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Egalité des genres en Roumanie – ce rose inférieur au bleu…

En 2014, un cas particulièrement grave focalisait l’attention des médias et de l’opinion publique: une élève de 18 ans de la localité de Văleni, dans l’est du pays, avait été violée par 7 jeunes. Après l’arrestation des agresseurs décidée par les magistrats, les réactions n’ont pas tardé. Paradoxalement, de nombreuses voix se sont élevées pour défendre les coupables, affirmant que la victime « avait détruit 7 familles » et qu’elle aurait « incité les jeunes au viol ».

Egalité des genres en Roumanie – ce rose inférieur au bleu…
Egalité des genres en Roumanie – ce rose inférieur au bleu…

, 09.08.2017, 14:41

En 2014, un cas particulièrement grave focalisait l’attention des médias et de l’opinion publique: une élève de 18 ans de la localité de Văleni, dans l’est du pays, avait été violée par 7 jeunes. Après l’arrestation des agresseurs décidée par les magistrats, les réactions n’ont pas tardé. Paradoxalement, de nombreuses voix se sont élevées pour défendre les coupables, affirmant que la victime « avait détruit 7 familles » et qu’elle aurait « incité les jeunes au viol ».



Des attitudes sexistes et des discriminations de ce genre sont à rencontrer partout, même là où l’on s’attendrait le moins. Un député polonais déclarait au Parlement européen que « les femmes devraient être moins bien payées que les hommes, car elles sont plus faibles, plus petites et moins intelligentes. » Un neurochirurgien et homme politique roumain très connu a manifesté une attitude similaire, affirmant que les femmes n’étaient pas faites pour la chirurgie.



Puisqu’au mois de mars les femmes jouissent de plus d’attention, en Roumanie les différentes chaînes de magasins ont préparé des surprises. Par exemple, les devantures des boulangeries Paul offraient aux clients les spécialités : « Croque-servante » et « Croque-monsieur ».



Voici l’avis d’un sociologue, Andreea Bragă, du centre FILIA — une ONG qui lutte contre les inégalités de genre, militant pour les droits des femmes et déroulant une activité de recherche dans ce domaine : « Je pense que toutes ces choses-là sont possibles parce que nous n’avons pas une éducation respectueuse de l’égalité des genres, une éducation fondée sur le respect entre hommes et femmes, qui mette en évidence la contribution des femmes dans la société et nous apprenne combien la discrimination peut être nocive.



A part ces messages discriminatoires lancés par des formateurs d’opinion, on se heurte également à des attitudes conservatrices, qui contestent les droits des femmes. C’est le cas de la récente marche contre l’IVG, déroulée dans de nombreuses villes roumaines, occasion de blâmer publiquement les femmes pour leur droit de prendre des décisions concernant leur propre corps. De telles attitudes prouvent que l’histoire récente de la Roumanie ne nous a rien appris. Rappelons que l’interruption volontaire de grossesse a été interdite pendant la période communiste et que plus de 10 mille femmes sont mortes à cause des IVGs clandestines — selon les statistiques officielles, leur nombre réel ayant été beaucoup plus grand.



Il est évident qu’en ce moment les droits des femmes sont minés par ces valeurs conservatrices et qu’en même temps nous n’avons pas une alternative au niveau de l’éducation. Nous avons des lois, nous avons une Constitution qui affirme que nous sommes égaux, pourtant, en réalité, il y a encore beaucoup d’inégalités — et les données statistiques sont là pour le prouver. »



Selon les statistiques, en Roumanie, une femme sur quatre a subi une agression physique ou sexuelle de la part de son conjoint ou compagnon au moins une fois dans sa vie. Et selon les récents rapports élaborés par le ministère Public en 2013, 2014 et 2015, le nombre des victimes ne cesse d’augmenter d’une année à l’autre. Sur le marché roumain de l’emploi, les femmes sont moins bien payées et moins promues que les hommes. La Roumanie enregistre le 3e taux d’occupation de la main d’œuvre féminine le plus bas de l’UE — selon les données publiées par la Banque Mondiale.



De l’avis d’Andreea Bragă, c’est l’éducation qui devrait offrir une alternative aux mentalités et aux attitudes sexistes. Pourtant, l’analyse des illustrations — plus de 1600 — présentes dans les manuels scolaires ne semble pas favoriser l’égalité de genre, même s’il s’agit de manuels récents — estiment les sociologues.



