Le non-conformisme au service des besogneux
Elles sont menées non pas par les autorités ou les institutions publiques, mais par des jeunes désireux de changer les choses en mieux. Trop impatients pour attendre l’intervention de l’Etat, ils font du bénévolat au sein de fondations caritatives. Beaucoup d’entre elles, créées par eux-mêmes, portent, bien entendu, l’empreinte de leur personnalité. Mentionnons, à titre d’exemple, la fondation « Beard Brothers » de Cluj.
Christine Leșcu, 08.07.2015, 13:58
C’est une bande de neuf copains, motards barbus et tatoués, qui en a eu l’idée, leur image atypique s’étant transformée en un véritable logo. Cornel Hoza, un de ces barbus, explique en quoi les a aidés ce look : « Notre fondation date de novembre 2013. On envisage de gros projets, on souhaite s’impliquer davantage dans la société et aider un nombre aussi grand que possible de personnes. On a déjà mené sept campagnes d’envergure et organisé des événements satellites. On s’investit dans n’importe quel type d’action caritative, ce qui veut dire que l’on n’agit pas selon un modèle. Bref, si l’on sent qu’il faut s’impliquer dans quelque chose, on se met au travail. Jusqu’ici, on a entre autres amassé de l’argent pour venir en aide à un petit atteint d’un cancer et acheté un minibus pour une maternelle. »
D’autres campagnes de la Fratrie des Barbus ont visé à nettoyer les lieux au lendemain des fêtes, à collecter les déchets et à organiser des quêtes pour aider des familles en difficulté. Nous avons voulu savoir si le non-conformisme était pour quelque chose dans la réussite de ces campagnes. Voici la réponse de Cornel Hoza : « Certainement. Un gros barbu couvert de tatouages en train de vendre de petits gâteaux dans le parc de Cluj-Napoca, voilà une image qui ne peut pas passer inaperçue. Lors d’une autre campagne, pour collecter de fonds, on s’est rasé le crâne, en plein centre-ville. On essaie donc de faire les choses autrement. Tout est parti d’une bande de neuf copains, mais petit à petit, des gens aux professions et préoccupations les plus diverses nous ont rejoints. Tous partagent le désir d’aider nos semblables. C’est une association sans but lucratif et qui repose exclusivement sur le bénévolat. »
Barbes, tatouages, motos, mais aussi et surtout capacité d’empathie, voilà ce qui explique le nombre grandissant de membres de l’association « Beard Brothers », qui compte actuellement 29 barbus et 30 jeunes filles, représentant l’aile féminine de la fratrie.
L’intérêt manifesté pour l’environnement et les voyages a poussé les membres d’une autre association, appelée Free Mioriţa », à combiner leurs hobbies avec le désir de faire du bien de manière non-conformiste. Iulian Angheluţă nous a parlé des débuts de cette association, qui remontent à 2012 : « Nous avons commencé par le nettoyage des plages et la collecte de vêtements et de chaussures pour les moins fortunés. Notre action la plus connue a été le voyage en Mongolie, que nous avons fait à l’été 2012, avec une Dacia. C’était un rallye à des fins humanitaires. Une fois arrivés en Mongolie, nous avons fait don de la voiture à une ONG participante au rallye. Notre Dacia et les autres voitures ont été vendues aux enchères. La collecte de fonds devait servir à mettre en place un projet de numérisation en Mongolie, pays dont la majeure partie de la population mène une vie nomade. L’idée était d’offrir aux enfants une tablette ou un autre support numérique aidant à leur éducation. »
De retour de Mongolie, où la voiture Dacia baptisée « Miorita » a fait l’objet d’un don, Iulian Angheluta et les autres bénévoles de l’association ont décidé d’apporter l’électricité dans les villages roumains qui ne sont pas encore branchés au réseau. L’absence de l’électricité touche plus de familles que l’on ne s’imaginait, explique Iulian Angheluta : « Selon les chiffres du recensement de 2011, 284 mille habitations ne sont pas branchées au réseau d’électricité. C’est un chiffre officiel. Peut-être qu’une partie de ces maisons ne sont pas habitées, peut-être que seulement 100 mille sont habitées, mais ce qui est important, c’est le nombre des personnes qui y logent. Ce sont des gens pauvres, puisque dans une telle demeure on peut avoir 5 ou 10 personnes vivant dans le noir. »
Démarrée dans le village de Ursici, comté de Hunedoara, la campagne d’éclairage de « Free Miorita » a continué dans d’autres villages des départements de Suceava, Maramures, Caras – Severin et Brasov. Dans ces régions, les bénévoles ont installé des panneaux solaires achetés avec des dons de la part de sponsors et de personnes physiques et transportés en fonction des conditions météo. En hiver, le matériel a été transporté en traîneau alors que durant l’année, on a utilisé des carrioles tirées par des chevaux. Peu à peu, de plus en plus d’écoles de ces localités isolées bénéficient d’éclairage électrique, grâce notamment à l’installation de ces panneaux photovoltaïques.
Iulian Angheluţă : « Nous poursuivons ainsi la direction écologique qui s’est retrouvée à la base de cette association. Les coûts sont inférieurs de beaucoup et nous n’avons coupé aucun arbre. Le soleil est encore gratuit. Les équipements présupposent certains coûts mais finalement tout va bien. Jusqu’au printemps dernier, nous avons éclairé quatre écoles dont la situation n’était pas connue au ministère de l’Education. Ils ne savaient pas que ces espaces n’étaient pas branchés à l’électricité. Nous avons également continué la recherche sur le terrain afin de voir combien de personnes étaient privées d’électricité. Nous devons convaincre des sponsors, mais le plus difficile, c’est le combat contre les autorités. L’Etat a signé une série d’engagements avec l’UE et en plus il existe un engagement moral face aux citoyens. Selon mes estimations, il y a des dizaines de milliers de personnes qui vivent dans l’obscurité, qui utilisent uniquement la bougie, la lampe à gaz et à l’huile. Des milliers de familles n’ont pas accès à l’information puisqu’elles n’ont pas d’électricité. Leurs enfants n’ont pas accès à une éducation de qualité. C’est ainsi qu’apparaissent les problèmes de santé puisque les enfants sont obligés de faire leurs devoirs à la lumière de la lampe à gaz ou de la bougie. Les problèmes sont sérieux parce que la vue est affectée. »
Les familles qui vivent dans les villages non branchés au réseau électrique sont pauvres et ne se permettent pas de se brancher, ni de payer les factures mensuelles. Pour ce qui est de Iulian Angheluta et des bénévoles de « Free Miorita », ils n’attendent rien en échange. Ils espèrent seulement avoir suffisamment d’énergie pour poursuivre leurs actes caritatifs. (trad. Mariana Tudose, Alex Diaconescu)