Les femmes dans le monde du numérique
De nombreuses femmes roumaines font carrière dans ce domaine, brisant chaque jour les stéréotypes liés au genre qui disent que ces métiers ne sont pas pour elles. Plus encore, il semble que les performances des Roumaines dépassent celles des femmes dautres pays. Les statistiques le confirment: selon une récente étude de la compagnie Hacker Ran, en 2017, la Roumanie occupait la 6e place du classement des performances des femmes programmeurs. Ces données correspondent aux statistiques officielles européennes. Selon Eurostat, au niveau de lUE, cest en Roumanie et en Lituanie que les femmes sont les plus nombreuses à travailler dans le domaine des technologies de linformation. Elles y comptent pour 25,7% du total des employés. Cest la Bulgarie qui mène le classement, avec 26,5%.
Christine Leșcu, 05.09.2018, 12:30
Tout cela nest pas une surprise, si lon pense au développement de lenseignement, estime Veronica Ştefan, fondatrice de lassociation Digital Citizens Roumanie : « Nos points forts sont notamment les jeunes femmes qui étudient linformatique, du moins au niveau de la licence. Par contre, elles sont moins nombreuses à faire un master ou un doctorat dans ce domaine. Cela veut dire quelles ne visent pas un très haut niveau de spécialisation. Pour ce qui est des jeunes femmes qui travaillent en tant que programmeurs ou qui participent à la création de différents produits technologiques, là cest un domaine où la Roumanie se porte plutôt bien. Somme toute, nous avons beaucoup de spécialistes des technologies de linformation. Cela se voit aussi au niveau des lycées, où les classes dinformatique sont assez équilibrées : 50% des places sont occupées par les filles, 50% – par les garçons. En fait, la Roumanie est en 2e position au niveau de lUE. Chez nous, les femmes comptent pour 26% des employés du domaine, alors que la moyenne européenne est de 17%. Autre atout : notre système déducation encourage les filles à sorienter vers les domaines techniques, surtout dans les grandes villes ».
Pourtant, il est difficile de dire combien de femmes activant dans ce domaine occupent aussi des postes de direction. Ce qui plus est, le marché roumain de la technologie de linformation est dominé par lexternalisation: de nombreuses compagnies produisent et développent des idées venues dailleurs. En même temps, peu de femmes figurent dans les rangs de managers des projets ou des start-ups autochtones. Veronica Ştefan explique: « Les femmes font partie des équipes, mais elles nen sont pas nécessairement le leader. Le plus souvent, elles font partie de léquipe chargée de la communication ou des équipes de création. Côté entrepreneuriat, javoue que les choses pourraient aller mieux.»
Pour le reste de lUE, la situation nest pas trop différente. Les spécialistes de légalité des chances estiment que la faible présence des femmes dans les domaines techniques et scientifiques est étroitement liée à leur estime de soi, mais aussi aux aspirations qui leur ont été inculquées par léducation reçue et les traditions héritées. Explication avec Lina Salanauskaite, chercheuse dans le cadre de lInstitut Européen pour légalité entre les hommes et les femmes, basé à Vilnius: « A étudier la présence des femmes parmi les spécialistes des technologies de linformation, on constate que la moyenne européenne est de 17%, un taux en stagnation depuis 5 ans. Plusieurs raisons expliquent pourquoi il y a moins de femmes dans les professions scientifiques ou dans lingénierie et toutes ont trait aux stéréotypes de genre. Dautres visent les aspirations des femmes. Prenons lexemple des jeunes de 15 ans : entre 3% et 15% des garçons de lUE souhaitent devenir des spécialistes du domaine. Par contre, seulement un peu plus de 1% des filles de 4 Etats membres rêvent de la même carrière. Les jeunes filles narrivent même pas à la limite inférieure des chiffres des garçons. Cela na rien à voir avec leurs capacités numériques, ni avec leurs connaissances en mathématiques. Cela tient plutôt à la manière dont les jeunes filles et les jeunes garçons voient leur avenir, leurs points forts et leur capacité à progresser dans un domaine ou un autre. Donc cest après lâge de 15 ans que toutes ces différences se font remarquer. »
Lorsquil est question dutiliser lordinateur, davoir accès à Internet, de créer des contenus, de sinformer en ligne ou de se spécialiser dans le domaine de linformatique, la Roumanie reste un pays des paradoxes, constate enfin Veronica Ştefan, fondatrice de lassociation Digital Citizens Roumanie : « Bien que nous soyons fiers davoir de nombreux spécialistes de lIT et du numérique, au niveau de lensemble de la population, les statistiques nous projettent à lautre bout du classement. Seulement 30% de la population a des compétences numériques de base, ce qui place la Roumanie en queue du peloton européen. Les grandes villes se portent bien – Bucarest, Cluj, Iași, Constanța, Craiova, Sibiu et Brașov, mais une grande partie de la population ne maîtrise pas très bien lordinateur. Sur lensemble des employés de Roumanie, seuls 2% travaillent dans lIT. En même temps, dans le milieu rural seulement 40% des Roumains ont un emploi. Il y a donc un énorme clivage entre milieu urbain et milieu rural », a conclu Veronica Ştefan, fondatrice de lassociation Digital Citizens Roumanie. (Trad. Valentina Beleavski)