Les écoles confessionnelles
Il existe, en Roumanie des écoles qui font partie du réseau d’enseignement public, tout en étant placées sous l’autorité de certaines églises. Ces écoles confessionnelles, comme on les appelle, respectent le curriculum obligatoire, mais se distinguent des autres établissements scolaires par certaines particularités.
Christine Leșcu, 28.08.2013, 14:14
Il existe, en Roumanie des écoles qui font partie du réseau d’enseignement public, tout en étant placées sous l’autorité de certaines églises. Ces écoles confessionnelles, comme on les appelle, respectent le curriculum obligatoire, mais se distinguent des autres établissements scolaires par certaines particularités.
Nous avons demandé tout d’abord aux élèves qui y apprennent ce qui les rend attractifs à leurs yeux et en quoi consiste la spécificité de telles écoles. Răzvan apprend au Collège catholique « Saint Joseph » de Bucarest en classe de maths — info. Il y va depuis l’école primaire. Si, au début, ce sont ses parents qui ont choisi pour lui, quand le moment est venu d’opter pour un lycée, ce fut lui-même qui décida d’y continuer ses études : « Ce que j’apprécie c’est qu’on y travaille sérieusement. On n’a pas besoin de prendre des cours à domicile, puisque les professeurs s’acquittent très bien de leur tâche. En plus, à la différence d’autres lycées, nous n’avons pas de problèmes avec la drogue, l’alcool ou la violence. Enfin, comme c’est un lycée de petite taille, chaque élève peut bénéficier d’accompagnement » .
L’emploi du temps de Răzvan prévoit une seule heure de religion par semaine. Par contre, Francesca, étudie la religion plusieurs heures par semaine. Elle est chrétienne orthodoxe et aime bien le fait qu’à ce lycée catholique on est toujours en quête d’équilibre entre acquisition de connaissances et paix de l’âme : « Mes parents et moi, nous tenons beaucoup à mener une vie ordonnée. A la différence de mes collègues en classes de maths-info, j’ai plusieurs cours de religion par semaine » .
Sœur Rodica Miron, directrice du Collège Catholique « Saint Joseph » de Bucarest, affirme que l’école qu’elle dirige vise non seulement à former les jeunes d’un point de vue intellectuel, mais aussi et surtout à leur inculquer les principes éthiques et spirituels de l’Evangile. Comment cet objectif est-il accompli? Nous écoutons sœur Rodica Miron : « Ce qui rend particulier notre lycée c’est l’approche des disciplines. Le climat qui règne dans notre école favorise le développement spirituel et culturel des élèves, les aide à grandir comme des gens de bien. Nous avons aussi un directeur spirituel et plusieurs nonnes et curés qui se tiennent prêts à répondre à toute question des jeunes » .
Pourtant, c’est justement cette atmosphère spirituelle qui décourage certains parents et enfants, précise encore sœur Rodica Miron : « Certains enfants arrivent chez nous par hasard et choisissent d’y rester. Nous ne faisons pas de prosélytisme. Nous ne savons même pas si tel ou tel élève est catholique, orthodoxe ou néo-protestant. C’est vrai que tous nos élèves sont chrétiens, car notre approche est chrétienne elle aussi. Nous travaillons de la même manière avec tous. Si je ne me trompe pas, dans l’histoire de notre lycée, qui, l’an dernier, a fêté son vingtième anniversaire, nous n’avons eu qu’un seul élève à avoir choisi de devenir prêtre. C’est dire que nos anciens élèves ont embrassé des carrières laïques » .
