Le magasin « zéro déchet »
Christine Leșcu, 26.01.2022, 14:41
En 2020, quand la pandémie semparait du monde, imposant un nouveau style de vie, un premier magasin écologique du type « zéro déchet » ouvrait ses portes à Bucarest, grâce aux efforts consentis par Ana Maria Răducanu, adepte dun style de vie durable. « En 2018, je suis rentrée en Roumanie après plusieurs années passées dans des villages écologiques de létranger, où jai vécu au sein des communautés internationales adeptes dun style de vie durable, proche de la nature. Sauf que de retour en Roumanie, je me suis retrouvée dans limpossibilité de faire des courses sans générer un tas de plastique et de déchets. Il me fut dautant plus difficile daccepter ce style de vie, car je savais que lon pouvait faire autrement. Du coup, en octobre 2018, jai décidé de créer cet espace « objectif déchets zéro », notamment pour satisfaire à un besoin personnel. Quatre années plus tard, il continue dêtre le seul endroit de Bucarest où lon peut faire ses courses en limitant lusage du plastique ou le gaspillage. »
Et comme pour linstant il ny quun seul magasin de ce type à Bucarest, on se demande si les clients encouragent ce type dapproche et comment ils doivent sy prendre pour faire leurs courses. Ana Maria Răducanu : « Le magasin de type zéro déchet est un endroit où lon peut faire nos courses, éliminant le plastique à usage unique. Cest aussi un endroit qui encourage léconomie circulaire. Au lieu dacheter des emballages en plastique, le client apporte ses propres récipients. Par exemple des pots, des sachets, des sacs réutilisables. Les produits sont disponibles en vrac ou dans des emballages recyclables. Je pense, par exemple, à tous ces bocaux que lon collecte pour les envoyer par la suite au producteur afin quil les remplisse. Ou encore aux emballages biodégradables que lon transforme en compost. En fait, de tout ce qui part dici, rien ne se perd. »
Même si dernièrement, de plus en plus de Roumains se disent en faveur dun style de vie durable et proche de la nature, privilégiant lalimentation bio et condamnant lutilisation du plastique, leur nombre est loin de faire la majorité. Alors, qui sont ceux qui font leurs courses dans un magasin sans déchets ? Ana Maria Răducanu explique : « Les premières personnes qui ont franchi le seuil du magasin avaient hâte de découvrir un tel endroit, on la senti tout de suite à leur manière de sy prendre. Une fois à lintérieur, elles respiraient soulagées, contentes de se retrouver dans un endroit où personne ne les regardait de travers quand elles utilisaient leurs propres sacs à la place de ceux fournis par le magasin. Cette petite communauté existait déjà, elle avait déjà embrassé ce style de vie, sans avoir à sa disposition un endroit où elle puisse faire ses courses selon ses propres exigences. Ensuite, il y a les curieux, ceux qui nous rendent visite pour voir à quoi rime un tel magasin. Depuis son ouverture, je constate quon a un groupe de clients fidèles, toujours aussi nombreux, auquel dautres curieux sajoutent petit à petit. Les gens qui nous rendent visite sont ouverts desprit et affirment avoir déjà entendu parler de notre commerce, sans avoir eu le temps de venir voir de leurs propres yeux. Personnellement, je pense quon na pas encore la conscience du nombre réel de personnes intéressées par lécologie et quen réalité, elles sont plus nombreuses que lon ne pense. Les gens ont besoin dun endroit comme celui dont on parle qui fonctionne comme une plate-forme dinterconnexion. Les moments quand les clients se croisent à lintérieur du magasin et ils remarquent avoir les mêmes intérêts, ils font des projets communs ou échangent des astuces par rapport aux enfants, ces moments-là sont magiques. »
Commerce solitaire dans le paysage bucarestois, le magasin qui évite la production de déchets attire une clientèle de niche prête à débourser plus pour faire des courses respectueuses envers lenvironnement. Dailleurs, on ne saurait se déclarer surpris dapprendre que souvent, cest justement le prix élevé qui décourage les clients à acheter bio. Pourtant, pour les adeptes dun style de vie « zéro gaspillage », les bénéfices à long terme sont beaucoup plus importants que les économies dans limmédiat. Ana-Maria Răducanu : « Les prix de nos produits approchent les prix réels. Bien sûr quun produit quon achète dans un supermarché bénéficiant dune chaîne massive de distribution et de ressources importantes aura un prix inférieur à celui affiché dans notre magasin. Nous, on ne se permet pas dacheter 5 tonnes de pois chiches pour pouvoir obtenir un prix compétitif. Toutefois, il faudrait au moins se demander comment cela se fait que certains produits sont si bon marché, quel serait leur prix réel et qui en assume une partie. A lheure où lon parle, léconomie de marché est plutôt low cost, puisquon ne paie pas le prix qui sera finalement assumé par les générations futures. Je pense au prix de limpact environnemental qui nest pas pris en compte dans le calcul du tarif des produits bon marché auxquels on a accès actuellement. Laddition sera donc réglée par les générations futures qui resteront dépourvues de ressources, puisque les eaux seront impures et lair très pollué. Elles auront du mal à avoir leur propre potager, par exemple, or cest de ce point de vue que finalement, le prix que nous, on paie aujourdhui, est très élevé. Il est élevé si on pense à nos enfants et petits-enfants. »
Le magasin « zéro déchet » de Bucarest permet aux clients de faire leurs courses en vrac pour sacheter notamment des aliments de base tels de la farine, du riz, des épices, différents types dhuile, du thé ou du chocolat sans trop de sucre ajouté. Et aussi des produits de beauté et dhygiène, tout comme des produits de nettoyage à faible impact sur lenvironnement. (Trad. Ioana Stancescu)