La famille dans la Roumanie actuelle
Une demande de clarifications a été formulée récemment, visant l’article 48 de la Constitution roumaine. Son premier paragraphe indique que « la famille se fonde sur le mariage librement consenti entre époux, sur leur égalité et sur le droit et le devoir des parents d’élever, d’éduquer et de former les enfants ». Une coalition de plusieurs ONGs, la Coalition pour la famille, souhaite voir modifier ce paragraphe par la précision que la famille se fonde sur l’union librement consentie entre un homme et une femme. En faveur de cette modification, la coalition a collecté trois millions de signatures, bien que la loi stipule que 500.000 seulement sont nécessaires pour une initiative de modification de la Constitution.
Christine Leșcu, 22.06.2016, 14:14
Une demande de clarifications a été formulée récemment, visant l’article 48 de la Constitution roumaine. Son premier paragraphe indique que « la famille se fonde sur le mariage librement consenti entre époux, sur leur égalité et sur le droit et le devoir des parents d’élever, d’éduquer et de former les enfants ». Une coalition de plusieurs ONGs, la Coalition pour la famille, souhaite voir modifier ce paragraphe par la précision que la famille se fonde sur l’union librement consentie entre un homme et une femme. En faveur de cette modification, la coalition a collecté trois millions de signatures, bien que la loi stipule que 500.000 seulement sont nécessaires pour une initiative de modification de la Constitution.
Nous avons demandé à Răzvan Vastea, représentant de la Coalition pour la famille, qu’est-ce qui a engendré cette initiative : « Au moment où la Constitution a été rédigée – dont l’article 48 -, tout le monde entendait par époux un homme et une femme. Les évolutions récentes à l’international – par exemple en France, où le mariage pour tous a été légalisé – nous ont déterminés à apporter des éclaircissements à l’article 48 pour préciser très clairement que les époux sont un homme et une femme, comme la Constitution a été conçue au moment de sa rédaction, et selon les précisions du Code civil. »
Comme on aurait pu s’attendre, cette initiative a suscité différentes interprétations et discussions au sein de l’opinion publique. La plupart portaient sur les intentions de la Coalition pour la famille de contrecarrer une éventuelle initiative de légalisation des mariages homosexuels. Cette interprétation a été favorisée aussi par le fait que certaines des associations membres de la coalition ont une spécificité religieuse, et l’initiative a été appuyée aussi par l’Eglise orthodoxe roumaine dont la position officielle est contraire aux « nouveaux modèles de famille ».
Officiellement, l’action de la Coalition pour la famille porte strictement sur la modification de l’article 48. Pourtant, selon Răzvan Vastea, cette initiative a une visée plus ample : « Elle a aussi un facteur de protection devant un mouvement que nous estimons contre nature et contraire au développement harmonieux d’une nation. Au moment de la rédaction de la Constitution, tout le monde comprenait le terme d’« époux » comme désignant un homme et une femme. Personne n’imaginait alors qu’une dizaine d’années plus tard, les « époux » peuvent être deux hommes ou deux femmes. Les implication sont très graves, selon nous, si l’on arrivait à modifier le terme de famille. Les implications concernent principalement la naissance et la manière d’élever les enfants. Les dangers liés à la légalisation de l’union entre couples homosexuels sont des aspects subsidiaires. Nous n’avons pas nécessairement pensé à cela comme à des objectifs à combattre. Ce sont des aspects implicites ou sous-entendus, si vous voulez. Notre initiative concerne premièrement la définition de la famille comme étant l’union entre un homme et une femme. C’est une action purement démocratique. Nous ne lésons pas des droits présumés des personnes homosexuelles qui souhaitent fonder des familles parce qu’en fait, la législation roumaine ne prévoit pas de tels droits. »
Dans de telles conditions et tenant compte du fait qu’aucun couple gay de Roumanie n’a demandé aux autorités de leur officier un mariage civil, l’action de la « Coalition pour la famille » peut sembler inutile. C’est ce qu’affirme l’activiste féministe Oana Baluta – lecteur universitaire à la Faculté de Journalisme et des sciences de la communication qui ajoute aussi que : « Il s’agit d’une mobilisation réalisée à titre préventif, qui à mon sens n’est pas nécessaire, vu que déjà en Roumanie le mariage entre des personnes du même sexe n’est pas permise puisqu’explicitement interdite par le Code civil. Celui-ci affirme que le mariage est l’union librement consentie entre un homme et une femme. Ce qui plus est, le Code civil interdit tout autre type de cohabitation similaire à celui stipulé par le partenariat civil. Le Code civil ne reconnait pas non plus les mariages entre les personnes du même sexe conclues au-delà des frontières de la Roumanie. Par conséquent, « La coalition pour la famille », demande de légiférer une chose qui n’est pas déjà légiférée. De mon point de vue, l’action n’est pas nécessaire et elle ne fait que nourrir la haine contre un groupe minoritaire, à savoir la communauté LGBT. »
Et pourtant, les déclarations officielles de la Coalition pour la famille militent plutôt pour le maintien d’un certain type de famille et surtout pour une certaine éducation parentale selon laquelle les enfants ne peuvent pas grandir en harmonie qu’aux côtés d’une mère et d’un père dévoués et inséparables. Selon les membres de la coalition, les valeurs de la famille traditionnelle constitueraient le noyau d’un bon parcours de la société : « La famille formée par l’union dans le cadre d’un mariage d’un homme et d’une femme a été et restera le milieu le mieux adapté pour la naissance, l’éducation et le développement des enfants ».
Pourtant, les conditions socio-économiques de la Roumanie actuelle ont produits des choix personnels contraires à ce modèle, affirme Oana Baluta : « En analysant la structure des familles de Roumanie, nous observons que certaines sont formées d’une femme et d’un enfant, d’autres d’un homme et d’un enfant. Il y a des familles monoparentales, des familles formées de grands-parents et de petits-enfants parce que les parents sont partis travailler à l’étranger. Conformément au recensement de 2011, plus de 800 mille personnes de tous âges ont déclaré qu’elles vivaient ensemble sans être mariées, pour différentes raisons. Il y a déjà des hommes et des femmes qui vivent en concubinage, donc qui n’ont pas fait de mariage civil et religieux. Donc cette initiative porte atteinte aussi aux droits d’autres types de relations que nous sommes tout à fait en droit d’appeler familles. Il existe de l’amour, de la responsabilité, du respect même dans les familles mono parentales. La question, c’est de savoir dans quel type de société nous souhaitons vivre – dans une réalité imaginée et restrictive ou dans une réalité concrète ? »
Si l’initiative visant à modifier l’article 48 de la loi fondamentale est jugée conforme à l’esprit constitutionnel, le Parlement pourrait décider d’organiser un référendum afin que tous les Roumains puissent exprimer leur vision de la famille contemporaine. En définitive, qu’est-ce que la notion de « famille » veut toujours dire de nos jours. Un débat approfondi sur cette question épineuse tarde en Roumanie…