Des ingénieurs pour l’essor du pays
L’admission aux facultés polytechniques de Roumanie était caractérisée par une concurrence acerbe, encouragée d’ailleurs par le régime. De l’industrie sidérurgique à celle constructrice de machines et à la pétrochimie, presque tous les jeunes appliqués aspiraient à devenir ingénieurs, un métier qui apportait du prestige social et des revenus assez généreux pour l’époque. Mais la révolution de 1989 et la faillite d’une grande partie de l’industrie communiste a fait de l’ingénierie un métier démodé. Seules les TIC se sont développées, domaine où les Roumains sont désormais des spécialistes reconnus au niveau international.
Christine Leșcu, 27.09.2017, 14:32
L’admission aux facultés polytechniques de Roumanie était caractérisée par une concurrence acerbe, encouragée d’ailleurs par le régime. De l’industrie sidérurgique à celle constructrice de machines et à la pétrochimie, presque tous les jeunes appliqués aspiraient à devenir ingénieurs, un métier qui apportait du prestige social et des revenus assez généreux pour l’époque. Mais la révolution de 1989 et la faillite d’une grande partie de l’industrie communiste a fait de l’ingénierie un métier démodé. Seules les TIC se sont développées, domaine où les Roumains sont désormais des spécialistes reconnus au niveau international.
Mais même dans cette époque post-industrielle, basée sur les services, il faut avoir une certaine inventivité technologique dans tous les domaines et elle ne peut être fournie que par des ingénieurs, affirme l’analyste économique Petrisor Peiu, professeur à l’Université polytechnique de Bucarest : « Il s’agit d’un besoin général d’ingénieurs. En partant des besoins liés au développement économique de la Roumanie, on estime qu’il s’agit d’un déficit se variant de 150 mille à 200 mille ingénieurs. Afin de pouvoir développer des produits à grande valeur ajoutée, il faut trouver des professionnels hautement qualifiés. Par conséquent, la Roumanie a besoin d’ingénieurs dans tous les domaines dans lesquels des appareils sont produits : électronique, électrotechnique, télécoms, optique, mécanique de précision. L’industrie automobile a elle aussi besoin d’un autre genre d’ingénieurs que ceux qui sont actuellement actifs sur le marché de l’emploi. Bref, on a besoin de gens capables de produire de la technologie. »
Et c’est ainsi qu’apparaît un décalage considérable entre la demande de main d’œuvre des entreprises et l’offre du marché, décalage observé par tous les spécialistes en ressources humaines, selon Florin Godean, président de l’Association roumaine des Agents de travail temporaire (ARAMIT) : « L’économie est à la hausse depuis plusieurs années et c’est pourquoi la demande de personnel qualifié est directement liée à cette croissance économique. L’industrie automobile enregistre une des plus importantes croissances en Roumanie. Dans ce secteur il existe tout d’abord une demande de main d’œuvre dans d’autres villes que Bucarest, où la logistique est celle qui demande du personnel. Hormis la logistique, à Bucarest il y a aussi une forte demande d’ingénieurs dans le domaine des télécoms. Mais il y a toute une série de domaines économiques où les ressources humaines qualifiées sont déficitaires ».
Cette situation ne fait qu’empêcher leur développement, affirme le même Petrisor Peiu : « Il y a un manque d’ingénieurs capables de concevoir et de réaliser des projets de grande complexité technique. Il est par exemple impossible désormais de construire les passages routiers et les ponts sur le Danube avec uniquement des ressources roumaines. C’est pourquoi les entreprises étrangères s’y installent. Nous n’avons pas les ressources humaines nécessaires pour coordonner et pour créer de la technologie pour des projets complexes. D’autres exemples à l’appui : les barrages et centrales hydrauliques, les grandes entreprises productrices d’énergie thermique et nucléaire. Elles ne peuvent plus être conçues et réalisées avec des ressources humaines de Roumanie ».
Comment est-on arrivé à cette situation? Premièrement, par rapport au nécessaire actuel, l’école roumaine ne peut livrer que 40 – 50.000 diplômés spécialisés dans le domaine. Deuxièmement, l’exode des ingénieurs se poursuit, sans répit depuis 1990. Selon les spécialistes, environ 25% des jeunes inscrits dans des universités techniques n’arrivent même pas à exercer leur métier un seul jour en Roumanie, étant embauchés tout de suite à l’étranger. S’y ajoute la crainte que le marché de l’emploi dans le domaine de l’ingénierie n’est pas suffisamment développé et que les diplômés de l’Université Polytechnique se voient souvent obligés à entamer une reconversion professionnelle. Une idée reçue, de l’avis de Petrişor Peiu : « En électronique, télécommunications, électrotechnique, transports – le besoin de personnel qualifié est très grand et le risque de ne pas trouver d’emploi dans le domaine est très faible. A l’heure où l’on parle, je ne connais pas de diplômés de la Polytechnique de Bucarest qui soient au chômage ou qui ne puissent pas pratiquer leur métier. »
Et les patrons, comment se rapportent-ils à cette pénurie d’ingénieurs ? Florin Godean répond : « Pour ce qui est du BTP ou du domaine automobile, on constate que les employeurs ont baissé considérablement le niveau et leurs prétentions à l’égard des employés. Certains auront du mal à trouver du personnel même s’ils augmentent les salaires. De plus, vu que les coûts relatifs à la main d’œuvre ont augmenté, certains patrons optent pour une croissance plus tempérée de leur affaire, ce qui touche aussi l’économie au sens large du terme. » Et la solution ? Une fois de plus on se voit contraints de se tourner vers l’enseignement et souligner qu’il faut mieux l’adapter aux besoins du marché. (Trad. Alex Diaconescu, Valentina Beleavski)