La santé publique et la pénurie de médecins
Selon l’Index européen des consommateurs de soins de santé récemment publié, la Roumanie est confrontée à de sérieuses difficultés de management de l’ensemble du secteur médical, occupant la dernière place parmi les 35 Etats européens pris en compte. Parmi les aspects sensibles y est mentionnée avant tout l’attitude vis-à-vis des patients. La Roumanie occupe une des dernières places pour ce qui est du respect des droits des patients et de leur information, de leur accès au traitement, des services offerts et de la prévention. Exprimés lors des différents sondages, les avis et les impressions subjectives des patients de Roumanie viennent compléter les données objectives. L’étude menée par la Coalition des organisations des patients touchés par une maladie chronique leur a fourni une telle occasion de s’exprimer.
Christine Leșcu, 21.02.2018, 13:55
Selon l’Index européen des consommateurs de soins de santé récemment publié, la Roumanie est confrontée à de sérieuses difficultés de management de l’ensemble du secteur médical, occupant la dernière place parmi les 35 Etats européens pris en compte. Parmi les aspects sensibles y est mentionnée avant tout l’attitude vis-à-vis des patients. La Roumanie occupe une des dernières places pour ce qui est du respect des droits des patients et de leur information, de leur accès au traitement, des services offerts et de la prévention. Exprimés lors des différents sondages, les avis et les impressions subjectives des patients de Roumanie viennent compléter les données objectives. L’étude menée par la Coalition des organisations des patients touchés par une maladie chronique leur a fourni une telle occasion de s’exprimer.
Luminiţa Vâlcea, membre de cette coalition, présente brièvement les mécontentements des patients: « Selon notre étude menée avec environ 300 patients, un patient sur trois a dû attendre entre 6 et 12 mois pour avoir son diagnostic. Un quart des patients interrogés affirment que dans la ville qu’ils habitent il n’y a pas de médecin spécialisé qui puisse les traiter ou assurer leur suivi. Un patient sur trois n’a pas reçu d’explications détaillées de la part du médecin, une fois le diagnostic établi. Selon la même étude, un patient sur cinq n’a pas compris les explications fournies par le médecin. Dans la plupart des cas, le médecin leur a communiqué le traitement, sans leur expliquer les choix possibles. »
Aux difficultés de communication qui se font jour dans les relations entre le médecin et son patient s’ajoute l’absence du traitement intégré et la pénurie de médecins spécialistes.
Luminiţa Vâlcea : « Pour les patients atteints d’une maladie chronique, il ne s’agit pas uniquement de la maladie principale; dans la plupart des cas, celle-ci entraîne d’autres troubles ou maladies qui doivent être traités. Cela complique beaucoup les choses, car le traitement d’une certaine maladie peut être contre-indiqué pour une autre maladie. Il n’existe pas de système qui considère le patient comme un tout et traite ses différentes maladies. Et les problèmes ne s’arrêtent pas là, il y a aussi celui du personnel de santé. Non seulement de nombreux médecins, mais aussi beaucoup d’infirmières ont quitté le pays. Pour certaines spécialités, le nombre de médecins a baissé de manière dramatique. »
Selon l’Institut national de la statistique, environ 15.700 médecins roumains ont choisi de pratiquer à l’étranger. La pénurie de médecins peut-elle expliquer l’état actuel du système de santé de Roumanie, tel que défini dans l’Index européen des consommateurs de soins de santé ? Nous avons posé cette question à Ştefan Voinea, membre de l’équipe qui travaille sur un projet mis en œuvre par une autre ONG: l’Observatoire roumain de la santé.
Ştefan Voinea : « Il y a un lien évident entre la déprofessionnalisation du système roumain de santé, le grand nombre de médecins qui quittent le pays et la situation où nous nous trouvons en ce moment. La fuite des cerveaux est un phénomène réel et le système de santé survit grâce aux médecins internes, qui doivent effectuer trop de gardes, et aux médecins restés au pays, qui sont de plus en plus fatigués. Ce sont ces facteurs, auxquels s’ajoutent les salaires très bas dans ce secteur et le manque d’une vision stratégique dans le domaine des ressources humaines, qui nous ont amenés dans cette situation. »
Les revenus très bas – notamment des médecins en début de carrière – n’expliquent que partiellement cet exode. Les médecins fuient aussi les conditions de travail dans des hôpitaux dotés d’équipements vieillis. Ils fuient aussi un système qui les empêche de progresser du point de vue professionnel.
Ştefan Voinea : « Les possibilités d’avancer sont très réduites, le système est fermé. Il y a une sorte de castes, il y a des centres de pouvoir devant lesquels les jeunes médecins se sentent impuissants et alors ils choisissent de partir. Il y a de nombreux exemples de personnes qui, ne disposant pas des relations nécessaires, n’ont pas réussi à obtenir un poste de médecin. Un directeur d’hôpital m’a même avoué que, bien qu’il dispose de postes de médecins vacants, il ne les publiera pas en vue de l’organisation d’un concours, car cela créerait des conflits entre des personnes travaillant dans l’administration locale, qui auraient chacune son candidat. »
Malgré ces difficultés, les patients se déclarent généralement satisfaits des soins dispensés dans les hôpitaux de Roumanie. Selon les questionnaires envoyés par le ministère de la Santé et remplis en ligne par plus de 120 mille patients, le taux général de satisfaction concernant les soins de santé dont les patients ont bénéficié durant leur hospitalisation a été de près de 80%. Il est possible que les attentes des patients roumains soient faibles et que la satisfaction d’avoir survécu ou guéri influe sur leur perception du système – estiment les experts de l’Observatoire roumain de la santé. Dans ces questionnaires on retrouve aussi des informations moins réjouissantes: 4 mille patients (soit près de 4% des patients ayant répondu au questionnaire) affirment que le personnel de santé leur avait demandé de l’argent ou des cadeaux en échange des soins.
Ştefan Voinea : « Là, il faut bien faire la distinction entre les paiements informels – que les médecins ne réclament pas et qui sont, malheureusement, de coutume dans le système roumain de santé – et le conditionnement de l’acte médical par une somme d’argent. La question qui figurait dans le questionnaire mentionné visait le conditionnement de l’acte médical. Or, dans ce cas, 4 mille patients, c’est beaucoup et c’est grave. »
Pour mieux connaître l’avis des bénéficiaires de soins médicaux, les experts recommandent au ministère de la Santé d’élargir le mécanisme actuel d’évaluation pour mesurer la satisfaction des patients après une consultation chez le médecin traitant. (Trad. : Dominique)