Identité et culture nationale un siècle après la Grande Union
Réalisée, tout comme les années précédentes, par l’Institut national pour la recherche et la formation culturelle (INCFC), cette étude offre peut-être des surprises à ceux qui s’attendaient à un meilleur niveau de connaissances sur la signification du centenaire – estime Carmen Croitoru, manager de l’Institut : « Les résultats du sondage sur la perception des deux événements par la population ne sont pas ceux escomptés. Le fait que le centenaire semblait un sujet étranger pour la plupart des Roumains n’est pas surprenant, il indique seulement un horizon d’attente inadéquat. Pour nous, les chiffres ne sont qu’un effet, c’est pourquoi nous ne porterons jamais de jugement sur les Roumains qui ne lisent pas, qui ne connaissent pas les fêtes du pays ou qui n’arrivent pas à se repérer dans le domaine culturel. Pour nous, il est clair que l’absence d’une stratégie dans ce domaine ne pourra pas avoir de conséquences positives. »
Christine Leșcu, 30.05.2018, 13:52
Réalisée, tout comme les années précédentes, par l’Institut national pour la recherche et la formation culturelle (INCFC), cette étude offre peut-être des surprises à ceux qui s’attendaient à un meilleur niveau de connaissances sur la signification du centenaire – estime Carmen Croitoru, manager de l’Institut : « Les résultats du sondage sur la perception des deux événements par la population ne sont pas ceux escomptés. Le fait que le centenaire semblait un sujet étranger pour la plupart des Roumains n’est pas surprenant, il indique seulement un horizon d’attente inadéquat. Pour nous, les chiffres ne sont qu’un effet, c’est pourquoi nous ne porterons jamais de jugement sur les Roumains qui ne lisent pas, qui ne connaissent pas les fêtes du pays ou qui n’arrivent pas à se repérer dans le domaine culturel. Pour nous, il est clair que l’absence d’une stratégie dans ce domaine ne pourra pas avoir de conséquences positives. »
Lors du sondage pour le baromètre culturel de cette année, les chercheurs ont enregistré les réponses spontanées des gens à la question : « Quelle est la première chose à laquelle vous pensez quand vous entendez l’expression « le centenaire de la Grande Union » ? 47% des personnes interrogées ont répondu : « Je ne sais pas. », 8% ont choisi de ne pas répondre et 45% ont exprimé différents avis, dont la plupart concernaient l’union, le 1er décembre 1918, de la Transylvanie avec le royaume de Roumanie. « Dans la conscience publique, il n’y a donc pas de signification claire de cet événement » – estiment les auteurs de l’étude. Dans ces conditions, comment ce centenaire, en tant que symbole, se reflète-t-il dans la manière dont les gens construisent leur identité locale ou nationale ?
Anda Becuţ Marinescu, directrice de recherche au sein de l’Institut national pour la recherche et la formation culturelle : « Dans ce contexte, le Centenaire est pertinent dans la mesure où sa célébration est liée à des événements importants pour une communauté ou une autre. Par exemple : il y a, à travers le pays, de nombreux monuments érigés à la mémoire des héros tombés, pendant la guerre. Si, à l’occasion du Centenaire, on organise des événements liés à ce type de monument, il y a plus de chances que la communauté locale réagisse. »
La valorisation des communautés locales est d’ailleurs une autre surprise du Baromètre de consommation culturelle 2018 : 65% des Roumains définissent leur identité avant tout par leur appartenance à la commune ou à la ville où ils habitent. La référence au pays où ils vivent, en tant que repère identitaire, arrive en 3e position. De l’avis de l’anthropologue Vintilă Mihăilescu, ce résultat est réjouissant : « Ce qui a été intéressant, cette fois, c’était la façon dont les gens définissaient leur identité. A une question du genre : Qu’est-ce que vous êtes, avant tout : roumain, transylvanien ou habitant du village X ?, la plupart des personnes interrogées ont répondu : Je suis quelqu’un des parages. Pour définir leur identité, 6% à 7% des gens font même référence à leur appartenance européenne – ce qui est nouveau par rapport aux études antérieures. Pourtant, à mes yeux, cette renaissance, cette valorisation du caractère local et des spécificités locales est très importante et réjouissante. »
Dans ces conditions, on peut s’attendre à ce que le patrimoine matériel local soit une priorité pour les Roumains. Et c’est effectivement le cas: 82% des personnes interrogées considèrent le patrimoine culturel comme très important pour eux et 78% pensent qu’il est important pour la communauté locale. Pourtant, 31% seulement des personnes interrogées ont déclaré avoir visité au moins une fois par an un site du patrimoine culturel. Qui sont, en fait, les visiteurs des sites du patrimoine immobilier ? Selon le Baromètre culturel, le visiteur moyen est féminin, âgé de 50 à 64 ans, avec une éducation moyenne et un revenu supérieur à la moyenne.Les contradictions les plus évidentes concernent la perception que les gens ont du patrimoine immatériel, c’est-à-dire des traditions. 90% des personnes interrogées estiment que les traditions et les coutumes occupent une place importante dans la société roumaine, 82% pensent que les respecter aident à construire un meilleur avenir pour la communauté, contre 50% qui considèrent qu’elles entravent le développement de la société.
Il y a là une tension entre l’ancien et le nouveau, entre le besoin de conservation et celui de modernisation – estime Anda Becuţ-Marinescu. Vintilă Mihăilescu ajoute, lui, que : « Telle est la réalité. Nous avons un culte bien mérité des traditions, sur lequel prime le culte de la modernité. Ce qui est tout à fait naturel. Si vous vous rendez dans une commune et que vous tentiez de faire revivre les traditions locales, ne vous attendez pas à ce que tout le monde se montre enthousiaste. Eventuellement, les gens seront polis, mais ils ne feront rien. Le culte de la modernisation ne va pas de pair avec celui des traditions. A l’avenir, avec le temps, ils finiront peut-être par converger. » Les politiques culturelles, ainsi que les stratégies de communication publiques doivent tenir compte de ce « portrait » des Roumains, un siècle après la Grande Union. ( Trad. : Dominique)