L’association Caravane des médecins
Les cabinets mobiles, la réponse des ONG pour résoudre le problème de la pénurie de médecins en Roumanie
Christine Leșcu, 21.08.2024, 09:16
Les inégalités importantes entre les zones rurales et urbaines en Roumanie se retrouvent notamment dans l’accès à la médecine. Par exemple, 53 % des localités roumaines n’ont pas assez de médecins généralistes.
A l’échelle du pays, on compte 6 300 cabinets de médecine générale dans les villes contre 4 100 cabinets dans les zones rurales. En outre, l’ONG Salvati copii, Sauvez les enfants en français, a constaté qu’une femme enceinte sur 10 vivant en zone rurale ne consulte aucun médecin au cours de sa grossesse. L’association note également que 34 % des femmes enceintes n’ont pas consulté de gynécologue pendant leur grossesse, et 50 % d’entre elles ont déclaré que les tests, les échographies et les consultations n’étaient pas gratuits.
Comment expliquer cette situation ? Silvia Burcea, coordinatrice de programme chez Salvati copii, nous fournit quelques éléments de réponse.
« Il y a une combinaison de facteurs. Nous parlons de personnes vulnérables qui sont confrontées à la pauvreté et qui, d’une part, ne peuvent pas se rendre chez un médecin parce qu’elles vivent dans des villes situées à des dizaines de kilomètres du premier hôpital, des villes où il n’y a pas de minibus, pas de train pour se rendre à un hôpital. Et ces personnes n’ont pas les moyens de se payer un transport privé. Nous parlons également de personnes qui n’ont pas reçu d’éducation médicale ou qui n’ont jamais consulté un médecin. Nous avons des cas de femmes enceintes qui, à leur sixième grossesse, n’ont jamais été examinées, ni suivies pendant leur grossesse. Il s’agit donc d’une combinaison de facteurs. »
Cette combinaison de facteurs est complétée par d’autres causes spécifiques à la façon dont la profession médicale est exercée en Roumanie. Le Dr Mihai Ranete nous expose son point de vue d’initié.
« Dans les zones rurales, l’accent a été mis, à juste titre dans une certaine mesure, sur la médecine généraliste, mais nous devons comprendre que les zones rurales abritent des personnes qui ont également besoin de consultations spécialisées. Outre la pénurie de médecins de famille, car dans la plupart des communes et des villages de Roumanie, il n’y a de médecin de famille que sur le papier, il faut penser qu’ils doivent souvent consulter un grand nombre de personnes ou parcourir de nombreux kilomètres. Outre la médecine généraliste, il existe une pénurie assez importante de médecins spécialistes, et je ne fais pas nécessairement référence ici aux zones rurales, mais aussi aux villes. Dans certains départements, il n’y a pas de pédiatre, dans d’autres, il n’y a qu’un ou deux gynécologues, etc. Les médecins ont commencé à rester dans les grands centres parce qu’ils y disposent des ressources nécessaires. Ca induit un problème pour le patient, qui doit se rendre dans un grand hôpital pour avoir accès à un service comme celui-ci. Or beaucoup de gens n’ont même pas les moyens d’acheter un billet pour l’hôpital le plus proche afin d’avoir accès à une consultation gynécologique ou pédiatrique. »
C’est pourquoi, avec quatre de ces collègues, Mihai Ranete a créé il y a 10 ans l’association Caravane des médecins. Leur organisation monte des cabinets mobiles équipés de matériel et d’équipes de médecins spécialistes qui se déplacent de village en village. Mihai Ranete partage cette expérience avec nous.
« Les caravanes ont actuellement trois orientations principales. La première est la caravane dédiée aux pathologies cardiovasculaires pour les patients adultes et nous ciblons notamment les maladies cardiovasculaires les plus courantes. Des médecins sur place, aidés bien sûr par du matériel, sont en mesure d’assurer une véritable journée d’hospitalisation dans le village des patients. Un deuxième type de caravane est consacré à la santé des femmes. Là aussi, la composante éducative est importante et nous ciblons la santé des seins. Des échographies mammaires sont effectuées. Les patientes reçoivent des bons pour passer une mammographie dans le centre le plus proche de chez elles. Des consultations gynécologiques sont effectuées et, à la fin, nous apportons des réponses concrètes. Le soutien de Salvati Copii nous permet actuellement de développer d’avantage la caravane gynécologique. Les trois unités mobiles sont adaptées et nous offrent un cadre sûr et légal pour offrir ces services médicaux, même à proximité d’une école ou dans un village perché sur une montagne. Enfin, il y a les caravanes pédiatriques, où nos patients sont des enfants. Elles comportent également un important volet éducatif axé sur l’aspect dentaire. Les enfants apprennent ce qu’est une carie et ce qu’est une bonne hygiène dentaire. Il y a une consultation à ce sujet et, d’autre part, il y a des consultations pédiatriques avec une évaluation complète.
Récemment, l’association Caravane des médecins a reçu une aide importante grâce au partenariat avec l’organisation Salvati copii, qui lui a offert trois unités mobiles supplémentaires, comme nous l’apprend Silvia Burcea.
« Les trois unités mobiles sont en fait des cabinets médicaux sur roues. Elles sont équipées de matériel médical, disposent d’un échographe avec trois sondes et offrent un espace sûr et légal. Ces caravanes nous permettent d’atteindre des zones reculées, où il n’y a pas de cabinet médical. Il est très important de mentionner que nous mobilisons de véritables réseaux autour de ces unités médicales. Nous parlons ici de partenariats avec les autorités locales, avec les équipes de travailleurs sociaux, et des infirmières qui font un travail préalable au sein des communautés afin d’identifier les personnes vulnérables qui ont vraiment besoin d’une aide urgente et aussi, bien sûr, avec des équipes multidisciplinaires de spécialistes médicaux. »
Bien entendu, il s’agit d’une aide ponctuelle qui devrait être intégrée d’une manière ou d’une autre dans les services de santé fournis par les autorités locales afin de la pérenniser. C’est pourquoi les prochains projets de la Caravane des médecins et de Salvati Copii visent à étendre ce type de service médical mobile afin de pallier autant que possible le manque d’infrastructures régulières. (Trad : Clémence Lheureux)