Éducation versus enseignement
A regarder de près l’actuel système d’enseignement public, force est de constater que les professeurs sont souvent épuisés, les parents, stressés, et les élèves, eux, s’éloignent de plus en plus de l’école. La simple transmission de l’information ne satisfait pas les demandes de la jeune génération et l’éducation de type formel semble creuser l’écart entre les écoles et leurs élèves.
România Internațional, 18.09.2019, 13:10
A regarder de près l’actuel système d’enseignement public, force est de constater que les professeurs sont souvent épuisés, les parents, stressés, et les élèves, eux, s’éloignent de plus en plus de l’école. La simple transmission de l’information ne satisfait pas les demandes de la jeune génération et l’éducation de type formel semble creuser l’écart entre les écoles et leurs élèves.
La librairie Humanitas Cișmigiu de Bucarest a récemment accueilli un débat sur les options disponibles aujourd’hui en Roumanie en matière d’éducation. Lila Vasilescu, la directrice de la Fondation « Verita », sur les différences de plus en plus marquées entres les éducations formelle et non-formelle : « J’ai essayé de comprendre d’où vient cet écart entre les deux systèmes et pourquoi, si l’on essaie d’appliquer le modèle formel, celui qui nous a formé nous, des problèmes apparaissent. La résistance est importante du côté des enfants, mais aussi des enseignants. Je reconnais que lorsque nous avons commencé à travailler dans les écoles, notre attention portait sur les enfants. Les activités à faire avec eux, quelle matière et quels concepts leurs enseigner. Mais, très rapidement, nous nous sommes rendu compte que, pour atteindre les enfants, il fallait tout d’abord s’occuper des adultes qui les entouraient. »
Aujourd’hui, non seulement, les élèves se confrontent à une surcharge de travail à cause de la densité des programmes scolaires, mais ils sont aussi, et surtout, bloqués dans un système qui ne leur permet pas de connaître leurs propres capacités intellectuelles. C’est ce que ressentent, de concert, les enseignants et les parents. Lila Vasilescu détaille : « Il faut commencer par eux, enseignants et parents, en les invitant à simplifier les choses, à retourner à la simplicité. Il faut avoir comme point de départ les besoins essentiels, la science, le bon sens. Je me suis moi aussi sentie submergée par la quantité de connaissances qui viennent vers nous de toute part, par ce désir d’accumuler de l’information. C’est évidemment utile, mais à un certain moment il faut se rendre compte que tout tourne autour des mêmes choses. Il faut s’arrêter et commencer par se questionner soi-même, voir quelle est son intention. Pourquoi veux-tu être là, avec ces enfants ou ces enseignants ? Sans quoi, il est très facile de se perdre dans cet océan d’information. »
Comment choisir la meilleure méthode d’éducation pour le futur élève ? Andreea Puiu, professeur et promotrice de la « Pédagogie du bonheur », tente de répondre à cette question : « J’aimerais que, lorsqu’on a à choisir dans la vie, nous mettions le bonheur au premier plan. Ainsi, quand on choisit la future école pour notre famille, car c’est ensemble que nous traversons les années d’école, l’enfant n’est pas tout seul. En tant que parents, il est important de nous approcher de l’enfant, de voir quelle est son énergie, quels sont ses besoins, ses intérêts. C’est de cette manière que nous choisissons pour lui un chemin sur lequel nous pouvons l’accompagner. Car il est très difficile de rester à côté d’un enfant déçu, en colère ou qui ressent une émotion que nous ne partageons pas. En tant qu’enseignants, il est important de nous asseoir à côté de nos élèves pour observer leur respiration, les mouvements de leurs mains, la manière dont ils nous perçoivent. En allant dans beaucoup d’établissements scolaires, je me suis rendu compte que toute classe est porteuse d’un modèle de bonheur. »
Mais sommes-nous encore préoccupés par l’impact futur de l’éducation sur la société ? Sabina Strugariu, psychothérapeute, croit que l’intégration sociale des futures adultes est la base sur laquelle se construit une vie heureuse :« La compétitivité est un des principaux moyens pour contraindre les enfants à faire des choses, c’est la comparaisonaux autres. Il est très difficile de construire un monde meilleur et plus humain en regardant sans cesse chez le voisin. Il ne s’agit pas de choses matérielles, ni même spirituelles. Pour avoir une vie heureuse, il faut s’intégrer, il faut que l’enfant sache qui il est et il faut qu’il puisse prêter attention au monde autour de lui. Mais, à l’éduquer à gagner de l’argent ou à atteindre un statut, cet enfant n’a plus le temps de regarder autour, de regarder qui il ou elle est en réalité, quels sont ses talents ou ses vocations. Tout ça est essentiel et, malheureusement, je constate que l’enseignement tend vers l’uniformisation. Tout le monde apprend les mêmes choses, au même rythme. »
Mais combien le système éducatif actuel s’occupe-t-il de la connaissance de soi de l’enfant ? Andreea Neagu, psychologue :« Lors de toute interaction avec l’enfant — petit ou grand — je me concentre sur ses qualités. Pendant les séances de conseil parental, en classe, lorsque j’enseigne, ou dans mon cabinet, j’essaie d’aider les enfants à voir des choses positives sur eux-mêmes. Mais pour y arriver, ils doivent traverser tout un processus de connaissance de soi. De mon point de vue, au niveau international, l’on souhaite que les élèves entament ce processus dans l’éducation formelle aussi. C’est pour cela que les systèmes éducatifs internationaux introduisent des programmes d’apprentissages social et émotionnel qui englobent aussi ce côté connaissance de soi. C’est ce qui facilitera, ultérieurement, la connaissance des autres. »
Ces dernières années, l’enseignement public roumain a intégré, dans les programmes, des cours de développement personnel adressés aux jeunes enfants. C’est ainsi que les élèves de l’école primaire commencent à approcher la connaissance de soi et des autres, en identifiant des émotions, un processus-clé de l’intelligence émotionnelle. (Trad. Elena Diaconu)