Enfants confrontés au risque de séparation
Le
gouvernement roumain vient d’approuver un projet de loi censé réglementer les
efforts visant à empêcher la séparation des enfants de leurs familles. Le texte
vise surtout les communautés vulnérables, qui ont constamment besoin d’appui. C’est
la précarité économique qui oblige de nombreux parents à quitter le pays pour
un emploi mieux payé ailleurs et les implications émotionnelles de ce choix
sont dramatiques pour les enfants restés en Roumanie.
Luiza Moldovan, 08.02.2023, 00:30
Le
gouvernement roumain vient d’approuver un projet de loi censé réglementer les
efforts visant à empêcher la séparation des enfants de leurs familles. Le texte
vise surtout les communautés vulnérables, qui ont constamment besoin d’appui. C’est
la précarité économique qui oblige de nombreux parents à quitter le pays pour
un emploi mieux payé ailleurs et les implications émotionnelles de ce choix
sont dramatiques pour les enfants restés en Roumanie.
Dépourvus de
l’affection physique des parents, certains enfants développent des
comportements négatifs : décrochage scolaire, conflits en famille, contestation
de toute autorité. Tant l’école que les autres membres de la famille s’avèrent
incapables de gérer cette situation compliquée. Une fois rentrés en Roumanie,
les parents retrouvent des enfants entièrement différents par rapport au moment
de leur départ.
Et c’est ici
qu’intervient, ou du moins se propose d’intervenir, la loi. Selon le porte-parole
du gouvernement de Bucarest, Dan Carbunaru, le projet de loi permettra
l’implémentation de mesures de prévention de la séparation par des aides
d’urgence aux familles. Le projet de loi prévoit la création d’un Observatoire
national de l’enfant – un module informatique qui sera inclu au Système
national informatique. Autrement dit, les autorités publiques locales
disposeront de chiffres corrects quant à la situation de chaque famille avec
des enfants en risque de séparation. Le projet prévoit aussi des mesures visant
à réhabiliter les enfants en situation de handicap, des services d’intervention
psychologique et de psychothérapie pour ces petits.
Tout cela
parce que le développement psychologique et émotionnel des jeunes ne constitue
pas un détail insignifiant. Les traumas soufferts durant l’enfance risquent de
les accompagner toute la vie, en l’absence d’une intervention décisive et
proportionnée.
Les
psychologues, eux, évoquent aussi une différence entre la peur de séparation et
l’anxiété de séparation. Elena Maria Dumitrescu est psychothérapeute,
spécialiste des problèmes cognitifs et comportementaux. Elle nous explique ce
que sont la peur et anxiété produites par la séparation :
« A
mon sens, il est important de marquer la différence entre la peur de séparation
et l’anxiété de séparation. Dès notre naissance, nous avons besoin de sécurité
et c’est pourquoi le bébé et ensuite le jeune enfant manifestent cette peur de se
séparer de la personne à laquelle il s’était attaché. C’est un processus tout à
fait normal, que nous éprouvons tous dès notre très jeune âge. C’est important
de voir comment nous parcourons cette étape et cela est lié à la manière dont
les personnes présentes dans notre vie réussissent à satisfaire tant nos
besoins émotionnels que ceux matériels ».
Par
conséquent, la peur de l’abandon est la plus grande crainte du bébé et la
manière dont le parent exprime son affection est vitale pour son développement
équilibré sur le long terme.
Nous comprenons
donc combien vulnérable est l’enfant qui se retrouve dans de telles
communautés, lorsque les parents ont le choix entre fournir de l’appui matériel
aux enfants et ne pas être présents physiquement dans leurs vies et offrir de
l’amour dans un cadre familial marqué par la pauvreté et les privations en tout
genre. La conséquence en est une cavalcade émotionnelle difficile à gérer. La
psychothérapeute Elena Maria Dumitrescu explique comment peut dégénérer le
comportement de l’enfant qui ne reçoit pas de signes directs d’affection de la
part des parents :
« Certains
événements peuvent être perçus par l’enfant comme des signes d’insécurité qui
facilitent le passage de la crainte de séparation à l’anxiété de séparation,
générant ainsi l’impression d’une capacité très réduite de contrôler la
réalité. Les enfants limitent leurs capacités d’explorer l’environnement, de
développer de nouvelles habilités, de faire face à certains nouveaux défis ou de
demander de l’aide. En cas de séparation de sa famille, un enfant sentira non
seulement la distance physique, mais aussi une distance émotionnelle des
personnes qu’il aime. La conséquence : un taux d’acceptation très bas de
l’incertitude et la manifestation d’un état d’anxiété. »
Reste à voir
quels seront les résultats des programmes que le gouvernement roumain souhaite
mettre en place dans les communautés vulnérables. Actuellement, rien qu’à
Tulcea, dans l’est de la Roumanie, quelque 300 enfants en risque de séparation
ont été aidés par le biais d’un projet européen de la fondation Sera Roumanie.
Il s’agit d’un nombre d’enfants bien supérieur à celui estimé initialement, qui
ne fait que démontrer combien nécessaire est la mise en œuvre de tels
programmes. (Trad. Alex Diaconescu)