Le harcèlement sexuel à université
Pour les Roumains, le harcèlement sexuel est plutôt une notion tirée des films américains, quune réalité du quotidien. Toutefois, conditionner des services, des promotions professionnelles ou de meilleurs résultats d’études par des faveurs sexuelles, cela sinscrit dans le cadre des délits de nature pénale. En plus, bien que la loi roumaine condamne le harcèlement sexuel, les cas dénoncés restent isolés. En fait, il ny a pas de statistiques exactes de ce phénomène en Roumanie, ni en ce qui concerne l’ampleur, ni en ce qui concerne les formes.
Christine Leșcu, 24.02.2016, 14:39
Pour les Roumains, le harcèlement sexuel est plutôt une notion tirée des films américains, quune réalité du quotidien. Toutefois, conditionner des services, des promotions professionnelles ou de meilleurs résultats d’études par des faveurs sexuelles, cela sinscrit dans le cadre des délits de nature pénale. En plus, bien que la loi roumaine condamne le harcèlement sexuel, les cas dénoncés restent isolés. En fait, il ny a pas de statistiques exactes de ce phénomène en Roumanie, ni en ce qui concerne l’ampleur, ni en ce qui concerne les formes.
Le centre FILIA est une organisation féministe qui lutte contre l’inégalité des sexes. Il a démarré une enquête sur la présence du harcèlement sexuel dans le milieu universitaire. Suite à cette initiative, plus de 600 personnes de 42 universités roumaines – étudiants, doctorants, masterands, professeurs et personnels auxiliaires – ont complété les questionnaires en ligne. Bien que ce soit une recherche partielle, les réponses témoignent dun phénomène plutôt ample, tout en mettant en lumière lattitude générale en ce qui le concerne.
Une première conclusion est que le problème existe dans le milieu universitaire et que la peur de dénoncer quelquun est tout aussi réelle. De plus, lavis des participants à lenquête est unanime: il est nécessaire davoir une définition plus claire du harcèlement sexuel dans le code d’éthique des universités et dintroduire des sanctions proportionnelles aux faits.
Pour davantage de détails sur les conclusions de cette recherche, nous nous sommes adressés à la présidente du centre FILIA, Andreea Bragă: « Le harcèlement sexuel est défini par la loi de 2002 de légalité des chances entre hommes et femmes. Il sagit dun acte normatif appliqué souvent sur le marché du travail. Le harcèlement sexuel est également défini par le Code pénal, mais il ny a pas de définition claire applicable à toutes les universités. Les codes d’éthique diffèrent dune université à lautre. Dans certains établissements, la définition est plus claire, plus nuancée, alors que dautres se limitent à interdire le harcèlement sexuel. Une définition plus ample, qui offre des exemples plus concrets, pourrait simplifier les procédures de déposition des plaintes et encouragerait les personnes confrontées à ce problème à faire des réclamations. 20% des personnes interrogées dans le cadre de notre enquête ont avoué avoir eu affaire au harcèlement sexuel. Mais en leur donnant des exemples concrets, le nombre des réponses affirmatives augmente. Ceux qui répondent initialement « non », cochent souvent un exemple précis de harcèlement sexuel présent sur une liste. Par conséquent, le pourcentage des réponses affirmatives approche les 50%. On constate aussi que le harcèlement sexuel est le plus souvent associé aux cas très graves, traités par les médias et qui comportent des contraintes liées à des rapports sexuels en échange de meilleurs résultats académiques. Par contre, on a tendance à perdre de vue les cas moins graves. »
Par « cas moins graves » on comprend par exemple les blagues et appellations à connotations sexuelles. Evidemment, ces situations ne se limitent pas au milieu universitaire, on en trouve partout dans la société, même dans les moyens de transport en commun. Il ne faut pas minimiser limportance de ces faits, met en garde Andreea Bragă: « On nous a reproché quil est désormais impossible de faire une blague sans être accusé de harcèlement. Mais ces blagues aux nuances sexuelles peuvent aller jusquà des blagues sur le viol et justifier un certain comportement ultérieur. Il en va de même pour un attouchement non souhaité. On me dit : « Allez, quest-ce quil ta fait, en fin de compte? Cest pas grand chose. » Mais en définitive, cest mon corps, cest mon intimité. Je me trouve dans un espace où je dois étudier, mépanouir et non pas me renfermer et penser que ce qui m’arrive c’est peut-être de ma faute, parce que j’ai mis une blouse qui donnait à un homme l’impression qu’il pouvait me toucher. »
Mais qu’est-ce qui se passe plus exactement dans cet espace voué à l’éducation et au développement personnel qu’est l’université, au moment où la situation dégénère? Voici ce que constate l’étude du centre FILIA. Andreea Bragă : « A première vue, 380 personnes sur 668 ont affirmé que le harcèlement sexuel existe en général dans les universités. Parmi ces 380 personnes, 165 ont été exposées au moins une fois à des blagues à connotation sexuelle qui les ont rendues mal à l’aise. 129 participants ont été sujets de commentaires à caractère sexuel et ont reçu des surnoms aux connotations sexuelles. 13 personnes ont eu affaire à des menaces et des contraintes, liées à leur évaluation académique ou professionnelle si elles n’acceptaient pas des relations de nature sexuelle.»
Qui est l’agresseur, dans la plupart des cas? Andreea Bragă: « Pour la majorité des répondants, c’est un étudiant ou un enseignant. Certes, ils indiquent aussi un/une doctorant(e)” ou bien une enseignante”, mais ces réponses sont moins fréquentes. La conclusion c’est que le problème existe tant au niveau des relations collégiales, que dans les rapports avec l’autorité. Dans ce dernier cas, on a parfois peur de contrer la personne dont dépend son avenir. »
Ceci étant, il incombe aux universités de condamner le plus explicitement possible le harcèlement sexuel et de créer les conditions pour que ce soit la personne agressée et non pas l’agresseur qui obtienne gain de cause. Andreea Bragă. « Ce qui importe c’est la culture ou l’environnement d’études ou de travail, mais aussi et surtout la réaction des collègues devant les faits de harcèlement sexuel que l’on subit. Or, on constate, parfois, que certaines violences faites aux femmes sont minimisées. Il est d’autant plus difficile d’en parler et de dépasser le malaise, quand il s’agit de harcèlement sexuel. Plusieurs facteurs entrent en jeu. Il faut tout d’abord faire en sorte que les gens croient en la réparation d’une éventuelle injustice. Pour cela, les universités devraient apporter des modifications au code d’étique et adopter des politiques qui montrent clairement leur volonté d’améliorer les normes de conduite à l’intérieur des facultés. A cela s’ajoute la nécessité de mettre en place des programmes et d’organiser des sessions d’information sur les droits et obligations régissant les rapports humains en milieu universitaire. »
Le centre FILIA espère que l’étude exploratoire sur le harcèlement sexuel dans les universités tirera la sonnette d’alarme et permettra de mener des recherches exhaustives sur ce phénomène. (trad. Valentina Beleavski, Mariana Tudose)