Des chiens au service de la société
Les tremblements de terre qui ont secoué la Turquie en
février ont illustré à nouveau l’utilité d’une catégorie à part de spécialistes :
les équipes mixtes constituées de chiens de sauvetage et de secouristes
appelées à sauver les survivants captifs sous les décombres.
Roxana Vasile, 26.07.2023, 02:41
Les tremblements de terre qui ont secoué la Turquie en
février ont illustré à nouveau l’utilité d’une catégorie à part de spécialistes :
les équipes mixtes constituées de chiens de sauvetage et de secouristes
appelées à sauver les survivants captifs sous les décombres.
Liviu Ionescu dirige le Centre national d’éducation
canine, basé à Craiova, dans le sud de la Roumanie. Participant bénévole aux opérations
déroulées en Turquie, il est un des spécialistes roumains les plus en mesure d’expliquer
l’importance de former des chiens pour des missions de recherche et sauvetage:
« Au centre national
d’éducation canine, nous essayons depuis une bonne trentaine d’années de
constituer une base de données avec tous les chiens de sauvetage pour toutes
les spécialités: chiens qui cherchent des personnes disparues, qui cherchent
des victimes sous les décombres, des chiens spécialisés dans le sauvetage en mer
ou dans la recherche des personnes portées disparues en milieu urbain. Ce sont autant
de spécialités que nous souhaitons développer en Roumanie aussi.
Pourquoi ? Parce que hormis le côté cynologique de l’entraînement des
chiens et du développement de leur intelligence et de leur beauté, il y a aussi
un aspect social : la nécessité d’avoir dans toutes les zones, les
régions, les villes, des chiens de recherche et de sauvetage pour tous les types
de situation d’urgence, pour tout désastre, qu’il soit naturel ou technologique.
C’est pourquoi nous essayons de convaincre
la population – amoureux des animaux, éleveurs, membres de l’association
cynologique roumaine ou d’un autre club – de faire tester leurs exemplaires
canins. »
Le processus de sélection des chiens à vocation de
sauvetage est très dur et réaliste. Qu’ils
soient amenés par leurs propriétaires qui souhaitent leur faire évaluer les
qualités ou bien qu’ils soient découverts directement par les spécialistes du
centre d’éducation canine, ils doivent répondre à des demandes très strictes,
censées prouver leurs qualités. C’est la raison pour laquelle, uniquement 5 à
10% des chiens testés dans plusieurs situations – obscurité, feu, hauteur – peuvent
commencer les cours de formation censés les transformer en véritables
professionnels, comme l’explique Liviu Ionescu:
« Ils intègrent un programme d’entraînement et,
en fonction de leur tempérament, de leur nature, du degré d’adaptabilité, de l’âge,
de la région de provenance et de celle où ils habitent, tout comme en fonction
de la spécialité choisie, la période de formation peut durer jusqu’à deux ans.
Il y a des modules adaptés pour ces chiens qui après deux, trois ans de
formation intense, passent des examens officiels internationaux. Et c’est à ce
moment-là, suite aux différents tests cynologiques, que leur potentiel se
révèle. Ils doivent passer plusieurs étapes d’entraînement et plusieurs examens
et une fois qu’ils ont tous ces examens, ils peuvent s’inscrire à la sélection
nationale du Championnat du monde de sauvetage. Ensuite, tous ces chiens
entrent dans une base de données internationale afin d’être appelés à
intervenir dans n’importe quelle situation réelle. »
Les tests utilisés par les spécialistes en formation
canine peuvent s’appliquer à n’importe quel chien. Autrement dit, il n’y a pas
de race canine spécialement destinée aux opérations de sauvetage et de
recherche. En revanche, plus le chien est jeune quand il passe les tests, mieux
c’est, car il peut commencer plus vite sa formation proprement-dite. Une fois
formé il est prêt à agir. Avec quelles performances ?
Selon le président du Centre national d’Education canine,
le chien est capable de se rendre dans des endroits difficiles d’accès, de se
faufiler sous les décombres, jusqu’à deux ou trois mètres en profondeur, y
compris là où les systèmes électroniques audiovisuels, quoi que performants,
seraient impossibles à utiliser. En principe, un chien de recherche et
sauvetage aurait besoin d’une vingtaine de minutes pour couvrir une superficie
de 50 000 mètres carrés avec un rendement trois fois supérieur à toute une équipe
professionnelle humaine. Or dans le cadre du tandem homme-chien ce rapport se
modifie au détriment de l’Homme, d’où le besoin d’une compatibilité presque
parfaite avec le chien.
