L’Entrepreneuriat social en Roumanie
Christine Leșcu, 15.05.2019, 19:17
D’habitude, quand on entend parler d’entrepreneuriat
ou d’une nouvelle affaire, on pense surtout à une activité à but lucratif. Ces
dernières années pourtant, un autre type d’entrepreneuriat a fait son
apparition, orienté, cette fois-ci, vers la société, vers les gens. Une
nouvelle entreprise est créée pour offrir une formation professionnelle et des
emplois à des personnes défavorisées.
C’est ce que fait l’Atelier
« Merci », un atelier social de tailleur qui vient en aide à de telles
personnes, en leur offrant un emploi. Il utilise entièrement son profit pour
soutenir des causes humanitaires, assurant aussi le recyclage de textiles
provenant de dons. Daniela Staicu, est une des entrepreneuses qui ont ouvert ce
« magasin de bonnes actions » – comme elles l’ont baptisé. En 2018 – 2019, elle a bénéficié d’une bourse
Fulbright aux Etats-Unis, à l’Université d’Etat de Pennsylvanie. A cette
occasion, Daniela Staicu a approfondi le sujet de sa thèse de doctorat,
consacrée à l’entrepreneuriat social dans le domaine du textile. C’est la
personne avisée qui nous parle aujourd’hui de ce type d’entrepreneuriat social
et de son développement en Roumanie: « Petit à petit, de
telles initiatives ont commencé à se développer en Roumanie aussi, plus
nombreuses à Bucarest, mais aussi à Iași et à Cluj. Malheureusement, la
législation dans ce domaine ne favorise nullement les entreprises sociales.
Leur but est de créer des emplois pour certaines catégories de personnes – par
exemple pour des femmes qui entretiennent toutes seules leur famille. Il s’agit
de personnes sans qualification et qui n’ont jamais eu d’emploi. Ces personnes
doivent être formées, elles doivent s’habituer à venir travailler quotidiennement.
En même temps, une telle entreprise entre en compétition avec d’autres affaires,
déployant une activité similaire sur le marché. Il est quasiment impossible de
faire du bien aux autres et de mener, en même temps, une affaire profitable.
L’Allemagne et l’Italie, par exemple, ont une législation spéciale pour
permettre le fonctionnement des affaires sociales justement parce qu’au début,
ces entreprises peuvent être confrontées à des problèmes de performance financière.
C’est pourquoi, ce genre d’affaires ont besoin de certaines facilités, du point
de vue fiscal aussi, pour qu’elles puissent continuer leur activité, se
développer et avoir par la suite un impact social de plus en plus grand. »
Quelle sorte d’entreprises sociales ont fait
leur apparition en Roumanie ces dernières années ? Dans le domaine du
recyclage, il y a un atelier social à Bucarest, où des personnes défavorisées
sont embauchées pour recycler les bannières publicitaires et en faire des cabas,
des sacs à main et des porte-monnaies. C’est toujours par l’entrepreneuriat
social qu’a été créée une boulangerie où des mères seules, aux revenus
précaires, font du pain artisanal. Pour ces entreprises, le gain est en fait la
chance accordée à des personnes en difficulté de mener une vie décente ou de
changer de cap et de suivre une meilleure voie dans la vie. C’est le cas de
l’Atelier « Merci », où travaille aussi Daniela Staicu: :
« En ce moment, notre
atelier reçoit des dons des chemises dont nous faisons par la suite des sacs en
toile pour femme que nous vendons en ligne. C’est le genre de recyclage que
nous faisons : nous donnons une autre destination à un produit déjà
existant. Le recyclage peut être fait de nombreuses façons, mais il est également
nécessaire d’éduquer le consommateur, pour qu’il se tourne aussi vers ce genre
de produits. »
Par l’éducation, le consommateur accepte l’idée
de créer de nouveaux produits à partir de produits déjà utilisés et comprend
que l’on économise ainsi des ressources matérielles, ce qui est bénéfique pour
l’environnement. Il comprend aussi, qu’en achetant un tel produit, il aide
quelqu’un dans le besoin, explique Daniela Staicu: « Pour l’instant nous
avons embauché une seule personne et nous en embaucherons une deuxième bientôt.
Notre atelier est social non seulement parce que nous faisons du recyclage,
mais aussi parce que nous embauchons des personnes appartenant aux catégories
défavorisées, qui ont eu une situation difficile: soit elles ont eu un problème
de santé et n’ont pas pu travailler, soit elles n’ont pas de qualification.
Nous faisons des efforts pour créer plus d’emplois nécessaires au développement
de l’atelier, mais aussi pour offrir une opportunité à ceux qui souhaitent y
travailler. La composante sociale se reflète aussi bien dans l’activité de
recyclage, dans la création d’emplois destinés aux personnes défavorisées, que
dans le fait que le profit obtenu est destiné au cabinet dentaire mobile et aux
autres actions que nous déroulons sur le terrain. » Le cabinet dentaire mobile est en fait une
camionnette équipée de tous les instruments nécessaires, qui se rend dans les
zones rurales défavorisées pour faire de la prévention et pour offrir des
traitements dentaires aux enfants qui n’ont pas d’accès à ce genre de services
de santé.
En tant que boursière Fulbright et en raison de son implication dans
la promotion de l’entrepreneuriat social, Daniela Staicu a été invitée au
lancement d’un programme global de soutien aux entrepreneuses des pays
émergents. L’initiative W-GDP est un
programme géré par Ivanka Trump, la fille du président des Etats-Unis, raconte Daniela Staicu: « Cela m’a fait beaucoup de plaisir de voir
s’asseoir autour de la même table des compagnies américaines qui promettaient de
soutenir ce programme destinés aux femmes des pays émergents par différents
services et produits. On peut donc parler, au niveau public et privé, d’une
entente visant à encourager l’entrepreneuriat social et à le soutenir par
différents mécanismes. C’est un partenariat public-privé qui a prouvé son efficacité.
Si ce modèle est viable, nous devons l’analyser et voir dans quelle mesure il
peut être appliqué en Roumanie. Aux Etats-Unis, le gouvernement a convaincu des
compagnies privées à offrir des promotions et des services aux futures entreprises
sociales parce qu’il a compris qu’elles sont plus difficiles à lancer et à
développer que les entreprises exclusivement commerciales. Pour produire le
bien, il faut faire des sacrifices, du moins au début. » – a conclu
notre interlocutrice. ( Trad. : Dominique)