Le système roumain de santé, entre attentes et réalité
Concerné, ces derniers temps, par plusieurs scandales, dont celui lié aux désinfectants dilués, et pointé du doigt pour certaines affaires de corruption dont les protagonistes ont été des managers de centres hospitaliers, le système roumain de santé se doit d’être réformé et repensé. C’est là une opinion unanimement partagée.
Christine Leșcu, 08.03.2017, 13:08
Concerné, ces derniers temps, par plusieurs scandales, dont celui lié aux désinfectants dilués, et pointé du doigt pour certaines affaires de corruption dont les protagonistes ont été des managers de centres hospitaliers, le système roumain de santé se doit d’être réformé et repensé. C’est là une opinion unanimement partagée.
Des divergences de vue se font jour quand il s’agit de savoir quand et comment cette réforme sera définie. Ce processus débute par la consultation des patients et des personnels médicaux. Un récent sondage en ce sens a été réalisé par la Fondation européenne d’études progressistes, basée à Bruxelles, l’antenne roumaine de la Fondation Friedrich Ebert et la Fondation de la Gauche démocratique de Roumanie. Selon cette étude, 54% des Roumains se disent contents du système public de santé, contre 46% qui en sont mécontents. Les plus de 50 ans sont les plus satisfaits, tandis que seulement 43 % de jeunes se déclarent contents des soins médicaux dispensés par les établissements publics de santé.
Le sociologue Iulian Stănescu détaille les principales causes de cet état des choses : « Les conditions d’hygiène et la désinfection sont dénoncées par plus de 80% des personne interrogées. 80% d’entre elles ont également déclaré que les soins médicaux laissaient à désirer. A cela s’ajoute la question des paiements informels. Alors que moins d’un cinquième des sondés sont tout à fait ou partiellement d’accord avec l’affirmation qu’il est bon d’offrir des cadeaux ou de l’argent aux personnes qui vous ont prodigué des soins, les données de l’étude en question montrent que cette pratique est largement répandue au sein de la population, qui l’accepte tacitement, parce que ressentie comme une coutume. »
Les discussions plus poussées avec les participants au sondage d’opinion ont également révélé leurs perceptions sur les problèmes auxquels le système de santé est confronté et sur leurs causes.
Iulian Stănescu : « Cette étude sur la qualité a mis en évidence plusieurs problèmes: le manque de personnel ou de motivation, l’absence d’équipements, l’agglomération, le temps d’attente, la bureaucratie, le management défectueux, la rémunération. De l’avis des répondants, tous ces problèmes découlent du sous-financement du secteur. Rien que l’année dernière, un tiers des patients nécessitant des examens médicaux n’en ont pas bénéficié, parce que les laboratoires étaient débordés ou qu’il n’y avait pas de fonds. »
Une partie de ces problèmes pourrait être synthétisée par le syntagme manque d’accès à l’acte médical, chose confirmée par Vasile Barbu, président de l’Association nationale pour la protection des patients.
Vasile Barbu: « Les plus gros ennuis surviennent au moment où la personne qui est tombée malade cherche des fournisseurs de services de santé et souhaite avoir accès à l’acte médical. Comme beaucoup de médecins ont choisi de partir travailler à l’étranger, les spécialistes se font de plus en plus rares. Un autre aspect c’est qu’après avoir consulté le spécialiste, le patient est obligé d’en voir un autre pour continuer les investigations médicales. Cela implique des dépenses, qui excèdent souvent ses possibilités financières. Résultat, la viciation de l’acte médical. »
Actuellement, un salarié roumain verse 5,5% de ses revenus au système public d’assurance maladie, et son employeur verse également 5,2%, ce qui lui donne droit à un certain paquet de services médicaux. Malheureusement, l’argent ainsi collecté ne suffit pas toujours. N’empêche. Les associations des patients n’agréent pas non plus l’idée d’un changement de ce système.
Voici les explications de Vasile Barbu : « En théorie, la liste de ces services est très généreuse. En réalité, ils ne sont pas à portée de main, car le patient est confronté à plus d’un écueil de nature bureaucratique ou financière. Il est très important d’avoir un système d’assurance maladie qui repose avant tout sur la solidarité sociale. »
Les personnels du secteur sanitaire ont eux aussi leurs doléances, affirme le docteur Eleodor Cârstoiu, représentant du syndicat Romedica : « Il faudrait tout d’abord instituer une norme quand il s’agit du temps de travail des médecins, des infirmiers et des aides-soignants. Notre activité se déroule actuellement en fonction du nombre de lits de l’unité de soins, ce qui n’a plus rien à voir avec les activités médicales de Roumanie, qui ont bien évolué ces 30 dernières années. En outre, des tâches bureaucratiques ne cessent de s’y ajouter depuis une dizaine d’années déjà. Le nombre des papiers à remplir s’est accru de manière exponentielle. »
Selon les syndicats du secteur, les problèmes de ce genre pourraient être résolus par un simple changement de législation, laquelle devrait avoir en vue aussi une définition plus claire de la mauvaise pratique.
Eleodor Cârstoiu : « L’actuelle législation est tout à fait insatisfaisante et laisse la place aux situations abusives qui font que le personnel médical vive sous la menace. Voilà pourquoi il nous faut une loi conforme aux réglementations européennes en la matière. Un autre aspect préoccupant est celui de la formation du personnel médical. Au bout de 6 ans d’études supérieures, le jeune médecin n’est muni d’aucune attestation de qualification. Le diplôme qu’il décroche ne lui donne pas d’emblée le droit d’exercer cette profession. Nous voulons donc que cette situation change. Après la faculté, il doit se spécialiser dans tel ou tel domaine de la médecine, ce qui suppose une autre période de formation allant de 3 à 7 ans. Et ce n’est pas tout, car un médecin doit apprendre tout au long de sa vie. Or, à notre avis, cette formation professionnelle continue devrait être mieux organisée. »
Quels que soient les changements législatifs qui puissent survenir, les patients pensent qu’ils ne devraient pas affecter la modalité de financement du système de santé. Selon une enquête réalisée par la Fondation européenne d’études progressistes, 44% des sondés trouvent préférable qu’il y ait un système de santé majoritairement public. Le rapport entre les adeptes de cette idée et ceux qui souhaiteraient un système majoritairement ou entièrement privé est de 3 à 1. (Trad. Mariana Tudose)