D’autres enfants apprennent au Lycée Greco-Catholique « Iuliu Maniu » d’Oradea, ville de l’ouest de la Roumanie. 60% d’entre eux sont orthodoxes, environ 30% catholiques et greco-catholiques, tandis que le reste appartient à d’autres confessions chrétiennes. Selon le directeur Aurelian Cristea, ce lycée vise à modeler la personnalité des élèves dans l’esprit des valeurs chrétiennes au sens large du terme, sans privilégier un certain dogme : « Parmi les disciplines de culture générale figure aussi une heure de religion par semaine. On en a prévu trois ou quatre de plus pour les classes spéciales de théologie. Tous les vendredi, de 8 à 9 heures, nous célébrons la liturgie des jeunes, qui réunit tous nos élèves. Nous avons aussi des activités hors temps scolaire, non-obligatoires, qui sont menées par des bénévoles — prêtres et professeurs de religion. Elles attirent et forment les jeunes dans l’esprit de la morale chrétienne, de l’altruisme, de l’amour, de la miséricorde, de la prière et de la confiance en l’autre comme attitude devant les problèmes de la vie » .
Père Vasile Gavrilă a fondé l’école « Les Trois Saints Hiérarques » de Bucarest dans le but d’offrir aux enfants et à leurs parents orthodoxes une alternative à l’enseignement ordinaire. Le fait que ce soit une école confessionnelle privée, accréditée par le Ministère de l’Education et bénie par le patriarche de l’Eglise Orthodoxe Roumaine lui confère une certaine indépendance. Père Vasile Gavrilă : « Tout ce qui y est enseigné s’inscrit dans l’approche de la vérité divine, révélée. Il ne s’agit pas de mettre en opposition la science et la culture, mais d’infuser la culture avec la vérité révélée. Etant un établissement privé, nous avons le droit d’inscrire et de recevoir parmi nous seulement les élèves que nous souhaitons avoir. La sélection se fait donc par une convergence de vues – celle de l’école, d’une part, et celle des parents qui partagent notre perspective, de l’autre. A part l’éducation, notre priorité est de former la personnalité de l’enfant dans l’esprit chrétien orthodoxe » .
Le père John Downey est lui aussi un religieux chrétien orthodoxe. Après s’être converti, cet Américain a pris l’habit de prêtre il y a cinq ans. A présent, il enseigne l’anglais dans cette école. Comment fait-il passer l’esprit chrétien orthodoxe à ses élèves ? « Lorsque j’enseigne l’anglais, je ne parle pas beaucoup des valeurs chrétiennes à mes élèves, mais j’essaie d’accorder ce processus à l’esprit chrétien. Prenons, en guise d’exemple, les moments où je veux rétablir le silence dans la classe, parce que les enfants sont des enfants et font du bruit. En tant qu’enseignant je dois être ferme et compatissant à la fois. On doit leur inculquer la discipline mais, dans le même temps, les enfants doivent comprendre que la personne qui est devant eux les aime. L’enseignant n’est pas forcément leur ami, mais il n’est pas non plus leur ennemi. En outre, j’essaie de nouer une relation personnelle avec chaque petit, parce que l’approche orthodoxe est très personnelle » .
Deux des enfants de Iulian Capsali vont à l’école « Les Trois Saints Hiérarques ». En tant que chrétien orthodoxe pratiquant, il souhaite porter ses fils au plus près de sa foi. Dans le système d’éducation public, il y a des situations qui le mécontentent, avoue-t-il : « Si l’on adopte un comportement chrétien chez soi et si l’école suit le même chemin, l’âme de l’enfant peut bénéficier de la cohérence. Le petit entre dans l’esprit de l’Eglise. Si cet esprit est présent à l’école aussi, c’est d’autant mieux. Mes autres enfants, qui apprennent dans le système public, rentrent chaque jour à la maison troublés par ce qui se passe là-bas. Certains de leurs collègues de classe sont devenus des consommateurs de drogues ou même des dealers au lycée. Je ne pense pas qu’il y ait de lycée à Bucarest qui ne soit pas confronté à ce phénomène » .
Les écoles confessionnelles représentent donc une alternative pour tous ceux qui souhaitent transmettre certaines valeurs hautes à leurs enfants, tout en restant vigilants à l’égard du résultat de ce processus qui devrait aboutir à une plus large ouverture d’esprit, à la tolérance et non pas à un repli sur soi-même. (trad.: Mariana Tudose, Andrei Popov)