Le volontariat pour sauver les forêts
Source complexe d’air pur, de biodiversité, d’emplois, de denrées alimentaires ou encore de matières premières, les forêts occupent actuellement 6,4 millions d’hectares, soit un tiers du territoire de la Roumanie. La Régie nationale des forêts Romsilva détient la moitié de cette superficie, l’autre moitié appartenant à des propriétaires privés. Les restrictions légales concernant l’exploitation sont peu ou pas appliquées par les propriétaires privés, indique Alin Uşeriu-Ulhman, président de l’association Tăşuleasa Social”. D’ailleurs, il considère que le défrichage a atteint un malheureux niveau record ces dernières années. «Si nous faisons la comparaison avec les derniers 25 ans, jamais dans l’histoire de la Roumanie les forêts n’ont subi une telle agression. Notre association déroule son activité dans les Carpates, mais, malheureusement, nous n’avons aucun plan cohérent ciblé sur les 850.000 fermes de montagne; le seul plan est en fait le pillage des montagnes, qui est mis en œuvre par beaucoup de monde, mais avec la participation de ceux qui sont chargés de leur protection. (…) Je crois que, de ce point de vue-là, nous sommes très mal en point. Une agression constante a lieu contre la forêt depuis 25 ans. »
Christine Leșcu, 07.05.2014, 13:23
Le déboisement massif a attiré l’attention de plusieurs ONG qui essayent de remédier à cette situation, avec les moyens qui sont les leurs: lobbying, protestations, plantations de plants forestiers. Aux côtés de Tăşuleasa Social”, le Fonds Mondial pour la Nature attire aussi l’attention sur l’importance de la sauvegarde des forêts. Csibi Magor, directeur du Fonds Mondial pour la Nature Roumanie, croit que les défrichements des dernières années s’expliquent par la mauvaise application des lois. Csibi Magor: «La législation roumaine en la matière et les principes sur lesquels repose l’actuel Code forestier sont bons. C’est pour ça d’ailleurs que nous avons encore des forêts primaires ou naturelles, avec une grande diversité d’espèces de la flore et de la faune. Le fait que ce Code forestier n’est pas appliqué ou que son application est lacunaire c’est un autre sujet. Dans le même temps, il faut se référer aussi au ministère de la Justice, puisque, tant qu’environ 95% des affaires d’infraction au Code forestier ne sont pas finalisés, il est très difficile de parler de lutte contre la corruption dans le domaine forestier. »
Un autre problème législatif découle du fait qu’en Roumanie les opportunités offertes par l’UE ne sont pas valorisées comme elles le devraient. C’est le cas, par exemple, des financements européens mis à la disposition des 28, à travers le Fonds européen pour le développement rural, pour des projets de reboisement, de sauvegarde des écosystèmes et de développement des communautés rurales des zones boisées. Csibi Magor : «Au niveau de l’UE, il existe des fonds destinés aux forêts, mais ça ne veut pas dire que de tels fonds existent aussi en Roumanie. Moi, je pense que nous avons mal négocié avant l’adhésion de 2007, parce que le fonds de développement rural ne contient pas de chapitre ‘forêts’. Nous avons failli commettre la même erreur pour l’exercice budgétaire 2014-2020 et nous retrouver sans argent pour les forêts pendant 7 autres années. Les propriétaires forestiers ont protesté à Bucarest, nous avons soutenu leur action et le ministère de l’Agriculture nous a promis d’introduire les forêts dans le nouveau Plan de développement rural. »
Les protestations civiques et l’implication sociale semblent donc résoudre le problème à moitié, du moins jusqu’à une implication plus ferme des autorités — ce que les membres de « Tăşuleasa Social » sont loin d’ignorer. Créée en 2001, cette organisation utilise des bénévoles, grâce auxquels des milliers de plants d’arbres ont été planté, au fils des années, notamment en Transylvanie, mais aussi aux alentours de Bucarest. « En Roumanie, on a une perception erronée du bénévolat/volontariat. Et de toute façon, cette activité, on ne peut l’expliquer, il faut la sentir. En outre, faire quelque chose pour les autres, c’est faire son devoir en tant qu’être humain — estime Alin Uşeriu-Uhlman, qui, par la force de la conviction, a réussi à mobiliser des milliers de personnes pour chaque boisement. Quelle superficie ont-ils réussi à reboiser ? Disposent-ils d’un nombre suffisant de plants d’arbres?
Alin Uşeriu-Uhlman: « Pas assez, hélas ! Nous avons planté 115 hectares, bénéficiant de la participation de plus de 5 mille jeunes. Malheureusement, c’est toujours 115 hectares de forêts que l’on abat chaque jour en Roumanie. C’est pourquoi nous ne pouvons pas rester les bras croisés et cette initiative a été notre seule forme de lutte. Les forêts de Roumanie sont un bien européen, pas uniquement roumain. C’est pourquoi je dis toujours que le bois n’est pas uniquement la propriété de ceux qui l’exploitent, il est la propriété commune de tous les citoyens. La nature retrouve un équilibre d’une façon ou d’une autre, mais je n’ai aucune idée de ce que nous, les citoyens, allons faire. Ce que nous faisons est un début, mais, malheureusement, la « boîte de résonance » de ceux qui ont la nature en garde et qui devraient dire « non » à ces abus, n’est pas encore assez grande. »
L’implication sociale est vitale et elle doit être maintenue et intensifiée actuellement, lorsqu’un nouveau Code forestier est en train d’être négocié au Parlement de Bucarest. Csibi Magor, directeur du Fond Mondial pour la Nature Roumanie. « L’implication sociale fera peut-être la différence. Le Code forestier, dans la première variante, proposait une entière ouverture aux demandes du marché en matière d’exploitation du bois. Nous sommes intervenus toute de suite et avons prié tous les partisans du Fonds Mondial pour la Nature Roumanie d’envoyer des SMS aux parlementaires ou de les appeler pour leur expliquer que ce n’est pas là l’avenir qu’ils souhaitent pour leur pays. Qu’est-ce qui est arrivé après ? Le premier jour, 9 députés ont retiré leur signature du projet de loi. Après de nombreuses campagnes, 4 variantes du Code forestier ont été renvoyées à la commission parlementaire. A présent, nous en disposons d’une rédigée suite à des consultations avec la société civile, mais le document est bloqué au Parlement. L’important, c’est que la première variante du Code, tellement nuisible, n’a pas été votée. Et cette pression doit être maintenue. »
L’implication civique et le volontariat sont donc deux modalités de corriger les différentes situations négatives — qu’il s’agisse des défrichages ou d’autres problèmes sociaux. (Trad. : Ileana Ţăroi, Dominique)