Les dangers d’Internet pour les enfants
Plus d’un quart des enfants de Roumanie passent au moins six heures par semaine sur Internet. Pendant le week-end ou les vacances, 50% d’entre eux passent la même quantité de temps devant les écrans des ordinateurs. C’est le résultat d’une étude sur l’utilisation d’Internet par les jeunes et les très jeunes, réalisée par l’Organisation « Sauvez les Enfants ».
Le sociologue Ciprian Grădinaru tire quelques conclusions : « L’organisation « Sauvez les enfants » a réalisé des études similaires en 2013 et 2015. Si on en compare les résultats, on constate que non seulement le temps passé sur Internet augmente, mais aussi que l’âge auquel les enfants commencent à passer du temps en ligne a baissé. En outre, les petits utilisent de plus en plus les réseaux sociaux et fournissent des informations personnelles. Le nombre de réseaux utilisés est lui aussi à la hausse. Si, il y a quelques années, les enfants utilisaient un ou deux réseau sociaux, à présent la plupart des enfants ont des profils sur 4 ou 5. »
L’étude montre aussi que 73% des élèves utilisent Internet à l’école, dont 32% en cachette, pendant les heures de classe. Les cas de harcèlement en ligne se sont multipliés, surtout parmi les lycéens. 40% des enfants affirment qu’il leur arrive très souvent de naviguer sans but précis, 13% d’entre eux n’ont pas mangé ou dormi pour pouvoir passer du temps en ligne, 24% des enfants déclarent ne pas se sentir à l’aise s’ils ne peuvent pas se connecter à Internet. Selon l’étude réalisée par l’organisation « Sauvez les enfants », les jeunes qui passent beaucoup de temps sur Internet sont bien plus mécontents de leurs relations avec leurs parents, leurs amis et leurs professeurs, ainsi que de leur vie actuelle. Leurs activités quotidiennes n’ont plus de sens pour eux et ils sont moins optimistes pour l’avenir.
Le biophysicien Virgiliu Gheorghe, docteur en bioéthique, attire l’attention sur les effets négatifs d’Internet sur la santé émotionnelle des enfants : « Avant tout, Internet crée une dépendance. C’est une fenêtre magique qui surprend, qui suscite leur curiosité. Les enfants ont l’esprit ouvert et ils sont attirés par tout ce qui est nouveau, ils recherchent les expériences les plus provocatrices pour développer leur cerveau et l’écran les stimule, leur offrant un ersatz de réalité beaucoup plus intense que la réalité elle-même. Alors ils y sont attirés, ils passent toujours plus de temps en ligne et la dépendance s’installe. Cette dépendance détermine au début une augmentation de l’intérêt pour l’expérience virtuelle au détriment de l’expérience réelle, car l’expérience virtuelle est extrêmement incitante. Une fois dépendant, l’enfant ne se sent plus à l’aise dans le monde réel, il est triste, son attention diminue sensiblement, car il a besoin de stimuli puissants pour pouvoir se concentrer. Ensuite, l’écran bénéficie de certains avantages, pouvant produire des modifications à la vitesse de la lumière, les cadres changent très vite et bousculent l’attention, elle connecte encore plus, engendrant une sorte de semi hypnose. Ce phénomène a déjà été étudié depuis les années ’70. Tout contact prolongé de l’enfant avec l’écran, même si le message est inoffensif, mène à la dépendance et au désir d’en avoir toujours plus et plus stimulant, tout comme pour la drogue. »
Les recherches des dernières décennies montrent qu’à l’âge de l’enfance, l’écran a un impact négatif sur le développement et sur le fonctionnement du cerveau. L’attention, la motivation, la sensibilité, l’imagination créatrice et la plupart des fonctions exécutives du cerveau sont sérieusement affectées. Pour une éducation saine, le biophysicien Virgiliu Gheorghe conseille d’écarter tous les écrans de la vie des enfants et de les remplacer par de l’affection, de la communication, du sport, de la musique, de la lecture et l’apprentissage des mathématiques.
Virgiliu Gheorghe : « Les parents se leurrent en pensant qu’un ordinateur augmente le niveau de compétence de l’enfant, au contraire, il le diminue. Les personnes les plus compétentes en matière d’ordinateurs et de logiciels sont les mathématiciens et non pas les enfants qui utilisent l’ordinateur depuis tous petits. Car, outre la dépendance qu’il crée, l’écran suppose un certain type d’activité corticale qui n’est pas propre au fonctionnement du cerveau et il y entraîne des changements. Le cerveau des enfants qui utilisent beaucoup l’ordinateur est différent de celui des enfants de jadis : il est touché par des atrophies corticales, des réductions de densité de matière grise et blanche dans le lobe préfrontal gauche. Ces enfants sont devenus prisonniers des médias virtuels. Ils n’ont plus d’appétit pour la lecture, qui offre un autre type d’expérience que l’écran. Ce sont deux types différents d’êtres humains, deux types différents de cerveaux, leurs attentes sont différentes et leurs comportements sont différents. Nous ne nous rendons pas compte que l’éducation et les élites n’ont aucun rapport avec ces choses-là. Les filles de Barak Obama ont eu des téléphones portables à 16 ans, alors que chez nous, les enfants reçoivent des portables quand ils sont encore à la maternelle. Plus un pays est pauvre et traverse une période de crise, plus il est grand consommateur de médias. Les personnes qui se distinguent actuellement par leurs performances dans le monde, ceux qui dirigent le monde, les élites n’ont pas grandi en bénéficiant de tels moyens. Ces moyens servent à asservir et à laver les cerveaux, ce sont des moyens de contrôle mental. »
Depuis 2008, l’organisation « Sauvez les enfants » déroule un programme européen unique en Roumanie : « L’Heure d’Internet », visant à promouvoir l’utilisation créative et sûre des écrans par les enfants et les adolescents.
Teodora Stoica, psychologue travaillant pour l’Organisation : « Ce programme a trois volets importants. Pratiquement, nous organisons des activités d’information pour plusieurs groupes cibles – non seulement pour les enfants et les adolescents, mais aussi pour les parents, les enseignants et les professionnels qui travaillent avec les enfants. Nous disposons d’une ligne d’appel où les enfants et les adolescents peuvent demander conseil s’ils ont des problèmes et où ils peuvent poser des questions. Nous avons aussi une ligne pour les contenus illégaux : si quelqu’un trouve sur Internet un contenu nuisible ou qu’il considère nuisible, il nous le fait savoir et nous essayons de trouver une modalité de l’effacer du Web. »
L’année dernière, dans le cadre du projet « L’heure d’Internet », plus de 47.000 enfants et 12.000 parents et enseignants ont été entraînés dans des activités éducatives, 718 enfants ont bénéficié d’informations et de conseils et plus de 1.100 appels ont été enregistrés sur la ligne spécialisée de l’Organisation « Sauvez les enfants » signalant des contenus nuisibles sur Internet. (Aut. : Teofilia Nistor ; Trad. : Dominique)
România Internațional, 14.08.2019, 13:10