Le coût actuel de la vie en Roumanie
La récente étude menée par la fondation Friedrich Ebert Roumanie, lInstitut de recherche pour la Qualité de la vie et Syndex, part du fameux panier de biens et de services indispensables à un niveau de vie décent. Un panier est structuré en 11 chapitres, qui correspondent chacun à des besoins précis : alimentation, vie sociale, habillement, équipement, hygiène, santé, logement, vacances et fonds déconomies. Le résultat des courses ? Et bien, une famille roumaine, composée de deux adultes et de deux enfants, a besoin de 6.762 lei, soit environ 1.450 € pour subvenir à lensemble de ses besoins. Donc pour mener une vie décente. Une personne seule na elle besoin que de près de 550 € mensuels. Victoria Stoiciu, de la fondation Friedrich Ebert Roumanie, nous apporte des précisions: « Le salaire moyen net a été calculé par lInstitut national de la statistique au cours de lété dernier, et il se situait alors aux alentours de 2.700 lei par mois. Si on le multipliait par deux, on narriverait toujours pas à 6.700 lei, la valeur estimé du panier qui devrait assurer un niveau de vie décent. Le calcul du panier prend en considération le coût réel de la vie, il ne sagit pas de la théorie. Cest bien ce dont une famille aurait besoin pour mener une vie décente. Et je dis bien : décente. La valeur de ce panier, calculée par lInstitut national de la Statistiques les années précédentes, se rapportait à un niveau de subsistance, ce qui est bien loin de ce que recouvre la notion de décence. Nous avons voulu établir les critères permettant de mener une vie décente, un nécessaire qui couvre plus que le niveau de la survie dune personne, sans pour autant aller jusquau luxe ni à lopulence ».
Christine Leșcu, 21.11.2018, 13:01
Même si létude a été conçue selon les besoins des citadins, ce panier contient aussi des éléments indispensables pour les habitants des villages et des zones rurales, estime Victoria Stoiciu: « Les retraités nont pas été pris en compte dans létude, et les personnes inactives non plus. Notre étude et son panier sont représentatifs des besoins dune population urbaine et active. Il est peut-être vrai que notre panier est moins en phase avec les besoins des habitants des campagnes par exemple. Cela ne veut pas dire, comme certains lont insinué, que le coût du panier nécessaire à une vie décente soit beaucoup moins élevé à la campagne. Il y a certes une partie des dépenses, qui peuvent être prises en charge et compensées par léconomie de subsistance qui perdure dans les zones rurales. Mais à ce moment-là, les dépenses du volet santé du panier par exemple, seraient beaucoup plus importantes parce quon ne trouve pas dhôpitaux à la campagne. Même chose pour les dépenses engendrées par léducation. Pour que ton enfant aille au lycée, il faut lui payer un logement en ville. Ou faire la navette tous les jours, en voiture ou en train, ce qui revient au même. »
Les Roumains remarquent aussi le fossé qui se creuse entre le revenu supposé leur assurer un niveau de vie décent, et leur revenu réel. Cest ce quexplique Cătălina : « Cest de la fiction. Dabord, la grande majorité des gens sont loin de gagner la somme mentionnée par cette étude. Et puis, ensuite, la vérité, cest que pour se procurer tout ce quil y a dans ce panier, une famille devrait dépenser bien plus que ce que qui est estimé par létude. Le coût de ce panier-là est bien plus élevé dans la réalité. Et puis lon parle juste du seuil minimum dun niveau de vie décent ». Cătălina prend pour exemple deux items : le loisir et la santé. Pour la santé, la somme avancée par létude sélève à 107 lei par mois, soit 23 €. Cătălina est dun autre avis : « Les frais de santé sont clairement sous-évalués, 107 lei cest vraiment dérisoire, sans blagues. Et les loisirs. Mettons quon aille juste une fois au cinéma, avec ses enfants. Le billet coûte 15 lei au bas mots. Ils sont deux, tu leur achètes du popcorn et du jus, alors une seule séance de cinéma par mois tamène à dépenser plus de cent lei. »
Professeur à la retraite, Daniela continue à enseigner dans quelques écoles pour arrondir ses fins de mois. Réussir à faire tout ce que létude prévoit, sans revenu supplémentaire, cest un fantasme plutôt que la réalité selon elle. Quant au chapitre dédié aux économies, cela relève presque de lindécence, tant cest irréel. Et voilà ce quelle pense de la part de lalimentation dans le panier : « En prenant en compte la dernière hausse des prix des denrées alimentaires, je me demande comment on pourrait ny allouer que 20% du budget alors que lon a, en plus deux enfants à la maison. Même si on cuisine, le pourcentage alloué aux dépenses alimentaires est loin dêtre réaliste. Il suffit de passer le seuil dun supermarché pour se rendre compte que les prix ont augmenté de 10% par rapport au mois précédent. Nallouer que 20% du budget du ménage aux dépenses alimentaires ? Peut-être si on suit une cure sans viande, et quon cuisine chez soi. » Daniela, lenseignante retraitée, conclut :« Ma retraite est en-dessous du salaire minimum. Je touche 1700 lei par mois. Heureusement que je peux encore travailler, sinon dépenser tout ce que prévoit létude serait impossible. Et même quelquun qui touche un revenu moyen ne peut pas dépenser 6.762 lei par mois, cest carrément hors datteinte. Cest un panier irréaliste. Pensez que beaucoup de familles vivent avec 4.000 lei par mois, et avec deux enfants à charge. »
De toute évidence, la formule de calcul de ce panier de biens et de services reste purement théorique. Les auteurs de létude comprennent très bien les nombreuses questions et critiques de la méthodologie utilisée par cette étude que posent les principaux concernés : les ménages roumains. Ces questions portent notamment sur lécart quils constatent entre la valeur du panier selon létude et le revenu global réel de la famille. Victoria Stoiciu : « 90% des adultes roumains bénéficient dun revenu moyen de moins de 2.100 lei par mois, soit 450€. Cela signifie que 90% des gens touchent moins que la valeur du panier nécessaire à une vie décente, tel que nous lavons calculé. On est, semble-t-il, toujours un pays pauvre, dans lequel ce quon appelle « niveau de vie décent » nest accessible quà une minorité extrêmement restreinte ». (Trad. Ionut Jugureanu)