La population de la Roumanie en voie de vieillissement
Le vieillissement de la population est un phénomène qui va en s’accentuant, révèlent les études de spécialité. Elles mettent en garde contre le fait que le nombre croissant des personnes âgées pose des défis significatifs pour les systèmes de sécurité sociale, de pensions de retraite et de santé, aussi bien dans les pays en voie de développement que dans les pays industrialisés. Les jeunes, toujours moins nombreux, auront à soutenir financièrement de plus en plus de seniors. Selon Eurostat, dans les décennies à venir, plus d’un tiers de la population de l’Europe aura dépassé la soixantaine.
România Internațional, 03.12.2014, 14:26
Le vieillissement de la population est un phénomène qui va en s’accentuant, révèlent les études de spécialité. Elles mettent en garde contre le fait que le nombre croissant des personnes âgées pose des défis significatifs pour les systèmes de sécurité sociale, de pensions de retraite et de santé, aussi bien dans les pays en voie de développement que dans les pays industrialisés. Les jeunes, toujours moins nombreux, auront à soutenir financièrement de plus en plus de seniors. Selon Eurostat, dans les décennies à venir, plus d’un tiers de la population de l’Europe aura dépassé la soixantaine.
En Roumanie aussi, le rythme du vieillissement des habitants s’accentuera, sous l’effet de la baisse de la natalité et de la hausse de l’espérance de vie, apprend-on dans le rapport « La Roumanie vieillit — Défis et solutions », récemment lancé par la Fondation Friedrich Ebert România. Selon des données qui remontent à 2011, date du dernier recensement, les plus de 65 ans représentent 16,1% de la population roumaine et on estime que leur nombre s’accroîtra à l’horizon 2050. Par le biais du projet « La Roumanie vieillit » (réalisé par les journalistes Laurenţiu Diaconu Colintineanu et Ioana Moldovan), la Fondation Friedrich Ebert a tenté d’apprendre la réalité cachée derrière les chiffres et les données statistiques ou encore quelles sont les histoires de vie des seniors.
Ioana Păunescu, 101 ans, a été la première femme ingénieur électromécanique de Roumanie. Elle a survécu aux deux guerres mondiales et à 73 ans s’est mariée pour la deuxième fois pour chasser la solitude: « Comme nous étions veufs tous les deux, nous avons décidé de nous marier pour ne plus être seuls. Nous avons déjà 28 ans de mariage et le même âge: 101 ans. Jusqu’il y a peu, nous avons mené une existence normale. Ce n’est plus le cas depuis que je dois prendre soin de mon mari, atteint de la maladie d’Alzheimer. Puisqu’il ne parle plus, on a du mal à communiquer. C’est très dur. C’est vrai que j’ai aussi des aides, car je ne peux plus cuisiner. Mes mains et mes jambes sont devenues très faibles. J’ai du mal à garder mon équilibre; je n’arrive pas à marcher toute seule, sans appui ».
Une autre catégorie est celle des personnes âgées prises en charge par leurs proches. Laura Tudor a 52 ans. Sa vie a complètement changé depuis que sa mère, 89 ans, est grabataire. Celle – ci s’est cassé le col du fémur, après une chute. N’ayant pas les moyens d’embaucher une aide-soignante, Laura est obligée de concilier vie familiale et devoir filial: « Ce n’est pas facile du tout de gérer mon temps, m’occuper de ma mère, de mon travail et de ma famille en même temps. Heureusement que ma mère et moi nous habitons des appartements situés au même étage du même immeuble. J’ai pensé recourir à un service d’aide et de soins à domicile, mais, après un calcul rapide, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas me le permettre. Je me débrouille comme je peux. J’aide ma mère d’un point de vue physique, mais je sais qu’elle aurait besoin de quelqu’un qui lui fasse la conversation plus longtemps, parce que je n’ai ni la patience ni le temps de le faire. Cette situation me touche surtout sur le plan psychique, parce que je suis contrainte d’assister à une dégradation progressive, lente et irrémédiable… »
La Roumanie dénombre seulement 131 centres d’accueil pour personnes âgées. Petru Rotarciuc, 63 ans, est un des 7.152 pensionnaires de ces établissements. Situé à Leorda, commune du comté de Botoşani, dans le nord-ouest de la Roumanie, cet établissement abrite 70 personnes. Le personnel de spécialité est formé d’une infirmière et de deux aides-soignantes. Petru Rotarciuc est content de sa vie au centre: « Je suis resté sans emploi. Partout où j’allais chercher du travail, on me refusait tout poste en raison de mon âge. Complètement fauché et dans l’impossibilité de payer les charges communes, je me suis retrouvé dans la rue… J’ai vécu plus d’une année comme SDF, avant qu’un employé du Conseil local ne m’emmène au centre d’accueil. Je m’y sens bien. Ce n’est pas comme dans la rue. Ici on est à l’abri du mauvais temps. Quand j’aurai ma retraite, j’habiterai toujours au foyer et ce jusqu’à la fin de mes jours. Ma femme est morte. Mes trois enfants sont partis je ne sais où. J’ai essayé de les trouver, mais sans succès. Ils me manquent. Je n’ai pas besoin qu’ils m’aident. Je veux seulement les voir et leur parler… »
Le Rapport « La Roumanie vieillit » présente aussi des données optimistes : le taux de pauvreté affectant les personnes âgées (soit les plus de 65 ans) a baissé en Roumanie, de 65% en 2007 à 35% en 2013. Néanmoins, il continue d’être presque double par rapport à la moyenne de l’UE qui est de 18%. Autre élément positif : l’introduction, en 2009, de la retraite minimale garantie qui est de 356 lei, soit environ 80 euros. Le pays compte presqu’un demi-million de bénéficiaires, dont 123.000 sont des retraités de l’agriculture, qui étaient à la limite de la subsistance.
Malgré cela, nous avons encore des raisons de préoccupation, considère Victoria Stoiciu, coordinatrice de programmes à la Fondation Friedrich Ebert: « Le pays continue d’avoir une des retraites d’Etat les plus basses de l’Union européenne et un des taux de remplacement le plus faible (soit le rapport entre la retraite moyenne et le salaire moyen). Une autre raison d’inquiétude, c’est une polarisation très importante à l’intérieur des catégories de retraités. 81% de l’ensemble des retraités touchaient en 2009 des pensions inférieures à 1.000 lei par mois (227 euros). Un quart des retraités se sont vu attribuer des pensions inférieures au panier de consommation mensuel qui est de 444 lei (100 euros). 40% des retraités, donc deux millions de personnes, ont des retraites en dessous du seuil minimum de subsistance, calculé par l’INS en 2014 à 587 lei (133 euros). Une autre catégorie particulièrement vulnérable, ce sont les retraités agriculteurs : 98% d’entre eux ont des retraites en dessous du niveau minimum de subsistance. »
Le problème de l’absence des soins à domicile, le manque de places dans les centres de placement pour les personnes âgées, mais aussi celui du personnel spécialisé dans les centres d’Etat, les tarifs élevés pour les retraités malades qui souhaiteraient résider dans un tel centre, mais un centre privé, ne sont que quelques aspects qui caractérisent le niveau de vie des personnes âgées de Roumanie. (trad.: Ligia Mihaiescu, Mariana Tudose)