Les droits des paysans en Roumanie
Reconnue comme territoire de prédilection pour la préservation des traditions, la zone rurale de Roumanie englobe aussi des régions confrontées avec des problèmes économiques et sociaux. Beaucoup de ces problèmes ont à l’origine la manière d’organisation spécifique du village roumain d’après la période communiste: le ménage de subsistance. Selon les statistiques, 46% de la population de Roumanie vit à la campagne où, dans 3,6 millions de ménages, l’agriculture est pratiquée surtout pour le gagne-pain des villageois.
Christine Leșcu, 29.11.2017, 14:05
Ces données font de la Roumanie le pays qui englobe environ la moitié de l’agriculture de subsistance de l’Union européenne. Ici mènent leur vie les paysans de nos jours qui, malheureusement, à cause de leur façon de vivre et du fait de pratiquer l’agriculture, ne peuvent pas faire face à la concurrence des compagnies qui pratiquent l’agriculture industrielle. Par exemple, selon des statistiques plus anciennes provenant de l’Institut national de la statistique, entre 2002 et 2010, 150.000 petites fermes ont disparu, pendant que le pourcentage des grandes fermes a augmenté de 3%.
De même, les terrains détenus par ces grandes fermes se sont multiplié pendant les dernières années, d’après les propos de Ramona Duminicioiu, la responsable avec la coordination des campagnes à l’association Eco Ruralis : «Pendant les 20 dernières années, beaucoup de multinationales, roumaines et de l’étranger, ont acheté des millions d’hectares de terrains agricoles. Pour l’instant, presque la moitié des terrains agricoles de Roumanie sont détenus par des multinationales, pendant que des millions de paysans – en Roumanie il y a plus de 4,7 millions de paysans actifs – détiennent l’autre moitié. Donc, l’étendue de nos surfaces diminue chaque jour ».
Atteints soit par le phénomène du vieillissement de la population, soit par le manque de moyens techniques pour continuer à labourer la terre, beaucoup d’entre eux vendent leurs terrains. Les petites fermes, typiquement paysannes, une catégorie dans laquelle entrent les ménages de subsistance aussi, s’élèvent avec difficulté au niveau des autres réglementations destinées à encourager la production à grande échelle.
Et les paysans se sentent menacés et voient beaucoup de leurs droits enfreints, considère Ramona Duminicioiu: «On ne peut rien produire si on n’achète pas de semences des grandes compagnies ou qui proviennent des sources soi-disant autorisées. Et nos semences qui produisent une nourriture saine et nutritive sont considérées comme n’étant pas conformes. Les semences sont soumises à certaines règles pour entrer sur le marché, selon des normes internationales adoptées par la Roumanie. Il s’agit de certains critères: les semences doivent être uniformes, stables et distinctes. Les semences paysannes se conforment au critère de distinction, mais elles ne respectent pas les deux autres critères. Elles sont très diverses du point de vue génétique et c’est exactement cela qui leur donne la possibilité de s’adapter aux conditions dures de l’environnement et de donner aux produits paysans une haute valeur nutritive. À la différence de ces dernières, les semences hybrides, modernes ou génétiquement modifiées, sont très pauvres du point de vue nutritif et ne peuvent être cultivées qu’à l’aide de fertilisants chimiques et des moyens de production extrêmement automatisés, utilisés dans l’agriculture industrielle ».
Ces problèmes, aux côtés d’autres, ont été jugés suffisamment graves pour que l’ONU lance un processus d’adoption d’une Déclaration des Droits des paysannes et des paysans qui vise aussi les autres personnes qui travaillent en milieu rural. Elaboré selon le modèle de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, ce texte de 27 articles fait déjà l’objet d’un débat public à travers le monde.
Ramona Duminicioiu passe en revue les articles relatifs aux droits des paysans roumains qui devraient être défendu: « Nous avons besoin de voir reconnaître par la loi le droit à réutiliser les semences. Nos marchés paysans ne devraient plus être privatisés ni laissés au bon gré d’administrateurs privés et envahis ensuite par des intermédiaires. Nous pouvons et nous devons participer à des d’appels d’offres d’aliments, lancés par l’Etat au bénéfice des cantines, des écoles, des hôpitaux et des services de restauration lors des événements officiels. Dans le cas de ces appels d’offres, les communautés locales devraient être favorisées. Leurs produits ne devraient pas se vendre uniquement sur le marché libre, parce qu’elles se voient confronter à une compétition déloyale à laquelle les paysans ne peuvent pas participer, parce qu’ils n’en possèdent pas les moyens ».
Pour que les produits du terroir puissent arriver des producteurs aux clients directs, sans aucun intermédiaire, l’Association « Crestem România »/ « Nous faisons croître la Roumanie » met en œuvre depuis une bonne année le projet « Adoptez un paysan », projet par le biais duquel le milieu rural est mieux connecté au milieu urbain. Comment ? Eh bien, les explications sont à retrouver sur le site de l’association : « Nous vous encourageons à choisir la Roumanie, en adoptant un paysan qui habite tout près de chez vous. Vous pouvez acheter tout ce dont vous avez besoin, soit dans un panier hebdomadaire, soit de toute autre manière, décidée par vous deux. »
Par conséquent, les paysans arrivent à mieux commercialiser leurs produits en évitant d’utiliser les services des intermédiaires, et les citadins mangent plus sain, affirme Mihai Mihu, coordonnateur de la campagne : « Adoptez un paysan est la composante sociale d’un projet plus ample qui tente de réunir le milieu urbain au monde rural. Nous identifions des petites fermes, nous présentons leur histoire, nous rencontrons les paysans qui y travaillent, puis nous leur faisons de la promotion, nous racontons leur histoire sur notre plate-forme en ligne et sur les réseaux sociaux. Nous essayons de soutenir et de promouvoir le concept d’économie locale. De cette manière, l’argent reste au sein de la communauté et celle-ci peut prospérer. »
Jusqu’à la fin des négociations et l’adoption de la déclaration des droits des paysans et des paysannes, des initiatives locales de ce genre pourraient aider à la création d’une chaîne commerciale courte entre les paysans et les citadins, ainsi qu’au développement à long terme des communautés locales. (Trad. Nadine Vladescu, Alex Diaconescu)