Les enfants et la guerre
L’association Sauvez les enfants, Salvati copii en roumain, a réalisé une étude sur le ressenti des enfants ukrainiens réfugiés en Roumanie, deux ans après le début de la guerre.
Luiza Moldovan, 09.04.2024, 12:59
L’association Sauvez les enfants, Salvati copii en roumain, a réalisé une étude sur le ressenti des enfants ukrainiens réfugiés en Roumanie, deux ans après le début de la guerre. Le bilan est très mitigé, puisqu’un enfant sur trois se déclare moins heureux que ce qu’il n’était avant de fuir son pays d’origine. 57% sont soit très malheureux soit un peu moins heureux qu’avant. 23% ne fréquente pas d’établissement scolaire, une partie de ces 23% suivant probablement des cours en ligne. 87% des enfants interrogés ont dit préférer aller pour de vrai à l’école et 60% considèrent qu’ils peuvent se faire des amis roumains en fréquentant l’école. Enfin, trois quarts des enfants ont déclaré ne pas avoir accès aux services qu’ils aimeraient pour passer leur temps libre, que ce soit pour pratiquer un sport ou une activité, ou pour se retrouver avec des amis. C’est là que les organisations non gouvernementales, comme Sauvez les enfants en Roumanie, interviennent. Nous avons demandé à Gabriela Alexandrescu, présidente exécutive de l’organisation, quels services peuvent offrir ces associations dont l’importance est cruciale, surtout en temps de crise,:
« Les organisations non gouvernementales peuvent jouer un rôle crucial dans la protection des enfants réfugiés, en particulier dans le contexte d’un afflux important de personnes, comme ça a été le cas avec les réfugiés d’Ukraine. Tout d’abord, elles peuvent mobiliser rapidement des ressources et intervenir immédiatement pour fournir une assistance humanitaire. Les organisations peuvent également offrir une assistance et un soutien de différentes manières, notamment en fournissant un abri, de la nourriture, des soins médicaux, un accès aux services sociaux et à l’éducation. Elles peuvent également fournir des services de conseil psychologique pour aider les enfants à surmonter les traumatismes et les difficultés auxquels ils sont confrontés. Outre l’assistance immédiate en réponse à une situation de crise, les organisations non gouvernementales peuvent proposer des programmes d’intégration et créer des espaces sûrs et inclusifs pour les réfugiés au sein des communautés. Les réfugiés ont souvent besoin d’informations, d’orientations et de conseils pour faire valoir leurs droits et accéder aux services disponibles, tels que le système éducatif, les services de santé, l’emploi pour les parents et les services d’accompagnement psychologique.
Parallèlement, grâce aux cours de formation et d’éducation proposés aux spécialistes, les organisations peuvent partager leur expérience, ce qui permet d’améliorer la qualité des services offerts et d’accroître leur efficacité, au profit des enfants, par exemple. Les organisations non gouvernementales peuvent faire du lobbying et du plaidoyer. Elles peuvent contribuer de manière significative à l’amélioration de la vie et de la protection des enfants réfugiés. Par exemple, à la suite de la guerre en Ukraine, Sauvez les enfants Roumanie a rapidement lancé une intervention humanitaire globale. Nous sommes déjà venus en soutien de 340 000 personnes, dont 170 000 enfants, en travaillant dans 10 points de passage frontaliers, 5 centres d’asile, 3 camps de réfugiés mobiles et 3 zones de transit. Dans ces lieux, nous avons mis en place des espaces sécurisés pour les enfants, pallié aux besoins immédiats, apporté un soutien émotionnel, fourni des informations vitales aux enfants et aux adultes, puis, pour soutenir le processus d’intégration à moyen et long terme, nous avons mis en place huit centres de conseil, où nous fournissons des conseils, des informations, un soutien psycho-social, des activités pour les enfants et les adolescents, ainsi qu’une aide matérielle et financière. Les associations peuvent donc faire beaucoup. »
L’une des catégories d’enfants les plus vulnérables est celle des orphelins de père et de mère, que l’organisation Sauvez les enfants a rencontrée :
« Bien sûr, nous nous sommes rencontrés, et il s’agit en effet de l’une des catégories les plus vulnérables d’enfants dans le besoin. Il est très difficile d’être un réfugié et de ne pas bénéficier de la présence et de la protection de ses parents. Mais il y a des procédures en place et la Roumanie a des procédures pour protéger ces enfants immédiatement. D’après notre expérience (nous travaillons dans ce domaine depuis 1994), le nombre d’enfants réfugiés sans leurs deux parents est faible, mais il y a un nombre considérable d’enfants réfugiés issus de familles monoparentales. Cette expérience est profondément bouleversante et inquiétante pour eux, car ces enfants se trouvent dans une situation extrêmement vulnérable et courent de grands risques. Dans cette situation d’enfants privés d’un parent ou des deux, la priorité de Sauvez les enfants a été de leur offrir soutien et protection, d’assurer leur sécurité et de leur fournir les ressources nécessaires pour faire face à leurs difficultés. Il est essentiel d’agir rapidement, efficacement, d’identifier les solutions les plus appropriées pour chaque enfant et de travailler avec les autorités locales pour s’assurer que ces enfants sont correctement pris en charge et protégés. Une attention particulière doit être portée à ces enfants et à la garantie de leurs droits et de leur sécurité ».
De nombreuses voix s’élèvent dans la société pour s’indigner de la prise en charge, parfois excessive selon eux, des enfants réfugiés au détriment des enfants roumains. Voici ce que Gabriela Alexandrescu a à leur dire
« « Nous comprenons et respectons les préoccupations exprimées, en particulier dans le contexte actuel de notre société. Il est important de souligner que notre mission est d’aider tous les enfants vulnérables, quel que soit leur milieu d’origine. Depuis notre création en 1990, nous nous sommes engagés à fournir une assistance et un soutien à tous les enfants, y compris les réfugiés, conformément à nos valeurs humanitaires et aux normes internationales. Il est essentiel que nous nous concentrions sur des solutions qui garantissent le bien-être de tous les enfants, quelle que soit leur situation, et que nous travaillions ensemble pour créer un environnement plus sûr et plus inclusif pour tous les membres de notre communauté. En même temps, nous pensons qu’il est important de communiquer constamment pour fournir des informations claires afin que la société dans son ensemble comprenne comment les programmes fonctionnent et que, en général, un programme ou un projet avec un groupe cible particulier ou un groupe défavorisé ne soit pas mis en œuvre au détriment d’autres groupes défavorisés. Par exemple, nous avons participé au soutien de la population et des enfants en Ukraine et quoi de plus vulnérable que des enfants fuyant les guerres, les bombes et la mort ! Nous nous sommes donc engagés à les aider et avons développé des programmes, mais sans interrompre ce que nous faisions en Roumanie pour réduire la mortalité infantile, fournir des services de santé mère-enfant, permettre aux enfants des communautés défavorisées d’accéder à l’éducation, protéger les jeunes et notamment ceux sans soutien parental contre la violence. Je pense que les gens devraient se rendre compte que la guerre est ce qu’il y a de plus terrible pour les enfants, ne plus avoir sa vie, sa maison, sa famille… et ils doivent donc comprendre que ces personnes ont besoin de notre soutien continu parce qu’elles se trouvent dans une situation vulnérable dans leur pays ».
Encore une fois, le constat est sans appel, les ONG prennent le relai là où l’état faillit. Merci, Salvati copiii.
(Trad : Clémence Lheureux)