La consommation de la drogue en Roumanie
Les autorités roumaines se sont engagées dans la lutte contre la consommation de la drogue
Roxana Vasile, 25.10.2023, 12:06
Le président roumain, Klaus Iohannis, a convoqué le 12 octobre le Conseil Suprême
de Défense du Pays. A l’ordre du jour était abordé le problème de consommation
de drogue par les jeunes et les élèves, traité pour la première fois comme un
risque majeur pour la sécurité individuelle et nationale. Qu’a décidé le Conseil
? La constitution d’un groupe de travail inter-institutionnel, formé de
secrétaires d’Etat, de membres du SRI, les renseignements intérieurs roumains,
de procureurs et de spécialistes. Ce groupe sera chargé de prévenir et de
combattre les risques générés par le trafic et la consommation de substances
interdites par l’élaboration d’un plan d’action avec des objectifs, des mesures
et des responsabilités. Il y a à peu près un mois, lors de la rentrée scolaire,
Klaus Iohannis déclarait :
C’est un problème qui préoccupe de plus en plus
notre société et je suis heureux de voir qu’il existe une envie croissante
d’essayer de trouver des solutions afin de combattre ce fléau. En même temps,
je veux souligner l’importance des comportements préventifs et responsables. Il
est crucial que les jeunes générations comprennent dès leur plus jeune âge les
dangers et les conséquences dramatiques de la consommation de drogues, d’alcool
et de tabac.
Si du haut de ses 19 ans, Vlad Pascu avait compris à temps que les drogues
pouvaient détruire sa vie, peut-être que la tragédie qu’il a provoquée cet été
sur le littoral n’aurait pas eu lieu ! Deux étudiants ont été tués et trois
autres blessés dans cet accident où il conduisait sous l’emprise de plusieurs
substances interdites. Cet évènement a généré une grande émotion dans tout le
pays. Il ne s’agit pourtant que d’un exemple parmi les nombreux autres montrant
l’ampleur de la consommation de drogue qui inondent la société roumaine ces
derniers temps.
Face à cette prise de conscience, l’élaboration d’une loi visant à
réglementer les tests anti-drogue dans les écoles est en discussion. On parle
aussi d’une modification du Code de la route ou de la mise en place d’un
registre regroupant les personnes ayant commis des infractions en lien avec la
drogue. En sus de l’alourdissement des peines de prison pour les cas d’incitations
à la consommation, le ministère de l’intérieur propose que soient confisqués
les véhicules dans lesquels de la drogue a été trouvée ou qui servent au trafic.
Le nombre de postes de procureur anti-drogue de la DIICOT, la Direction des
investigations des infractions liées au crime organisé et au trafic de drogue,
a été augmenté. De plus, un projet de loi déposé devant la Chambre des Députés propose que les peines pour trafic de drogue soient toujours fermes et
exécutées. Pourquoi ? C’est ce que nous explique Alina Gorghiu, la ministre de
la Justice.
Jusqu’à aujourd’hui, la loi prévoyait des peines
allant de l’amende, à de la prison ferme ou du sursis. Mais, sans nous voiler
la face, sans cacher la poussière sous le tapis, nous devons comprendre une
chose : que ce changement est absolument nécessaire, dans le contexte de
l’augmentation du nombre de cas d’infractions liées au trafic de drogue en
2023. Pour vous donner un exemple, cette année, jusqu’à la fin du mois de
septembre, ont été enregistrés 22 000 cas liés au trafic de drogue contre 18
000 l’an passé. Il est difficile de savoir combien concernent des consommateurs
et combien concernent des trafiquants, parce qu’il s’agit d’un thématique
complexe. Mais je pense qu’il est très important de comprendre que le trafic de
drogue conditionne la consommation. Plus il y a de trafic, plus grande est la consommation.
C’est pourquoi si on veut moins de consommation, il va falloir trouver des
leviers pour diminuer le trafic de drogues, qu’elles soient douces ou dures.
Que dit la proposition de loi ? Que les trafiquants de drogues dures doivent
être condamnés de manière inflexible, qu’il ne pourra plus être question de
suspension de l’exécution des peines. S’ils sont condamnés pour trafic de
drogues dures, ils iront en prison.
Vlad Zaha, expert en criminologie, croit pourtant que l’effort des
représentants de l’Etat se concentre surtout sur la traque et la punition de
millions de consommateurs. Cette proposition de renforcer le cadre législatif
va-t-il s’attaquer au cœur du problème? Pour Vlad Zaha, la réponse est
négative.
Moi je ne crois pas que la Roumanie ait besoin de
plus de procureurs ou de lois plus dures, parce que nous avons déjà une loi
parmi les plus dures de l’Union européenne. Cependant nous avons un très gros
problème lié à l’efficacité des ressources que nous avons déjà. 80% du travail
des policiers et des procureurs vise les consommateurs de drogues, non les
trafiquants. C’est ça notre problème ! C’est bien que les choses bougent quand la
pression publique augmente. On a vu ces dernières semaines des serres de
cannabis qui ont été découvertes, des quantités plus importantes saisies, mais
ça c’est juste à cause de la pression publique, parce qu’au cours des deux
dernières années la pression publique était moins forte et rien n’a été
découvert, il faut comprendre ce que cela signifie. On estime que le marché des
drogues en Roumanie représente plus de 250 millions d’euros par an.
Les autorités savent que le problème des drogues ne va
pas disparaître en deux mois, ni même en dix ans. Comme il s’agit d’une lutte
longue et ardue, elles doivent la maintenir au sommet de l’agenda public. Selon
les statistiques officielles, sur la population totale, 1 roumain sur 10 a
consommé de la drogue au moins une fois dans sa vie alors que chez les jeunes
on passe à 2 sur 10. Par ailleurs, l’âge des premières consommations a chuté
entre 10 et 14 ans.