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La situation des employés domestiques roumains au sein de l’UE

Au début des années 2000, lorsque la vague d’émigration au départ de la Roumanie vers les autres Etats membres de l’UE s’est intensifiée, la plupart des femmes issues de milieux défavorisés qui quittaient le pays se faisaient embaucher à l’étranger comme employées domestiques. Avec les années, leur nombre a augmenté, et de plus en plus sont atteintes de troubles psychiques connus sous le nom du « syndrome d’Italie ». Pourquoi l’Italie ? Parce que la plupart des victimes sont des travailleurs domestiques étrangers, pas seulement roumains, travaillant dans ce pays. L’Italie étant le pays accueillant la plus importante communauté roumaine de l’UE. Beaucoup parmi ces malades sont soignés à l’Institut psychiatrique Socola de Iaşi, où travaille Petronela Nechita, médecin généraliste et psychiatre.

La situation des employés domestiques roumains au sein de l’UE
La situation des employés domestiques roumains au sein de l’UE

, 20.10.2021, 08:42



« J’ai fait mes débuts en tant qu’interne à Socola en janvier 2008. A l’époque j’entendais déjà parler de ces patients qui revenaient de l’étranger et qui étaient atteints de troubles psychiatriques comme la dépression ou les troubles psychotiques. L’Italie, c’est bien connu, a une population vieillissante. Le pays a accueilli beaucoup de travailleurs roumains qui s’occupent notamment des personnes âgées. Ce sont les fameuses ‟badante” (femmes de ménage), ces aides-soignantes qui s’occupent des personnes âgées. C’est bien plus qu’un travail d’assistant. Elles administrent aussi des médicaments, dispensent certains soins médicaux qui ne relèvent pas de leurs compétences. C’est extrêmement stressant pour elles. Une personne âgée a besoin d’être prise en charge 24h/24h, surtout si elle est atteinte de troubles neuropsychologiques. Il faudrait trois personnes pour couvrir ces 24 heures de soins, car nous avons tous besoin de huit heures de sommeil, huit heures de travail et huit heures de repos actif. Beaucoup parmi les femmes qui partent ainsi à l’étranger travaillent plus de huit heures par jour. Elles ont rarement le temps de prendre une pause pendant la semaine et n’ont, dans certains cas, même pas de jour de repos. Avant de partir à l’étranger, elles devraient s’assurer qu’elles ont bien un contrat de travail garantissant des jours de repos, ou du moins un contrat comprenant des horaires de pause et de travail clairement énoncés. »



En Italie, un contrat légal limite évidemment le nombre d’heures de travail. Le problème, c’est que nombre de ces « badante » n’ont pas de contrat, et se retrouvent donc en difficulté, comme l’a constaté la militante Silvia Dumitrache, présidente de l’Association des femmes roumaines d’Italie.



« En général, ces aides-soignantes ont des contrats de travail de 40 heures par semaine. La réalité est en fait toute autre. Il arrive fréquemment que ces femmes soient en fait logées sur leur lieu de travail, chez la personne dont elles s’occupent, qu’elles ne quittent pratiquement pas. C’est inadmissible. Elles sont à la disposition de leur employeur, qu’elles ne connaissent même pas. J’ai pu observer la même chose ailleurs, comme en Roumanie, où on ne sait plus exactement qui propose le contrat et qui veille à sa bonne application. Le flou persiste et c’est probablement volontaire. Ces travailleuses n’ont pas de vie sociale, et beaucoup n’arrivent pas à dormir la nuit, car les personnes dont elles s’occupent ont constamment besoin de soins, même la nuit. La famille du patient arrive ensuite avec d’autres exigences qui n’ont pas été indiquées dans le contrat. Ces familles ne sont pas prêtes à accueillir chez elles des employés ayant des droits, en plus de leurs obligations de travail. »



Malgré la fatigue, la restriction de leur liberté de mouvement, le manque d’intimité, c’est bien l’absence de leur famille qui affecte le plus ces femmes. Docteur Petronela Nechita nous explique ce qui est à l’origine de ces troubles :



