Le trafic de jeunes filles mineures et la violence de genre
Le traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle
constitue plus de 56% de la traite des êtres humains enregistrée à l’intérieur
de l’Union européenne en 2015 et 2016, a informé la Commission européenne.
Conformément à la même source, deux tiers des victimes sont des femmes et des
jeunes filles, mais le pourcentage monterait à 77% si on enlève les statistiques
relatives au Royaume Uni, qui, depuis, n’est plus membre de l’Union. La
Roumanie, la Hongrie, les Pays-Bas, la Pologne et la Bulgarie étaient les
principaux pays d’origine des victimes.
Christine Leșcu, 08.07.2020, 12:38
Le traite de personnes à des fins d’exploitation sexuelle
constitue plus de 56% de la traite des êtres humains enregistrée à l’intérieur
de l’Union européenne en 2015 et 2016, a informé la Commission européenne.
Conformément à la même source, deux tiers des victimes sont des femmes et des
jeunes filles, mais le pourcentage monterait à 77% si on enlève les statistiques
relatives au Royaume Uni, qui, depuis, n’est plus membre de l’Union. La
Roumanie, la Hongrie, les Pays-Bas, la Pologne et la Bulgarie étaient les
principaux pays d’origine des victimes.
La situation ne semble pas avoir changé
depuis, selon l’Agence nationale contre la traite des personnes, puisque la
Roumanie était en 2018 aussi un des pays source de ce trafic en Europe, environ
la moitié des victimes étant des mineures, pratiquement des enfants. Certaines d’entre elles
réussissent, par différents moyens, de se faire prendre en charge par
l’activiste Iana Matei, qui a ouvert, dans la ville de Piteşti (sud), il y a 20
ans, un centre de protection et de réinsertion sociale des victimes de la
traite des êtres humains.
Plus récemment,
Iana Matei a créé l’organisation non gouvernementale « Reaching Out
Romania », qui a aidé plus de 600 victimes de l’exploitation sexuelle à
reconstruire leur vie. « Nous
avons commencé notre action en louant un appartement, ensuite le nombre des
filles a augmenté, pour atteindre le pic en 2000, je crois. Au début, c’étaient
les filles de « la route des pays ex-yougoslaves », pour lesquelles
nous avons construit un premier centre d’accueil, et puis un autre avec six
places, l’année dernière, car on est submergés par la demande. Il y a 18 places
au total et nous y hébergeons 12 jeunes femmes. Le centre de transit, que nous
avons commencé à construire l’année dernière, est encore en travaux. Et puis,
nous avons aussi quelques places dans une ferme de lavande, à Craiova (sud),
une variante alternative pour celles qui n’ont pas envie de reprendre les
études. La majorité d’entre elles est originaire de communes rurales et, dans
cette ferme de lavande, elles apprennent à mettre sur pied leur propre affaire.
A l’heure qu’il est, les jeunes filles du centre sont âgées de 12 à 14 ans,
c’est pourquoi moi, je crois qu’il faudrait parler de pédophilie, pas de traite
des personnes. Ce n’est pas de la violence contre la femme, c’est de la
violence contre l’enfant. », raconte Iana Matei.
A la ferme de lavande, ces
jeunes filles peuvent acquérir des connaissances qui les aident à trouver un
emploi ou une autre modalité de vivre en dehors de la prostitution. Le conseil
psychologique, c’est le centre d’accueil mis à leur disposition par l’ONG de
Iana Matei qui le fournit. Les traumas subis par les victimes de l’esclavage
sexuel sont spécifiques, difficiles à surmonter et se nourrissent des
expériences de vie antérieures. Leur estime de soi est très faible, à cause,
souvent, du manque d’affection dans la famille d’origine. Les trafiquants
exploitent justement ces problèmes préexistants, comme le prouve la méthode
dite du « lover boy », une des méthodes de recrutement des victimes les
plus efficaces. Le trafiquant séduit les jeunes filles, pour exploiter,
ensuite, leur sentiment amoureux et les obliger à se prostituer pour lui.
Iana
Matei connaît bien les traumas subis par les victimes de la traite des êtres
humains avant et après leur exploitation: « Par cette méthode de recrutement
du « lover boy », c’est l’identité de l’enfant qui est assiégée et
attaquée. Le manque d’estime de soi de ces enfants se creuse. Ce sont des
enfants qui ne savent pas ce que c’est que d’être aimé et c’est ce qui les rend
vulnérables. Malheureusement, elles deviennent dépendantes du sexe. Si elles
commencent leur vie sexuelle à 11 ou 12 ans, en ayant 10 à 15 clients par jour,
il y a une certaine dépendance qui s’installe et dont personne ne parle. Plus
encore, ce sont ces fillettes que l’on montre du doigt et que l’on juge responsables
de ce qui leur arrive. Les trois premiers mois sont particulièrement
difficiles, car tout ce qu’elles veulent, c’est de retourner dans ce milieu-là.
Les institutions de l’Etat ne nous aident pas vraiment. Pour donner un exemple,
la loi dit que tout enfant doit aller à l’école. Sauf que les filles libérées
de l’esclavage sexuel ne peuvent pas retourner à l’école trop vite. » C’est
pourquoi la traite des personnes a besoin d’une approche intégrée. Les
ministères de l’Education, de la Santé, de l’Intérieur et de la Justice, ainsi
que les directions de lutte contre la criminalité organisée devraient
travailler ensemble. Et ils devraient tous collaborer avec les ONGs, qui
connaissent très bien la situation et les besoins sur le terrain. Or, ce n’est
pas le cas actuellement, considère Iana Matei.
Ce qui plus est, dans les communautés
rurales d’origine de ces jeunes filles, c’est la victime qui est blâmée et
l’exploitation sexuelle n’est pas vue comme une violence de genre, une violence
contre les femmes. Cette attitude existe aussi à l’égard des victimes de la
violence conjugale, une mentalité décrite par Elena Samoilă, coordinatrice des
programmes au Centre FILIA, une association qui milite pour les droits des
femmes: « Blâmer la victime, c’est quelque
chose d’assez courant dans la société. La victime est souvent considérée comme
responsable aussi de rester dans une relation abusive ou bien, si elle vit un
épisode de violence, on trouve des justifications pour le comportement de
l’agresseur. On dit « la femme a bien dû faire quelque chose ». La
conclusion, c’est que nous vivons dans une société qui blâme les femmes pour
susciter la violence dont elles sont victimes. Et qui justifie le comportement
des agresseurs hommes, le plus souvent. »
Les
experts tirent la sonnette d’alarme, car, à l’heure qu’il est, le nombre des
cas de violence conjugale a augmenté dans le monde entier, de nombreuses femmes
étant forcées par la conjoncture actuelle à rester bloquées avec des
partenaires agressifs. (Trad. : Ileana Ţăroi)