Cosima Rughiniş, qui a lancé cette ample recherche, et les sociologues de son équipe ont pris en compte deux aspects: la façon dont le genre y est représenté et la présence de la technologie dans les illustrations. Conclusion: les filles sont belles, sages, habillées de rose, tenant un miroir ou une poupée. Quand elles grandissent, un enfant prend la place de la poupée et une casserole remplace le miroir.



En échange, on permet aux garçons d’être rebelles, de manier une épée, de conquérir l’espace ou de découvrir des formules chimiques. Cosima Rughiniş : « Le problème, c’est que la réalité est tout autre: il y a autour de nous des femmes électriciens, ingénieurs, chauffeurs de taxi. Les manuels ne reflètent pas la réalité, ils la rétrécissent. Les livres de classe n’aident pas les enfants à voir le monde tel qu’il est, un monde où leurs mères ont une occupation, une profession, au contraire, ils leur forment une perception erronée, leur proposant une grille d’interprétation qui ne correspond pas au monde dans lequel nous vivons.



Les manuels devraient aider les jeunes à enrichir la perception du monde où ils vivent, encourager les filles à avoir des aspirations. Or, ces livres non seulement n’aident pas les enfants de ce point de vue-là, ils ne les aident même pas à observer le monde réel qui les entoure. Et si ces constatations ne nous ont pas étonnés quand il s’est agi des manuels plus anciens, il faut dire que les livres de classe récents, notamment ceux publiés ces dernières années, ont trompé nos attentes. »



Le contenu des manuels vient soutenir les images. Et pour réaliser un changement au niveau du contenu, si on se limitait aux manuels de littérature, leurs auteurs devraient commencer par découvrir qu’il y a des femmes écrivains et même des écrivaines contemporaines. Cosima Rughiniş explique : « Quand il s’agit des manuels, les sources de l’inégalité des genres sont multiples. Il y a, d’une part, le sexisme générique et général dans la culture, qui n’est pas problématisé en Roumanie. D’autre part, si l’on procède à une analyse à la structure des livres scolaires, on constate qu’ils comportent beaucoup de textes littéraires du 19e siècle. Ce dont des textes écrits d’habitude par des hommes et redevables aux points de vue — toujours du 19e siècle — de leurs auteurs. Le passé devient ainsi une source pour la réalité de nos enfants. Une solution possible serait l’intégration aux manuels scolaires de textes écrits par des femmes, dont certaines soient des écrivaines contemporaines.



A part les représentations sexistes, ces livres offrent aussi nombre de représentations patriarcales, propres à la Roumanie d’il y a un siècle et demi. Prenons, par exemple, les manuels d’éducation civique. La leçon sur le leader laisse voir clairement la différence entre les genres. Tous les manuels — à deux ou trois exceptions près — présentent des garçons leaders, comme on s’y attendait. »



Les mentalités du 19e siècle qui se dégagent de la plupart des manuels scolaires correspondent-elles à la législation actuelle? Andreea Bragă : « Nous disposons d’une loi et d’une stratégie dans le domaine de l’égalité des chances entre hommes et femmes, mais tant qu’il n’y a pas une volonté politique et des gens qui considèrent l’égalité de genre comme une priorité, on ne remédiera pas grand-chose. Et en parlant de priorité, je pense également à certaines formes de violence auxquelles les femmes sont confrontées, dans l’espace aussi bien public que privé. Nous sommes tous conscients de ces problèmes, ils demeurent pourtant toujours en dehors du discours public.



Ainsi, on voit rarement des débats sur les possibilités de financer des centres d’hébergement pour femmes victimes de la violence familiale, alors que plus de 13 comtés ne disposent pas d’un seul centre de ce genre. Ou bien nous avons des propositions législatives qui encouragent la discrimination ou le harcèlement au lieu de travail, selon lesquelles qu’au premier délit, l’agresseur ne se voit infliger qu’un avertissement.



Il est évident que pour déterminer un changement profond au niveau de la société, on a besoin avant tout d’éducation. Une éducation qui commence le plus tôt possible. Et on a également besoin d’une information et d’une sensibilisation au sein de la classe politique. » (trad.: Dominique)

(sursa foto pixabay@Vertax)
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