Les sauveteurs à quatre pattes mettent souvent leur
pouvoir de reniflement au travail. Les chiens de secours de Roumanie ont
décroché des médailles dans des compétitions canines internationales. Mais où
se situe la Roumanie sur le plan international dans la formation de ces
animaux ?
Liviu Ionescu revient avec davantage de détails.
« La Roumanie a démarré à peine ses activités de
recherche et de sauvetage. Si dans d’autres pays, des équipes cynotechniques
existaient même avant les deux guerres mondiales, chez nous, les premiers pas
ont été faits vers les années 80 – 90 et entre 93 – 94, lorsque le pays a
commencé à sélectionner les chiens selon les normes internationales. Le centre national
d’éducation canine dispose d’une base de données réunissant une trentaine de
chiens de recherche et de sauvetage. Le problème c’est que malheureusement, cet
ami qui devient un véritable thérapeute dans n’importe quelle famille a sa vie
à lui et surtout une période d’activité beaucoup plus courte. Et nous, on
l’entraîne pour des cataclysmes qui peuvent survenir à tout moment.
Malheureusement, ces chiens peuvent travailler comme chiens de sauvetage
jusqu’à 7, 8, 9 ans. Nous participons à une véritable course contre la montre
pour développer ce fond canin. Bien sûr, s’ils pouvaient, les chiens nous
aideraient inconditionnellement, même à 14
ans. Mais nous devons toujours prendre en compte leur état de santé et les
faire travailler de 3 ans à 7, 8, allez 9 ans tout au plus parce qu’autrement, des problèmes peuvent surgir et perturber leur
rendement. »
Jamais on ne saura dire qu’il existe un nombre suffisant
de chiens de recherche et de sauvetage dans tel ou tel pays, telle ou telle
région, ou bien sur tel ou tel continent. L’identification et la formation de
ces animaux qui font état de qualités exceptionnelles doivent se poursuivre
constamment. Ce qui plus est, après les tremblements de terre en Turquie, la
réorganisation de ce secteur en vue d’une meilleure coordination entre les
Etats s’avère de plus en plus nécessaire – ajoute Liviu Ionescu qui est
également président de la Commission mondiale de sauvetage de la fédération
canine internationale :
« Nous sommes en plein programme de réorientation,
de ré-imagination de notre stratégie d’intervention et nous participons à des entrainements
multinationaux communs. A force de
coordonner ce programme au niveau mondial, je peux observer son niveau
d’applicabilité et je me réjouis de voir que nous commençons enfin à devenir
plus efficaces et à dépasser le niveau purement sportif d’une telle activité.
Avant le séisme en Turquie, ce fut le championnat du monde de sauvetage qui a été
l’évènement le plus important. Eh bien, le domaine de la cynologie se développe
à une vitesse semblable au domaine des Techniques de l’information. Il faut toujours
penser à l’avenir et s’interroger sur le rendement que l’équipe canine de
sauvetage aura dans 5 ou 10 ans, surtout que de telles catastrophes seront
toujours présentes, que l’on parle des tremblements de terre ou de la
disparition de personnes. On devrait être prêts à dérouler toute sorte
d’activités dans lesquelles les chiens seront un véritable instrument de secours.
Suite aux résultats enregistrés en Turquie et suite à ceux enregistrés au cours
des trois dernières éditions du Championnat du monde de sauvetage de la Fédération
cynologique internationale, la Roumanie est vice-championne et championne du
monde dans la section « pistage ». Voici donc notre carte de visite
et nos résultats. J’ai développé ce projet au niveau mondial et il porte
d’ailleurs mon nom. Il est clair qu’en Roumanie, Craiova est un point important sur la carte de
la cynologie de sauvetage mondiale. »
En effet, oui, la recherche et le sauvetage sont plus
qu’une activité sportive. Elles représentent une véritable mission humanitaire. (trad. Alex. Diaconescu)