16 et 29 ans ont déjà été confrontés à des messages en ligne considérés comme hostiles envers certaines personnes ou certains groupes. Ces jeunes sont à une période de leur vie marquée par la formation de leur identité, la consolidation de leur estime de soi et le développement de leurs relations sociales, c’est pourquoi ces expériences négatives en ligne peuvent avoir un impact psychologique intense.
Les jeunes estoniens et les jeunes danois sont les plus exposés à cette menace puisque 69 % d’entre eux ont déjà reçu des messages de cet ordre. Viennent ensuite les Finlandais, 68 %, les Français, 65 % et les Slovaques 65 %. Au total, 12 des 23 pays concernés par l’étude présentent des résultats supérieurs à 50 %. Les pays les moins touchés sont la Croatie avec 24 % des jeunes, la Roumanie avec 27 % et la Bulgarie avec 31 %.
Un déversement de haine destructeur
Dans la plupart des cas, les discours d’incitation à la haine sont liés à des opinions politiques ou sociales, soit 35 % des discours problématiques. Cette catégorie est la plus haute en Estonie, 60 %, en Finlande, 56 %, et au Danemark, 49 %. Les messages ayant un contenu hostile envers la communauté LGBTQ+ représentent 32 % de l’ensemble avec les taux les plus hauts en Estonie, 46 %, Slovaquie, et Portugal, 44 % chacun. Enfin 30 % des jeunes adultes vivant en UE ont reçu des messages relevant de la haine raciale. Les Pays Bas et le Portugal sont les pays les plus affectés par cette dernière catégorie, avec 45% des jeunes touchés dans les deux cas.
Nora Enache est psychologue. Elle a travaillé au fil du temps avec des groupes de jeunes de différents âges sur le thème des abus émotionnels, liés ou non au milieu en ligne. Il en ressort que le harcèlement en ligne engendre une large gamme de problèmes émotionnels. Nora Enache nous explique la manière dont les abus en ligne affectent l’estime de soi et la santé mentale chez les jeunes.
Nora Enache : « L’estime de soi correspond à l’évaluation globale que chacun a de sa propre valeur. Notre estime de nous influence notre attitude envers nous-même. Concernant le milieu en ligne, nos « amis » virtuels constituent comme un miroir social par lequel nous nous faisons une idée sur la manière dont les autres nous voient. Le risque provient du fait que les personnes avec lesquelles nous sommes en contact en ligne ne nous connaissent pas toutes, ne nous veulent pas toutes du bien, ne comprennent pas toutes correctement qui nous sommes. Il y a tant de variables qui interviennent dans les interactions en ligne qu’il est difficile d’estimer précisément ce qui fait que ce milieu n’est pas propice au développement ».
Le suivi psychologique pour répondre à une situation hors contrôle
Nous parlons donc d’un miroir composé de nombreux éclats, chacun d’eux représentant une personne différente, avec une personnalité unique et tous se reflétant en nous. Il s’agit d’un monde imaginaire qui s’incruste obstinément dans les réalités des jeunes gens confus, en quête d’eux-mêmes.
C’est un jeu extrêmement dangereux que nous propose le monde online, une guerre invisible mais qui se traduit de différentes manières, comme nous l’explique Nora Enache.
« Une victime du milieu en ligne se remarque parce qu’elle s’isole et n’arrive plus à se concentrer sur ce qu’elle doit faire. Le plus souvent, une fois ces signes apparus, c’est la famille et non la victime elle-même qui cherche de l’aide ».
Comme il est de plus en plus dur de limiter le temps passé par les jeunes devant les écrans, peut-être que le mal qui s’y produit ne peut pas être évité, mais il peut être traité. Souvent un seul commentaire négatif suffit pour que tout l’univers intérieur d’un jeune s’effondre.
Nora Enache : « Les traumas provoqués par les expériences négatives en ligne peuvent déclencher par exemple des phobies sociales. Dans le cadre des séances psychologiques, on vise la restructuration cognitive, par des entraînements de relaxation mentale, de contrôle de soi, le développement des capacités sociales ou l’analyse comportementale ».
Et surtout ne pas oublier d’entretenir des relations dans le monde réel! (trad. Clémence Lheureux)