L’éducation sexuelle dans les écoles de Roumanie : nécessité et controverses
Aux termes de la loi n° 272 de 2004 sur la protection et la promotion des droits de lenfance, en Roumanie « les organismes spécialisés de ladministration publique centrale et locale, ainsi que toutes les autres institutions publiques ou privées ayant des attributions dans le domaine de la santé sont obligées dadopter, dans les conditions stipulées par la loi, toutes les mesures nécessaires pour que des programmes déducation à la vie, y compris déducation sexuelle, soient appliqués dans les écoles, afin de prévenir les maladies à transmission sexuelle et les grossesses non désirées chez les adolescentes. »
Luana Pleşea, 31.10.2018, 12:15
Aux termes de la loi n° 272 de 2004 sur la protection et la promotion des droits de lenfance, en Roumanie « les organismes spécialisés de ladministration publique centrale et locale, ainsi que toutes les autres institutions publiques ou privées ayant des attributions dans le domaine de la santé sont obligées dadopter, dans les conditions stipulées par la loi, toutes les mesures nécessaires pour que des programmes déducation à la vie, y compris déducation sexuelle, soient appliqués dans les écoles, afin de prévenir les maladies à transmission sexuelle et les grossesses non désirées chez les adolescentes. »
Les controverses que ce sujet suscite concernent le caractère obligatoire de cette discipline dans les écoles, les personnes censées lenseigner, lâge auquel léducation sexuelle doit commencer et le choix du terme par lequel celle-ci doit être désignée, si elle doit sappeler «éducation sexuelle » ou « éducation à la santé ». Il y a même des associations qui sopposent à lintroduction de léducation sexuelle dans les écoles. Et tout cela dans les conditions où la Roumanie est confrontée à un grand nombre de mères adolescentes et où, depuis 2004, au programme de lenseignement public primaire et secondaire figure une discipline optionnelle – lEducation pour la santé – qui peut être enseignée depuis la première classe du CP jusquen terminale.
La démarche visant à introduire léducation sexuelle dans les écoles a démarré en 1999, à linitiative de plusieurs ONGs qui ont travaillé, en collaboration avec le ministère de lEducation, à lélaboration du Programme national déducation pour la santé dans les écoles de Roumanie, concrétisé par la suite dans ce cours optionnel incluant, entre autres, léducation sexuelle. Adina Manea, directrice de programmes de la Fondation « Des jeunes pour les jeunes », une des initiatrices de la démarche, explique: « Léducation sexuelle fait lobjet du module « Education à la santé de la reproduction et aux valeurs de la famille », qui est un thème à part du cours optionnel dEducation à la santé. Léducation sexuelle y est associée à de nombreux autres sujets : lintelligence émotionnelle, lexpression des émotions, lhygiène, lanatomie et la physiologie du corps humain, ainsi quà la prévention des agressions et des accidents. Tous ces thèmes font partie de lEducation à la santé, telle que celle-ci a été conçue dès la début et où ils sont censés sintégrer de manière harmonieuse, pour permettre une approche complexe, susceptible de répondre à tous les besoins des enfants en ce qui concerne un style de vie sain et responsable. »
14 ans après la création de cette discipline optionnelle, le nombre délèves qui y ont accès est assez réduit : «Selon les statistiques fournies par le ministère de lEducation, sur les 3.000.000 délèves des cycles primaire et secondaire qui apprennent dans des écoles publiques, 150.000 seulement – soit 5% – 6% de la population scolaire – bénéficient chaque année de ce cours optionnel, alors que même 10% seraient insuffisants. Et pourtant, cest une des disciplines optionnelles les plus importantes, de grande envergure et de longue date, le projet ayant été appliqué, de manière expérimentale, entre 2001 et 2004 dans 15 comptés du pays. »
Iulian Cristache, président de la Fédération nationale des associations de parents de lenseignement primaire et secondaire, est lui aussi davis que le nombre délèves qui bénéficient de ce cours est insuffisant :« Ce nest pas que les parents ne choisissent pas ce cours, mais le plus souvent ils en ignorent lexistence, tout simplement. Ensuite, les cours optionnels sont prévus de manière à compléter le nombre de disciplines et dheures de cours des élèves de lécole en question, ce qui nest pas correct. On a besoin du cours dEducation à la santé, vu quil y a un nombre important de grossesses non désirées chez les adolescentes du secondaire. Seulement, je ne pense pas que lon puisse envisager de faire de lEducation à la santé une discipline obligatoire. Tous les parents ne sont pas du même avis là-dessus et ils ne savent même pas ce quils souhaitent. Nous aurions besoin de lavis compétent des spécialistes de lInstitut des sciences de léducation, fondé sur les rapports de lInstitut de santé publique, pour savoir comment procéder. »
Les polémiques autour de léducation sexuelle dans les écoles ont également inspiré des artistes. Le Centre de théâtre éducationnel Replika a proposé le spectacle participatif « Tout est très normal ». Alexa Băcanu et Leta Popescu invitent les parents et les jeunes de 10 à 15 ans à un dialogue ouvert sur les changements qui surviennent à la puberté sur les plans physique, émotionnel et mental. Leta Popescu : « Alexa Băcanu et moi, nous avons été attentives à ce qui se passe autour de nous et avons réfléchi à la manière dont nous pouvons soutenir par le théâtre un certain genre de débat. Dailleurs, au moment de créer quelque chose, je prends toujours en compte la pertinence, lutilité de ce que je fais. A un certain moment de ce spectacle, de nombreux avis sont exprimés : un prêtre parle de léducation sexuelle, un parent sy oppose, une mère se déclare pour, un psychologue exprime son avis. Un débat sensuit, les spectateurs devant voter « oui » ou « non ». Selon moi, tous les quatre ont raison. Certes, cest un sujet très sensible et très délicat, mais nous devons avoir le courage de nous exprimer, de comprendre les aspects en question et ne pas défendre avec autant de véhémence un certain point de vue ou un autre. »
Qui enseigne les cours dEducation à la santé et implicitement léducation sexuelle dans les écoles? Voilà un des principaux sujets dinquiétude pour les parents, car tout enseignant qui souhaite aborder ce sujet avec les enfants et les responsabiliser pour quils adoptent un style de vie sain peut le faire – affirme Adina Manea. « Seulement, ces enseignants ont besoin dune formation supplémentaire, car il ne sagit pas tellement de transmettre de nouvelles connaissances et informations, mais de corriger celles que les élèves possèdent déjà, surtout ceux arrivés à lâge de la puberté ou de ladolescence et qui ont déjà à leur disposition des moyens dinformation et peuvent chercher sur Internet. Il sagit plutôt de transmettre des attitudes et un savoir faire. » (Trad.: Dominique)