Le travail nous éduque, le travail nous élève !
Luiza Moldovan, 09.03.2022, 12:13
La pandémie aura eu des avantages parfois
inattendus, comme celui de fournir aux employés de nouvelles armes dans le
cadre du travail. Nous constatons aujourd’hui un changement de paradigme. En
effet, ces derniers sont prêts à donner leur démission, même sans avoir trouvé autre
chose ailleurs, plutôt que d’être contraints à faire toute sorte de compromis.
Une étude récente a révélé que seuls 3 % des personnes interrogées étaient d’accord
pour retourner à plein temps sur leur lieu de travail. De même, la majorité a
déclaré être prêts à démissionner s’ils étaient contraints de faire quelque
chose qu’ils n’avaient pas envie de faire. 86 % ont déclaré vouloir bénéficier
d’au moins deux jours de télétravail par semaine, et nous parlons ici d’une
étude menée sur un échantillon de 10 000 personnes dans le monde entier !
Découvrons avec Raluca Dumitra, directrice
marketing du groupe eJobs, les conséquences de la pandémie sur la dynamique du
marché du travail en Roumanie. A quoi va-t-il ressembler en 2022, et quels seront
les secteurs qui recruteront le plus ? Nous parlerons aussi évidemment de
la « Great Resignation » (la grande démission), un phénomène qui
touche aussi, même de loin, la Roumanie.
Raluca
Dumitra : « En 2021, l’expression « Great Resignation »,
rebaptisée chez nous « la Grande démission », désignait un
phénomène se rapprochant progressivement de la Roumanie. Dans une étude
récente, 21 % des personnes interrogées déclaraient être prêtes à démissionner sans
garantie d’avoir trouvé un autre travail. Même s’il ne s’agit pas d’un pourcentage
élevé, il n’en reste pas moins surprenant, d’autant que la plupart des employés
déclarent être peu enclins au compromis dans leur travail. 8 Roumains interrogés
sur 10 affirment vouloir prioritairement démissionner cette année et assurent
avoir déjà commencé à chercher autre chose. Le plus surprenant reste leur
optimisme inébranlable, la plupart étant persuadés de retrouver du travail en
moins de trois mois. Par ailleurs, difficile de savoir s’il s’agit d’optimisme
ou de réalisme, mais le fait est que la Roumanie fait face à un déficit chronique
de talents. Cela met donc les candidats en position de force, ce qui leur
permet de choisir un poste qui leur plaît et de négocier des conditions avantageuses.
Sans compter que cela les met en confiance, restant convaincus qu’ils pourront
démissionner sans avoir de plan B, et de retrouver rapidement du travail. Ils n’ont
d’ailleurs pas tort en ce sens, car il est vrai que les plus qualifiés
trouveront facilement un travail qui correspond à leurs attentes. »
Raluca Dumitra nous explique quels sont les
secteurs les plus touchés par ce manque de main d’œuvre, quels sont ceux qui
recrutent et où :
« A
l’heure actuelle, le marché du travail est frappé de plein fouet par le manque
de main d’œuvre. A la mi-février, déjà 60 000 annonces de recrutement
avaient été postées sur notre plateforme depuis le début de l’année. Beaucoup
recrutent à Bucarest et dans les grandes villes du pays. Les secteurs les plus en
demande sont le commerce de détail, les services, les centres d’appels, la
production, l’informatique et la télécommunication, les transports et la
logistique, l’industrie alimentaire et le bâtiment. Nous avons refait un
sondage il y a quelques semaines dans lequel nous avons demandé aux employeurs
quels étaient selon eux les secteurs qui recruteraient le plus cette année. Les
trois premières réponses ont été la vente, la production et le bâtiment. Ce
sont des secteurs qui ont toujours recruté massivement (surtout les ventes),
car ils peinent à trouver de la main d’œuvre, tout comme les domaine de la
production ou du bâtiment. Ce dernier secteur a pris un essor considérable ces
deux dernières années. Par ailleurs, le domaine de l’informatique rencontre
constamment des difficultés pour recruter. Avant la pandémie, on estimait le
déficit de spécialistes dans ce secteur entre 20 et 30 000. Aujourd’hui,
avec toutes les avancées faites dans ce domaine, ce nombre sera certainement
passé à 50 000. »
La pandémie nous a permis de découvrir un
mode de travail hybride, amené à se poursuivre malgré la fin de la crise. Raluca
Dumitra nous raconte :
« La
flexibilité reste un des seuls avantages permis par la pandémie, car nous avons
tous été contraints de travailler depuis notre domicile. Nous avons développé
cette capacité à travailler chez nous ou ailleurs, un luxe auquel les employés
ne veulent plus renoncer. Il y a fort à parier que nous parlions davantage en
2022 de travail hybride plutôt que de télétravail. C’est en effet ce que
souhaitent les employés, mais aussi les entreprises. Revenir travailler dans
les locaux (attention, pas cinq jours par semaine comme c’était le cas avant), oui,
mais tout en jouissant de cette flexibilité. Il est tout à fait possible que
nous ne voyions pas de sitôt un retour à cinq jours de travail par semaine dans
les locaux – ou peut-être plus jamais. En somme, les employés veulent
revenir au bureau sous leurs conditions, et ce pour plusieurs raisons : le
contact avec les collègues pour certains, une meilleure concentration pour d’autres.
Mais sans désir de revenir à temps plein. En outre, les entreprises qui imposeront
à leurs employés de revenir sur leur lieu de travail sans leur laisser le choix
(par exemple en les obligeant à revenir les lundi, mardi et mercredi) risquent
d’en pâtir. Surtout dans un contexte où il est déjà très difficile de recruter
du personnel qualifié. Celles qui refuseront de comprendre ce besoin de flexibilité
des employés risquent d’être confrontées à une vague de démissions, en référence
au phénomène mentionné plus tôt. Quant à la volonté des employés de prendre
davantage de jours de récupération en 2022, elle est tout à fait naturelle. N’oublions
pas qu’au cours des deux dernières années, nous avons tous vécu dans un système
de restrictions. Nous n’avions plus de liberté de circulation. Il fallait
constamment rester sur nos gardes lors de nos déplacements. Nous avons bien
moins voyagé que les années précédentes, et tout le monde n’a pas pu partir en
vacances comme avant. Le télétravail a aussi eu comme conséquence l’altération
de la frontière entre vie privée et vie professionnelle. Les gens ont donc
beaucoup travaillé (on a rapporté beaucoup de cas de burnout), il est donc tout
naturel d’éprouver le besoin de se reposer ensuite », a
ajouté notre interlocutrice, Raluca Dumitra. (Trad : Charlotte Fromenteaud)