Le drame de l’enfant intérieur
A neuf ans, Benni fait déjà partie de la catégorie des enfants-problème, selon l’assistance sociale. Son unique but c’est de rentrer chez elle pour retrouver sa mère, alors que les fonctionnaires de la Direction pour la protection de l’enfance cherchent, par tous les moyens, à lui trouver un foyer familial stable. Malheureusement, de tels drames n’arrivent pas que dans la fiction artistique, ils existent, nombreux, dans la vraie vie, en Roumanie et ailleurs dans le monde. Sorin Lucaci, chargé de communication aux éditions « Herald » : « Nous avons invités, ici, des experts qui vous parlent de certaines pratiques liées aux théories psychologiques et éducationnelles actuelles, en mesure de nous aider à mieux comprendre et à éprouver de l’empathie et de la compassion envers nos enfants et leurs problèmes. A avoir une meilleure communication, une dynamique plus harmonieuse de la relation parent-enfant, aussi. Qui nous parlent de blessures émotionnelles, du rejet, de l’abandon, des peurs, traumas et vulnérabilités, de la révolte, mais aussi de dépendances, défis, connexion, attachement et empathie. Et des racines de la violence chez l’enfant. »
Monica Chiorpec, 15.01.2020, 15:25
A neuf ans, Benni fait déjà partie de la catégorie des enfants-problème, selon l’assistance sociale. Son unique but c’est de rentrer chez elle pour retrouver sa mère, alors que les fonctionnaires de la Direction pour la protection de l’enfance cherchent, par tous les moyens, à lui trouver un foyer familial stable. Malheureusement, de tels drames n’arrivent pas que dans la fiction artistique, ils existent, nombreux, dans la vraie vie, en Roumanie et ailleurs dans le monde. Sorin Lucaci, chargé de communication aux éditions « Herald » : « Nous avons invités, ici, des experts qui vous parlent de certaines pratiques liées aux théories psychologiques et éducationnelles actuelles, en mesure de nous aider à mieux comprendre et à éprouver de l’empathie et de la compassion envers nos enfants et leurs problèmes. A avoir une meilleure communication, une dynamique plus harmonieuse de la relation parent-enfant, aussi. Qui nous parlent de blessures émotionnelles, du rejet, de l’abandon, des peurs, traumas et vulnérabilités, de la révolte, mais aussi de dépendances, défis, connexion, attachement et empathie. Et des racines de la violence chez l’enfant. »
L’histoire du personnage Benni, du film « System Crasher », montre une réalité cruelle de la société contemporaine. Des milliers d’enfants, certains à un âge très tendre, vivent, chaque année, le trauma de l’abandon, un grand nombre d’entre eux souffrant de blessures émotionnelles difficilement abordables par les thérapeutes. Iulia Feordeanu, psychologue et psychothérapeute, explique: « J’ai pu collaborer pendant cinq ans avec différentes Directions départementales pour la protection de l’enfance de Roumanie. J’ai rencontré des enfants avec des comportements semblables à celui de la petite Benni (n.réd. le personnage du film), des éducateurs, des psychologues, des fonctionnaires de l’assistance sociale, qui essaient, pendant des années, à aider ces enfants-problème. Seulement, de nombreux enfants, qui deviennent ensuite des adultes, ne reçoivent ni sécurité ni compréhension de leur besoins de la part des adultes. »
L’environnement dans lequel un enfant passe les premiers mois et les premières années de sa vie ont une importance capitale pour le profil psycho-émotionnel du futur adulte. Mais les systèmes de protection de l’enfance ne peuvent assurer la récupération des enfants ayant de telles déficiences ni en Roumanie ni dans d’autres pays. Iulia Feordeanu: « En l’absence d’un environnement sûr et de parents responsables, les enfants ne peuvent pas se développer harmonieusement. Leur équilibre émotionnel est fortement bouleversé. Malheureusement, ils sont irrécupérables, malgré les meilleures intentions de nombreux adultes. J’ai travaillé, dans des programmes de soutien émotionnel, avec des enfants institutionnalisés aussi bien en Roumanie que dans d’autres pays, y compris asiatiques. Partout, ces enfants-là, les enfants-problème, les enfants abandonnés, les enfants abusés, se ressemblent. »
Les experts du domaine font tout leur possible pour qu’un enfant, qui subit le trauma de l’abandon répété, soit réintégré, parfois à plusieurs reprises, dans un milieu familial. Mais les problèmes d’attachement ne disparaissent pas, affirme Sorina Petrică, psychologue praticienne: « Il est possible de guérir uniquement à l’intérieur d’une relation. Les systèmes de protection de l’enfant du monde entier ne sont, en fait, qu’une solution imparfaite pour ces enfants, qui passent, le plus souvent, d’une maison à une autre, revivant ainsi la rupture de la relation, l’abandon. »
Sorina Petrică explique pourquoi le traitement et la guérison de ces enfants sont difficiles justement à cause des adultes qui ne sont pas préparés à aborder correctement un tel problème : « La guérison est possible uniquement si, après beaucoup de travail, les enfants réussissent à s’attacher à un adulte, parce qu’ils ont besoin d’une figure permanente dans leur vie. Quand cela arrive, ces enfants ont besoin non seulement d’une telle figure, mais aussi de recevoir du respect en tant que personnes à part entière, de la compréhension, de l’acceptation, de l’amour inconditionnel. Autant de choses difficiles à obtenir pour un enfant qui a une histoire d’abandon. L’abandon vous apprend que l’on ne peut pas faire confiance aux autres, que les adultes sont une source de danger. De tels enfants développent une série de difficultés émotionnelles très difficilement gérables. Ils vivent et éprouvent des émotions d’une très grande intensité et ont beaucoup de difficultés à se calmer seuls. »
Sabina Strugariu, psychothérapeute intégrative, parle du besoin des adultes de comprendre leur enfant intérieur, afin de pouvoir assumer l’intégration des enfants institutionnalisés. « Personnellement, j’ai un gros problème avec le syntagme enfant – problème. J’aime mieux le titre initial du film, « System Crasher », car il met l’accent sur toute autre chose et je ne crois pas que cet enfant-là soit un problème. Les enfants ne sont jamais le problème, justement à cause du type d’attachement, car, pendant l’enfance, nous reprenons le type d’attachement du parent ou de l’adulte qui prend soin de nous et nous aide à nous développer. Cet « enfant-problème » et tout ce qui se passe dans le système existent chez nous, à la maison, aussi, avec les enfants-problème qui sont démonisés et qui nous font peur, car leurs émotions sont difficiles à gérer. En fait, cela arrive souvent parce qu’en tant qu’adulte nous avons cet enfant intérieur, tout aussi endommagé et dont nous avons peur. Et donc, comme il n’est pas facile de prendre soin de nous-mêmes, nous projetons sur nos propres enfants ce que nous ne pouvons pas faire pour nous-mêmes. »
Selon les statistiques de la fin 2018, un millier d’enfants étaient abandonnés à la naissance, chaque mois, dans les hôpitaux de Roumanie. Des enfants qui vont ensuite chez des parents d’accueil ou dans des centres de placement. L’adoption est un processus de longue durée, les traumas soufferts par ces enfants produisant, parfois, des effets irréversibles. (Trad. : Ileana Ţăroi)