Les enfants atteints du cancer …
Internés dans des espaces bondés où ils dorment parfois à deux dans un lit, les enfants malades d’un hôpital de Bucarest sont tenus de faire la file même pour utiliser les sanitaires uniques du service d’oncologie pédiatrique, qui ne dispose que de 31 lits. Des queues se forment aussi devant le seul lavabo du salon, alors que les parents passent, pour la plupart, des jours, des semaines et des mois à l’hôpital. Telle est la situation courante à l’hôpital Marie Curie de Bucarest ; dans sa cour, un autre hôpital, privé, sera construit, pour le traitement intégré des enfants atteints d’affections oncologiques. C’est l’Association non gouvernementale Dàruieşte viaţă (Faites don de la vie) qui en a eu l’initiative, se proposant de changer quelque chose aux statistiques noires selon lesquelles en Roumanie, un enfant atteint du cancer sur deux meurt, alors qu’en Europe, 80% d’entre eux survivent.
Christine Leșcu, 20.12.2017, 12:58
D’ailleurs, l’Etat roumain n’a rien construit dans le domaine de l’oncologie pédiatrique ces cinquante dernières années, affirme Carmen Uscatu, représentante de l’Association : « En Roumanie, il n’y a pas de centre où un enfant atteint du cancer puisse bénéficier d’un traitement intégré. Un tel enfant a besoin pendant toute la période de traitement de chimiothérapie, de radiothérapie, de chirurgie, de soins intensifs. Il n’y a pas un seul hôpital en Roumanie qui cumule tous ces services. Nous voulons changer la donne. »
Le nouvel hôpital sera construit dans la cour de l’hôpital Marie Curie avec l’approbation et le soutien de l’administration de l’établissement médical où un réaménagement de l’espace existant a d’abord été envisagé.
Oana Gheorghiu, de la même Association, explique : « Depuis 2009, nous rénovons des services d’oncologie et nous les équipons ; nous avons souhaité faire de même à l’hôpital Marie Curie. Nous nous sommes proposé de réaménager le service, de manière à ce que chaque salon ait ses propres sanitaires, et à créer les flux médicaux nécessaires. Une fois sur place avec notre architecte, nous nous sommes rendu compte que cela n’était pas possible, l’espace étant beaucoup trop exigu. Il n’y avait pas moyen d’assurer tout le nécessaire. Nous nous sommes rendu compte que l’on ne pouvait rien faire dans ce bâtiment, il fallait en construire un nouveau. »
Le projet actuel présuppose un bâtiment d’hôpital de 8000 m², et l’investissement s’élève à 8 millions d’euros. Jusqu’à maintenant, nous avons réussi à collecter la moitié de la somme. L’argent provient de nos sponsors, plus de 1500 compagnies, et des dons mensuels de 2 euros faits par plus de 50.000 personnes privées.
Mais parce que les jeux et la bonne disposition du temps de l’enfance comptent tout autant que le traitement médical approprié, une autre initiative privée assure aussi ces besoins. Magicamp, une colonie organisée dans le village de Brăneşti, du département de Dâmboviţa, offre aux enfants atteints d’affections cancéreuses une chance de vivre leur enfance de la manière la plus naturelle possible, explique la coordinatrice, Mihaela Călinoiu.
Mihaela Călinoiu: « Magicamp a commencé en 2014 comme une colonie de vacances pour les enfants atteints de maladies oncologiques. Entre temps, nous avons diversifié la liste des bénéficiaires, et depuis 2016, nous avons aussi une colo pour les enfants victimes de brûlures graves, pour ceux qui ont le cœur brisé d’avoir perdu un être cher, et ont besoin de thérapie psychologique pour trouver les ressources d’aller de l’avant et d’accepter ce qui s’est passé. En 2014, nous avons eu 32 enfants dans les deux semaines de colonie, et en 2015 nous avons organisé quatre semaines de colonie. Nous avons donc doublé le nombre de jours, mais nous avons eu aussi plus d’enfants dont nous nous sommes occupés : 84. En 2016, 180 autres sont venus s’y ajouter dans les deux séries d’enfants avec des brûlures. Pour eux, nous avons appelé cette colo Conectiv. L’inspiration nous est venue suite à la tragédie de la discothèque Colectiv. En 2017, nous en avons accueilli 220, dans des colonies successives de 11 semaines pendant lesquelles nous avons expérimenté l’étonnement, le rire et le jeu. Ils ont été fantastiques, tous. »
Une série de colo dure, d’habitude, une semaine, pendant laquelle les enfants sont également surveillés par une équipe médicale qui est à leur disposition 24h sur 24. Une partie des enfants de Magicamp ont terminé leur traitement, d’autres continuent de le suivre, mais tous s’amusent grâce à la tyrolienne, au mur d’escalade, aux cours d’équitation et à tous les jeux improvisés sur place. Tous ces éléments ont, à coup sûr, un impact positif sur leur psychique.
Mihaela Călinoiu: « Un enfant qui retourne à l’hôpital plus prêt à lutter est déjà un enfant gagné pour l’équipe médicale qui travaille avec lui. Les médecins ont déjà un patient plus à même à faire face aux procédures. Bien sûr, les parents sont très importants dans les colonies Magicamp. Ils nous ont accordé leur confiance, même s’ils ne nous connaissaient pas. Nous sommes allés voir les parents et leur avons dit de laisser leur enfant à des inconnus pendant une semaine. C’est très difficile pour un parent d’y consentir. Les mères et les pères des enfants malades ne quittent pas leur enfant d’une semelle, même pas une seconde, mais alors une semaine ! C’est très difficile, même si c’est clair que les parents ont besoin d’un espace et d’un temps pour eux-mêmes aussi ».
C’est justement pour que les parents aient un espace pour eux, près de celui destiné aux enfants internés, que Magicamp mène le projet MagicHome afin de construire un bâtiment de 700 m² près du plus grand hôpital oncologique de Bucarest. Là, les mères et les pères peuvent dormir, cuisiner, se laver et pleurer en silence, sans crainte que les enfants les voient. (Trad. Ligia Mihaiescu)