Education et bien-être dans la vie des enfants du milieu rural
Christine Leșcu, 29.08.2018, 12:45
Encore plus que pour les adultes, pour les enfants la pauvreté a des conséquences à long terme. Elle influence leurs performances scolaires et entrave la réalisation de leurs potentialités, pouvant entraîner des iniquités futures sur le marché de lemploi et dans la société en général. Les décalages économiques entre le milieu rural et le milieu urbain ont sur léducation un impact qui se reflète dans les résultats scolaires. Cest le cas des notes obtenues à lexamen de baccalauréat et à lévaluation nationale, un test que doivent passer les élèves à la fin du collège pour pouvoir sinscrire au lycée. Ligia Deca, conseillère du président et coordinatrice du projet « La Roumanie éduquée », placé sous le patronage du chef de lEtat. : » Par exemple, en 2017, la note moyenne obtenue à lévaluation nationale par les élèves en fin de collège a été 5,8 en milieu rural, contre 7,40 en milieu urbain. La différence est importante. Bien que 54% des jeunes Roumains ayant atteint la majorité vivent en milieu rural, 30% seulement dentre eux se sont inscrits au bac. Et même pour eux, le taux de réussite est inférieur de 13% à celui enregistré en milieu urbain ».
La situation de lenseignement en milieu rural nest quune des conséquences des conditions matérielles spécifiques de ces zones. La Fondation World Vision Roumanie le prouve dans son étude, démarrée en 2012, sur le bien-être de lenfant vivant en milieu rural.Les résultats pour 2018 reposent sur des sondages réalisés vers la fin de lannée 2017. Quelle est la situation des revenus pour les familles du milieu rural ? Daniela Buzducea, directrice de World Vision Roumanie. : » Une famille sur deux estime se trouver dans une zone vulnérable. Ce qui veut dire que soit leurs revenus ne sont pas suffisants pour se débrouiller, soit elles ont du mal à joindre les deux bouts. Les familles font des efforts pour avoir plusieurs sources de revenu. Le mythe des familles qui ne font rien pour sen sortir ne se vérifie pas. Cest une fausse perception. Les gens travaillent dur et il y a des familles qui ont par exemple 5 sources différentes de revenu. Néanmoins, 38 % à 41% des familles, même parmi celles qui ont plusieurs sources de revenu, déclarent ne pas arriver à joindre les deux bouts. »
Pour environ 60% des familles, les salaires ont représenté la principale source de revenu entre 2014 et 2018. Le nombre de familles vivant en milieu rural dont un membre était salarié a augmenté entre 2012 et 2016, mais il a commencé à diminuer à partir de 2018. Actuellement, environ 33% des familles vivent en dessous du seuil de pauvreté, bénéficiant, sous une forme ou une autre, dune aide sociale, en raison de leurs revenus extrêmement bas. Lune des conséquences les plus évidentes de la pauvreté est le décrochage scolaire. Le taux dabandon a baissé de 0,5% par rapport à 2016, mais cette amélioration nest pas significative. Pour quelles autres raisons les enfants abandonnent-ils leurs études, selon la recherche menée par World Vision Roumanie ? Daniela Buzducea. : » Evidemment, à la première place figure le coût de lécole. En Roumanie, lenseignement est gratuit, et pourtant, les sommes que les familles doivent dépenser pour quun enfant puisse aller à lécole ne peuvent pas être supportées par les familles du milieu rural vivant en dessous du seuil de pauvreté. Une autre raison est le fait que certains enfants ne peuvent pas faire face aux exigences. Cela veut dire que léducation quils reçoivent à lécole ne leur permet pas daccumuler les connaissances nécessaires pour passer en classe supérieure. »
Ainsi, plus de la moitié des enfants du milieu rural qui ont abandonné leurs études déclarent ne plus aller à lécole parce quils ont de mauvais résultats. Le chemin que les enfants doivent parcourir pour se rendre à lécole entrave également laccès à léducation, bien quune légère amélioration ait été enregistrée de ce point de vue par rapport aux années précédentes. Daniela Buzducea. : » Lanalyse comparative montre que 2 enfants sur 3 vont à lécole à pied, mais aussi que le temps que les enfants mettent pour sy rendre a diminué. Un plus grand nombre de localités bénéficient de transport scolaire et un nombre accru denfants habitent plus près de lécole. Pourtant, ils sont plus nombreux les enfants du milieu rural qui déclarent sabsenter de lécole pour aller travailler. Leur nombre a augmenté de 50% par rapport à 2016, ce qui est une autre raison dinquiétude. 6,3% des enfants de la campagne déclarent se sentir fatigués, parce quils travaillent avant ou après les cours. Leur nombre a augmenté de 75% par rapport à 2016. La plupart dentre eux travaillent au bénéfice de leurs propres familles. 2% dentre eux affirment travailler aussi pour les voisins. »
Une autre raison dinquiétude est la nutrition, si importante pour un développement psychosomatique normal des enfants durant la période de croissance. Daniela Buzducea: » 9% des enfants ont déclaré aller se coucher le soir sans avoir mangé – dont 6% de temps en temps et 3% tous les soirs. Cest très inquiétant, car ce pourcentage représente un enfant sur onze. Et cest toujours un enfant sur 11 qui prend deux repas par jour tout au plus, ce qui signifie que certains dentre eux ne mangent quune fois par jour. «
Etant donné les effets de la pauvreté sur léducation et la nutrition, les experts soulignent la nécessité que des programmes soient mis en œuvre dans le domaine des politiques publiques, pour apporter des solutions intégrées aux problèmes qui se font jour en milieu rural. (Trad. : Dominique)