Le harcèlement des femmes en ligne
L’accès de plus en plus facile à Internet, aux réseaux sociaux et aux équipements numériques sophistiqués a fourni aux auteurs d’actes de violence ou de harcèlement de nouvelles possibilités de persécuter leurs victimes. Un nouveau concept est même né: le cyberharcèlement – ou harcèlement informatique – pour désigner l’agression en ligne. La vitesse avec laquelle les messages électroniques arrivent à leurs destinataires accroît la violence virtuelle, qui n’est pas moins nocive que la violence physique – estime Jurgita Peciuriene, experte de l’Institut européen pour l’égalité des genres (EIGE).
Christine Leșcu, 24.01.2018, 13:19
L’accès de plus en plus facile à Internet, aux réseaux sociaux et aux équipements numériques sophistiqués a fourni aux auteurs d’actes de violence ou de harcèlement de nouvelles possibilités de persécuter leurs victimes. Un nouveau concept est même né: le cyberharcèlement – ou harcèlement informatique – pour désigner l’agression en ligne. La vitesse avec laquelle les messages électroniques arrivent à leurs destinataires accroît la violence virtuelle, qui n’est pas moins nocive que la violence physique – estime Jurgita Peciuriene, experte de l’Institut européen pour l’égalité des genres (EIGE).
Jurgita Peciuriene : « La violence en ligne revêt les formes les plus diverses : harcèlement verbal en ligne, harcèlement informatique, pornographie non consensuelle, recrutement de femmes et de jeunes filles à des fins de traite. La pornographie non consensuelle – ou « revenge porn » – a pris de l’ampleur et elle est pratiquée d’habitude par des personnes (hommes et femmes) qui souhaitent humilier publiquement leur ex-partenaire. Il faut pourtant dire que les hommes sont plutôt victimes d’insultes en ligne et de harcèlement informatique, moins violent, alors que les femmes sont plutôt exposées au harcèlement verbal en ligne, au harcèlement sexuel en ligne et à la vengeance pornographique. »
Les femmes et surtout les adolescentes et les jeunes sont notamment victimes du harcèlement informatique, qui désigne les messages à caractère explicitement sexuel, les propos injurieux et les menaces. Selon les données fournies en 2014 par l’Agence des droits fondamentaux de l’UE, 20% des femmes de 18 à 29 ans ont subi différentes formes de harcèlement informatique après l’âge de 15 ans. En outre, surtout quand il s’agit des femmes, la violence dans le monde virtuel fait généralement suite à une violence dans le monde réel – affirment les experts de l’Institut européen pour l’égalité des genres.
Malgré la gravité de ce fléau, l’Europe ne dispose pas d’une législation qui définisse et incrimine le harcèlement informatique. C’est à chaque Etat membre de prendre des mesures contre ce phénomène. En Roumanie il n’y a pas de statistiques, ni de législation qui permette de combattre le cyberharcèlement.
Andreea Bragă, directrice du Centre Filia, association militant pour les droits des femmes : « Malheureusement, nous ne disposons pas d’une législation qui définisse le harcèlement informatique. Certains articles de loi peuvent pourtant être appliqués au harcèlement informatique. L’article 208 du nouveau Code pénal, qui définit le harcèlement, vise entre autres les actes répétés d’intimidation, y compris par la communication en ligne. Cet article peut donc être appliqué au cyberharcèlement, mais celui-ci n’est pas défini strictement comme violence contre les femmes. Il y a une législation contre la criminalité cybernétique, pourtant le harcèlement n’y est pas mentionné, mais seulement la pornographie et le vol de données personnelles qu’une personne peut commettre contre son ex-partenaire pour le/la déterminer à continuer une relation. »
Tout comme les autres formes de violence ou de harcèlement, les actes perpétrés en ligne sont favorisés par certains rapports de pouvoir entre la victime et l’agresseur – estime Andreea Bragă : «Les personnes appartenant à une minorité ethnique, religieuse ou sexuelle sont plus exposées au harcèlement informatique. C’est aussi le cas des femmes, qui, tout en n’étant pas une minorité, se trouvent dans une position d’infériorité par rapport aux hommes. Le harcèlement informatique est d’habitude initié par quelqu’un qui possède un certain pouvoir symbolique: l’enfant le plus populaire de l’école ou le plus cool du groupe, par exemple. C’est pourquoi, souvent, ceux qui assistent par hasard à un tel acte se solidarisent avec l’agresseur. Dans le monde des adolescents, le harcèlement est rendu possible aussi par cette solidarité avec l’agresseur, née de la crainte qu’il inspire ou du désir d’être comme lui. Les adultes ont recours, eux, à des moyens tels les tactiques d’intimidation, les actes blessants, les critiques adressées par SMS ou par email ou même la création de sites de dénigrement de certaines personnes.»
Une définition précise du harcèlement informatique dans la législation du pays permettrait non seulement de punir les coupables, mais aussi d’aider les victimes à comprendre ce qui leur arrive: les agressions et les humiliations qu’elles subissent ne reflètent pas leur valeur personnelle, mais le caractère de leurs agresseurs. On pourrait ainsi limiter l’ampleur des drames nés de la perte du respect de soi.
Andreea Bragă explique : « Le cyberharcèlement peut mener au suicide. Si une personne subit pendant longtemps cette forme de harcèlement, elle peut finir par avoir peur, sombrer dans la dépression ou perdre son estime de soi. Il y a eu des cas d’adolescents ou d’adolescentes qui se sont suicidés. Au-delà de la législation insuffisante, qui ne permet pas de sanctionner ces actes, l’éducation est nécessaire pour que les gens comprennent ce qu’ils sont en train de vivre. »
Les victimes des actes de violence ne sont pas les seules à devoir être éduquées en ce sens; le public de l’espace virtuel devrait l’être aussi, pour réagir lorsqu’il assiste à des actes de harcèlement en ligne. (Trad.: Dominique)