La société civile soutient l’enseignement public
L'association Bookland a réussi à améliorer une situation que les Roumains déploraient depuis de nombreuses années : l'état des écoles de campagne.
Christine Leșcu, 22.05.2024, 14:41
Il y a des personnes en Roumanie qui refusent d’assister impuissantes au spectacle de l’incompétence de la puissance publique dans un domaine aussi important que l’éducation. Créant des ONG, ces personnes collectent de l’argent privé afin de mettre en place des projets d’ampleur, susceptibles de renverser une donne perdante. C’est le cas de l’association Bookland, qui a réussi à améliorer une situation que les Roumains déploraient depuis de nombreuses années : l’état des écoles de campagne, humides, mal peintes, dépourvues d’équipements modernes et situées dans des bâtiments inadaptés. En quatre ans, Bookland a rénové et équipé 80 écoles et maternelles.
L’impulsion est venue des statistiques sur les abandons scolaires massifs dans les zones rurales.
Et les raisons de la déscolarisation vont de pair avec la négligence des bâtiments scolaires, explique Mihaela Petrovan, présidente de Bookland : « En ce qui concerne l’éducation, la situation en milieu rural est grave. Par exemple, un élève sur deux ne dépasse pas le collège. Et en Roumanie, en milieu rural, un élève sur quatre ne passe déjà plus le bac. Donc c’est difficile, mais malgré tout nous n’abandonnons pas. Dans l’esprit de tout activiste comme nous il y a une lutte permanente, il faut continuer à avancer, à poursuivre son rêve, il se peut que nous soyons un peu naïfs, un peu fous, pour avoir le courage de croire que c’est possible, même si ce n’est pas facile. Et c’est pour ça que depuis quatre ans nous œuvrons à rénover des écoles dans tout le pays hormis dans le département d’Ilfov, avoisinant la capitale et dans lequel l’Inspection scolaire a encouragé toutes les écoles à solliciter des fonds européens. Bravo à eux ! Nous, à Bookland, nous fonctionnons avec des fonds privés. Et je pense que si nous avons réussi à faire ce que nous avons fait avec l’argent roumain offert par des entreprises locales et internationales ou multinationales, je pense que nous pouvons y arriver.
Mais la plus grande réussite de Bookland a été de mobiliser les communautés locales, souvent touchées par la léthargie.
Deux écoles par département
Mihaela Petrovan, présidente de Bookland, explique comment a développé son activité sur le terrain : « Nous avons rénové entre 1 et 6 écoles dans chaque département. La moyenne est de deux écoles par département, mais il y a des départements comme Vrancea, avec six écoles et maternelles rénovées. Nous sommes heureux de constater que le changement s’y est perpétué. C’est-à-dire qu’au moment de notre arrivée, toute la communauté était peut-être dans un état de léthargie, lassée des mensonges et des promesses, résignée, mais nous avons réussi à impliquer absolument tout le monde. Les parents ont préparé un repas chaud pour les travailleurs, les élèves se sont impliqués et ont peint la clôture et les murs de leurs main, en réalisant divers motifs. Tout le monde s’est impliqué, du plus petit au plus grand, les prêtres, le médecin du village, le boulanger. Tout le monde a apporté sa contribution. »
« …une Roumanie unie pour nos enfants »
Et ces performances sont remarquées, tout d’abord, par les locaux, comme une mère du comté de Neamt, dont Mihaela Petrovan se souvient également : « Une maman a dit une chose très belle lorsqu’elle a vu la plaque avec les noms de tous les parrains qui ont directement contribué à la rénovation de l’école, soit environ 40 ou 50 noms: « Comme c’est beau ! De voir une Roumanie unie pour nos enfants ». C’était une mère de famille de Păstrăveni, dans le département de Neamț. Elle m’a impressionnée et je me suis rendue compte que oui, elle avait raison, car nous avons apporté à l’école 150 à 200 paquets de matériaux provenant non seulement de Neamt, mais aussi d’Arad et du Bihor. Les matériaux sont arrivés puis nous avons mobilisé des entreprises pour qu’elles redirigent des produits ou de l’argent afin que nous puissions payer la main-d’œuvre. Nous avons également mobilisé les municipalités locales pour qu’elles apportent leur patte à l’édifice. Et il faut savoir que la plupart d’entre elles ont contribué avec l’argent qu’elles percevaient des impôts locaux, donc même pas avec l’argent du budget de l’État ; ainsi les villageois ont quand même payé pour l’école, la partie de la mairie était la contribution des membres de la communauté. Nous sommes fiers que ce trio gagnant – entreprises, municipalités et communauté – travaille sans argent européen. »
Des cours pour les artisans
La prochaine étape que Bookland prépare est de soutenir l’apprentissage, c’est-à-dire des cursus qui forment des artisans dans différents domaines en lien avec les entreprises ou les agents économiques désireux d’investir dans la formation de ces étudiants. Selon Mihaela Petrovan, Bookland envisage de créer le premier campus pré-universitaire d’apprentissage dans le département d’Argeș, dans la commune de Vulturești. La Roumanie a besoin de tels espaces. Selon le dernier rapport de l’OCDE, l’enseignement professionnel et technique est plus populaire en Roumanie que dans d’autres pays : 32 % des étudiants roumains âgés de 15 à 19 ans sont inscrits dans ce type d’enseignement secondaire.