Emplois et jeunesse
Ils sont plus de 4,8 millions de jeunes entre 15 et 34 ans à vivre actuellement en Roumanie, selon une enquête menée par l’Institut national de la statistique au deuxième trimestre de l’année dernière. Sur ce total, plus de 50% gagnaient leur vie, en travaillant au moins une heure par semaine, tandis que 74,6% étaient salariés dont la plupart en CDI. L’étude relève que 28% des jeunes qui travaillent le font dans le domaine des services, 28% dans celui de l’Industrie et du Bâtiment et 21% dans l’Agriculture. Pour cette dernière catégorie, la situation est loin d’être heureuse.
Christine Leșcu, 13.12.2017, 13:22
Aux dires de Vladimir Alexandrescu, porte parole de l’Institut national de la statistique: « Etre actif dans un domaine tel l’agriculture implique un travail mené généralement sur des exploitations agricoles sous-développées. Malgré la modernisation intervenue ces dernières décennies, la vie rurale continue à s’organiser autour de la famille et les travaux agricoles sont censés avant tout satisfaire aux besoins familiaux. A en croire les statistiques, tous ceux qui font de l’agriculture, ne serait-ce que de temps en temps, sont considérés comme des personnes qui travaillent. Mais, à regarder de plus près, on finit par se rendre compte que leur occupation a un impact social et économique en dessous de celui qu’ils auraient provoqué en travaillant dans des entreprises agricoles modernisées à l’instar des fermes occidentales ou nord-américaines. »
En même temps, plus de 2,3 millions de jeunes roumains restent inactifs. Sur leur total, quelque 270.000 sont au chômage, le reste se trouvant dans différentes étapes de scolarité. Tous ces chiffres mis à part, il reste encore presque un million de jeunes NEET, soit 19,9% des sujets questionnés et 28% du total des jeunes roumains qui ne sont ni à l’emploi, ni en études, ni en formation.
C’est une véritable tragédie! s’alarme Mihai Dragos, à la tête du Conseil pour la jeunesse de Roumanie: « Des études indiquent qu’il suffit de quatre mois d’inactivité pour qu’un jeune commence à voir son futur parcours professionnel se dégrader. Par la suite, il risquera davantage à décrocher des emplois moins stables, à prolonger ses périodes d’inactivité, à avancer trop lentement dans sa carrière, en acceptant de petits salaires. »
Si le décrochage scolaire frappe généralement les personnes issues des milieux défavorisés, il reste quand même un pourcentage important de jeunes – 53% – qui choisissent de mettre un terme à leurs études à la fin de la scolarité obligatoire. Deux jeunes roumains sur cinq se contentent d’un diplôme de baccalauréat et n’envisagent pas de faire des études universitaires, bien que celles-ci leur permettent de trouver plus facilement du travail.
Parmi les méthodes à succès pour réussir à trouver rapidement un emploi, notons la prise de contact direct avec l’employeur (49% des jeunes ont obtenu leur poste après avoir envoyé leur CV directement dans la boîte aux lettres de l’entreprise visée) ou encore l’intervention de la famille, des parents ou des amis (28%). Se voir recommander par un proche, c’est tout à fait naturel, affirme Vladimir Alexandrescu.
Et Mihai Dragos d’ajouter: « A parler des modalités de recrutement pratiquées par les employeurs, il est important de préciser que 30% des candidats finissent par se faire embaucher suite à l’intervention d’un proche – soit-il ami ou membre de la famille. Ce n’est pas une méthode à la roumaine. Cette technique fonctionne à l’étranger aussi. Car il s’avère toujours utile de créer son propre réseau de professionnels dans différents domaines, surtout que parmi eux il y a toujours de potentiels employeurs. »
Dès qu’ils ont un emploi rémunéré, les jeunes roumains ne sont plus intéressés à faire des déplacements professionnels pour améliorer leur situation financière. Sur leur ensemble, il n’y a que 3,8% prêts à changer de domicile pour des raisons de travail, dont la plupart entre 25 et 29 ans. Quant aux jeunes sans emploi, seulement 20% d’entre eux se disent disposés à changer de ville pour trouver un emploi.
Vladimir Alexandrescu: « La mobilité professionnelle peut revêtir deux formes: d’une part, elle concerne les salariés qui se voient proposer un poste dans une autre région, et de l’autre, elle vise tous ceux en quête d’un emploi ailleurs que dans la localité qu’ils habitent. Le fait que nombre de jeunes roumains sont prêts à voyager jusqu’au bout du monde à la recherche d’un travail contredit les statistiques les accusant de sédentarisme. Il suffit d’être actif et avec une formation solide pour qu’un jeune se dise prêt à se déplacer à des fins professionnelles. S’il trouve un emploi à un millier de kilomètres plus loin, hé bien, il fera le déplacement. »
Comment les jeunes perçoivent-ils le sédentarisme invoqué par les statistiques? Mihai Dragos est jeune et du coup, il essaie de fournir une explication: « Nous, les jeunes, on est plutôt réticents quand il faut changer de ville à la recherche d’un lieu de travail. La raison? Hé bien, les mauvaises politiques de logement de l’Etat. Franchement, qu’est-ce que les autorités roumaines font pour nous aider à louer un appartement une fois installés ailleurs? La plupart d’entre nous, on touche de petits salaires et du coup, on ne peut pas débourser 150 à 200 euros par mois pour un loyer si nos fiches de paie ne se montent qu’à 350 euros. Effectivement, il ne sert à rien de se déplacer si le salaire n’est pas consistant. »
C’est la raison pour laquelle les représentants des organisations pour la jeunesse plaident en faveur d’une amélioration des politiques publiques à l’intention des jeunes. Ils revendiquent notamment une mise en correspondance du système d’éducation et du marché de l’emploi, des mesures censées encourager la mobilité et des stages de formation dans des entreprises publiques et privées. (Trad. Ioana Stancescu)