Les élèves roumains et les évaluations internationales
La pandémie actuelle,
désastreuse à bien des égards, a pris l’éducation roumaine de court, accentuant
ses problèmes chroniques. TIMSS 2019, l’étude internationale consacrée aux
mathématiques et aux sciences, avait déjà mis au jour quelques-unes des failles
de l’éducation nationale en Roumanie.
Cette enquête, qui se déroule tous les quatre ans, est conçue par l’IEA,
l’Association internationale pour l’évaluation de la réussite scolaire. En
Roumanie, c’est l’Université de Bucarest qui a été responsable de l’édition
2019. Les résultats ne sont pas des meilleurs : les élèves roumains de 4e sont
moins compétitifs que leurs collègues européens, obtenant un score moyen de 479
points en mathématiques et de 470 en sciences par rapport à la moyenne
internationale de 500 points. Le résultat est décevant, mais pas surprenant,
selon les experts en éducation.
Christine Leșcu, 28.07.2021, 11:53
La pandémie actuelle,
désastreuse à bien des égards, a pris l’éducation roumaine de court, accentuant
ses problèmes chroniques. TIMSS 2019, l’étude internationale consacrée aux
mathématiques et aux sciences, avait déjà mis au jour quelques-unes des failles
de l’éducation nationale en Roumanie.
Cette enquête, qui se déroule tous les quatre ans, est conçue par l’IEA,
l’Association internationale pour l’évaluation de la réussite scolaire. En
Roumanie, c’est l’Université de Bucarest qui a été responsable de l’édition
2019. Les résultats ne sont pas des meilleurs : les élèves roumains de 4e sont
moins compétitifs que leurs collègues européens, obtenant un score moyen de 479
points en mathématiques et de 470 en sciences par rapport à la moyenne
internationale de 500 points. Le résultat est décevant, mais pas surprenant,
selon les experts en éducation.
Ce qui compte
c’est de voir quelles sont les leçons à en tirer pour rectifier la situation,
estime Dragoș Iliescu, professeur à l’Université
de Bucarest et spécialiste en psychologie organisationnelle : « L’étude
ne nous montre pas les causes de la situation actuelle. Bien sûr, nous
regardons tous en arrière et disons que nous sommes probablement arrivés ici à
cause de 30 ans de réformes qui ont manqué d’inspiration. Mais j’ai remarqué
certains aspects où une intervention peut être mise en place relativement
facilement, sans engendrer des coûts très élevés. Cette étude donne une
notation, associée à certains aspects du système éducatif. Chaque élève inclus
dans l’échantillon répond également à un questionnaire sur la façon dont il ou
elle et ses parents traitent l’école, de la relation qu’il ou elle a avec les différents
aspects de l’éducation nationale. Les professeurs de mathématiques et de sciences
répondent également à un questionnaire, tout comme les directeurs d’établissements
scolaires. Nous pouvons donc également regarder ces aspects contextuels qui
peuvent ensuite nous aider à prévoir les performances des élèves. Nous avons
identifié trois aspects importants : l’équité, les infrastructures et
l’allocation des ressources dans le système éducatif ; viennent ensuite le
climat scolaire, l’environnement et les expériences d’apprentissage ; et
un troisième aspect est lié au recrutement et à la formation initiale et
continue des enseignants et aux services de soutien, notamment aux
enseignants. »
Pour beaucoup
d’enfants roumains, le contexte d’apprentissage est synonyme de pauvreté,
d’iniquité sociale et de problèmes familiaux. Tout cela a aussi des effets sur les
résultats scolaires, conduisant par exemple à l’analphabétisme fonctionnel.
Selon TIMSS, 22% des élèves roumains sont analphabètes fonctionnels en
mathématiques et en sciences, contre une moyenne internationale de 13%.
Qui fait partie de
ce pourcentage, nous le découvrons également avec Dragoș Iliescu : « Ces
22%, sans exception, sont issus de milieux défavorisés, de familles qui vivent
généralement à la campagne, dans des petites villes ou dans des quartiers
défavorisés, ou bien ils se confrontent à d’autres problèmes comme des familles
décomposées ou des parents partis travailler à l’étranger. Lorsque ces enfants
finissent le collège
– le lycée – et
entrent sur le marché de l’emploi, quelles sont leurs opportunités et quelle
est la valeur ajoutée qu’ils peuvent apporter à la société ? Quels débouchés
pour une main-d’œuvre non qualifiée, dont 22% ne parvient même pas à faire les
calculs mathématiques les plus élémentaires ? Quel avenir ont ces enfants
? De toute évidence, ils ne pourront pas finir leurs études et ils ne passeront
pas le baccalauréat. Il est évident que ces scores et ce manque de performance
sévère sont associés au décrochage scolaire. Ces enfants n’iront pas à
l’université et ne pourront faire que les emplois les plus simples et les moins
qualifiés qui existent. »
Les disparités
socio-économiques sont évidentes aussi dans la pratique de laboratoire, autre
aspect très incriminé par les élèves et les parents, car l’école roumaine
semble contourner la pratique et privilégier la théorie.
Dragoș Iliescu
propose des explications : « L’existence d’un laboratoire dans une
école rend les cours plus pratiques et mène à de meilleures notes et de
meilleures performances dans les cours de sciences. Nous connaissons cet effet.
Mais en même temps on ne sait pas si les performances proviennent exclusivement
de l’existence d’un laboratoire. On sait en même temps que les écoles qui ont
des laboratoires sont généralement fréquentées
par les enfants des familles les plus aisées. Ce sont les écoles des zones
urbaines et celles des zones urbaines privilégiées. Par conséquent, c’est très
difficile de savoir s’il s’agit d’un effet réel de l’existence du laboratoire
ou du fait que, par ailleurs, les écoles qui ont un laboratoire sont, de toute façon,
fréquentées par de bons élèves et par des enfants issus de familles
aisées. »
Le contexte, dans
lequel se déroule l’enseignement, et la méthode d’enseignement sont donc
parfois plus importants que le contenu même des cours. Ce fait ressort clairement
des tests de type TIMSS, conclut Dragoș Iliescu : « Ce que les études
TIMSS nous montrent, en fait, c’est que le programme scolaire n’a pas tellement
d’importance. Je m’explique. Les détracteurs de ces tests disent souvent que
les élèves roumains n’y obtiennent pas de bons résultats parce que nous ne leur
enseignons pas ces contenus. En d’autres termes, on leur enseigne autre chose
que les notions testées par ces tests internationaux. Mais il est possible
d’analyser chaque domaine testé et de voir quel pourcentage est enseigné dans
un pays, en fonction des programmes nationaux. C’est ainsi qu’on découvre que
la Roumanie est le pays avec la plus élevée couverture des notions contenues
dans le test TIMSS à travers le monde. Nous avons une couverture de 88 %, 88%
de ce qui est testé dans les études TIMSS. En Finlande, qui est le leader
européen de cette enquête, seulement 41 % des notions des tests sont
enseignées dans le programme scolaire. Voilà, peu importe ce que vous
enseignez, c’est comment vous l’enseignez qui compte. La différence énorme
entre la Roumanie et la Finlande n’est pas liée aux programmes scolaires. Nous
aurions dû obtenir des scores nationaux beaucoup plus élevés, car nos enfants
apprennent le contenu même qui est testé. C’est donc plutôt la qualité de
l’enseignement qui compte, la création de compétences liées au raisonnement
mathématique, pas le fait d’apprendre certaines formules par cœur. », conclut Dragoş Iliescu, professeur à l’Université
de Bucarest et spécialiste en psychologie organisationnelle. (Trad. Elena Diaconu)