« C’est l’éloignement avec leurs proches, partenaires, enfants, parents, frères et sœurs, qui les affecte le plus. Beaucoup sont parties car elles étaient financièrement en difficulté. Elles partent travailler à l’étranger en quête d’un salaire qui leur permette d’élever leurs enfants. Elles envoient donc l’argent qu’elles gagnent à la maison, pour subvenir aux besoins des enfants. Beaucoup prévoient de ne partir que quelques mois mais finissent pas rester à l’étranger plusieurs années. C’est cette séparation qui a des conséquences néfastes. Beaucoup parmi ces femmes finissent par divorcer, car la distance nuit à leur relation. Les enfants aussi ont tendance à prendre des distances avec ce parent qui habite à l’étranger. Et lorsque ces femmes finissent par rentrer après plusieurs années, elles ne retrouvent pas le confort émotionnel qu’elles avaient laissé derrière elles. Elles subissent un torrent de reproches de la part de leurs enfants, qui avaient davantage besoin de leur présence que de sécurité financière. »



Silvia Dumitrache nous explique les conséquences psychologiques que cela engendre chez certaines femmes, déjà fragilisées par une situation précaire et des horaires dépassant la durée légale.



« Effectivement, celles qui partent en quête d’un travail à l’étranger s’exposent à certains risques, car leur statut de femmes seules les met en situation de vulnérabilité. Il est crucial de légiférer pour que cela change. C’est inadmissible et de surcroit illégal, de faire travailler quelqu’un 24h/24h. C’est humainement impossible. Vous pouvez tenir deux ou trois mois, mais vous finirez par avoir des problèmes de santé. La loi italienne ne prévoit aucunement qu’une personne travaille autant. »



Après de nombreuses années de sensibilisation à cette question, Silvia Dumitrache estime que les autorités roumaines, et celles des autres Etats membres, sont tout à fait au courant de la situation des victimes du « syndrome d’Italie ». Pour le moment, on attend encore une mise en application totale de la loi et une surveillance accrue de ceux qui la transgressent. Par ailleurs, les campagnes de sensibilisation menées par des activistes tels que Silvia Dumitrache s’orientent dans une nouvelle direction.



« Nous cherchons aussi à sensibiliser les travailleurs afin qu’ils prennent conscience de la vulnérabilité à laquelle ils s’exposent. On peut porter un tel fardeau pendant un, deux ou trois mois, peut-être même un an, avant de sombrer dans une dépression dont on ne parvient pas à se sortir. Evidemment, chacun est libre de choisir. Tous les cas ne sont pas désespérés. Il arrive que certains s’accommodent très bien de leur nouvelle situation à l’étranger. Quoi qu’il en soit, cela dépasse le cadre de la légalité, car quiconque accueille un employé sous son toit et dans ces conditions ne respecte déjà pas la loi italienne. »



Bien évidemment, les employés domestiques d’Italie ne sont pas tous roumains. Mais la situation de ces derniers est peut-être encore plus grave, étant donné que la Roumanie est l’un des pays les plus pauvres de l’UE. Ainsi, leur choix de partir peut relever d’une décision personnelle, toutefois influencée par des facteurs externes. Parmi les patients de la psychiatre Petronela Nechita, beaucoup choisissent de reprendre le travail une fois guéris.



« Nombreux sont les patients qui retournent ensuite à l’étranger, car ils n’arrivent pas à trouver du travail en Roumanie. Beaucoup maintiennent pourtant qu’ils vont rester auprès de leurs proches et de leurs enfants. Mais ils finissent par repartir à l’étranger, souvent avec les mêmes conditions de travail, pour gagner l’argent nécessaire pour subvenir aux besoins de leur famille. »



C’est pour cette raison que les militants tels que Silvia Dumitrache se battent pour obtenir une meilleure protection des familles transnationales au niveau européen. Mais l’évolution des conditions de ces « badante » et la disparition du « syndrome d’Italie » dépendent aussi de la situation de ceux qui sont restés au pays.


(Trad. : Charlotte Fromenteaud)



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