Controverses au sujet des cours de religion dans les écoles roumaines
Enseignée du CP à la terminale, la religion en tant que discipline scolaire a été fortement contestée par une partie des parents et de la société civile, invoquant la liberté religieuse. Par conséquent, de nombreux élèves roumains ne fréquentent pas les classes de religion, une décision motivée par leurs parents soit par lappartenance à une autre religion que celle majoritaire en Roumanie, orthodoxe, soit par le fait dêtre athées, soit parce quils estiment que certaines leçons proposées dans le manuel de religion sont nuisibles aux enfants.
România Internațional, 30.07.2014, 13:00
Enseignée du CP à la terminale, la religion en tant que discipline scolaire a été fortement contestée par une partie des parents et de la société civile, invoquant la liberté religieuse. Par conséquent, de nombreux élèves roumains ne fréquentent pas les classes de religion, une décision motivée par leurs parents soit par lappartenance à une autre religion que celle majoritaire en Roumanie, orthodoxe, soit par le fait dêtre athées, soit parce quils estiment que certaines leçons proposées dans le manuel de religion sont nuisibles aux enfants.
Cette pratique est très répandue dans les écoles roumaines, et ce depuis 1989, mais quen dit la loi? LAssociation Séculière Humaniste (ASHR) a lancé une campagne dinformation censée éclaircir les différents aspects controversés de lenseignement de la religion. Oui, la loi permet aux parents de retirer leurs enfants des classes de religion. Mais que font ces élèves pendant que leurs collègues sont en classe? Peuvent-ils opter pour des cours alternatifs? Ont-ils du moins une salle de classe libre pour y rester? Sont-ils surveillés par un prof? Autant de questions que les membres de lAssociation Séculière Humaniste ont posées aux parents et aux enseignants.
Monica Beliţoiu, directrice exécutive de lassociation, commente les réponses recueillies: « Nombre de parents ne connaissent pas la loi et sont surpris dapprendre quils peuvent renoncer aux classes de religion. En général, ceux qui prennent cette décision appartiennent à une autre religion ou ne sont pas daccord avec les sujets discutés en classe. A chaque rentrée nous avons organisé des campagnes dinformation sur le cadre légal de cette option. Certains enseignants et parents sont daccord avec nous, dautres estiment que cest nous qui navons pas compris la loi. En plus, il y a des proviseurs qui ne peuvent pas permettre aux élèves de renoncer aux classes de religion car ils ne disposent pas de salles libres. Par conséquent, ces enfants restent dans leur salle de classe même sils ne suivent pas le cours de religion. Dans dautres cas, les élèves en question se rendent à la bibliothèque ou à lécole après lécole ».
En même temps, les profs et les représentants des inspections scolaires reconnaissent le droit des parents et des enfants de ne pas participer aux cours de religion, bien quaux termes de la loi roumaine de lenseignement, cette discipline ne soit pas optionnelle.
Mihaela Ghiţiu enseigne la religion au lycée Ion Neculce de Bucarest: « La religion fait partie des disciplines obligatoires. Pourtant, certains profitent du fait que lon a permis aux élèves dautre confession de ne pas participer à ces classes. Ils peuvent étudier leur propre religion, là où cest possible. Et il existe en fait des curricula spécifiques à chaque culte, avisés par le ministère de lEducation. Certes, les parents qui ne souhaitent pas que leur enfant suive un cours de religion ont la liberté dy renoncer, invoquant la liberté religieuse, car la loi de lenseignement est en accord avec la Constitution de la Roumanie. Cela n’a pas d’incidence sur leur moyenne semestrielle ».
Par exemple, les élèves catholiques ou musulmans peuvent ne pas fréquenter les classes de religion si le culte enseigné dans leur école est orthodoxe. Sils ne peuvent pas aller ailleurs ou suivre un autre cours, ils restent dans leur salle de classe sans participer aux débats.
Mihaela Ghiţiu: « Jai un élève musulman dans ma classe. Rien ne lempêche de nous parler de sa religion au moment où nous nous penchons sur ce sujet. Il na pas renoncé au cours même sil étudie ailleurs sa propre religion étant noté par un autre prof ».
Mais cest justement pour éviter ce type de situations que lAssociation Séculière Humaniste propose que la classe de religion soit tenue au début ou à la fin de la journée. Ainsi, les enfants qui ne suivent pas le cours peuvent arriver plus tard à lécole ou rentrer plus tôt chez eux et ils ne doivent plus être surveillés.
Une idée soutenue par les familles, selon Mihaela Gună, présidente de la Fédération des Associations des parents d’élèves : « Je pense que cest correct, parce que souvent les parents ne retirent pas leurs enfants des classes de religion uniquement parce quils restent seuls pendant une heure. Par ailleurs, cest plus normal davoir un emploi du temps qui leur permette de suivre un cours optionnel ».
A la place d’un cours optionnel, l’ASHR propose qu’en tant que discipline, la religion soit remplacée par l’histoire des religions, pour familiariser, justement, les élèves avec la diversité des croyances.
Mihaela Gună soutient cette initiative, estimant que de cette façon on éviterait d’enseigner aux enfants des aspects pouvant les choquer à leur âge : « A mon avis, ce serait beaucoup plus intéressant pour les enfants de leur faire connaître l’histoire des religions, par exemple, au lieu de leur présenter les rituels entourant la mort ou de les obliger à se rendre à l’église. J’aimerais qu’on leur offre la possibilité d’apprendre davantage de choses sur la religion, au lieu de privilégier les dogmes. Beaucoup d’enfants ont peur que Dieu va les punir s’ils ne font pas ou ne disent pas certaines choses. Or, à mon avis, la religion doit être envisagée d’une tout autre manière ».
Tout en soulignant le fait que des éléments d’histoire des religions sont enseignés aussi bien pendant le cours d’histoire générale que pendant celui de religion, le professeur Mihaela Ghiţiu précise : « La religion propose des valeurs et développe des vertus, elle oriente les enfants vers la communion avec leurs semblables. Par ailleurs, il est impossible d’aborder les vertus, sans parler des péchés qui leur sont opposés. L’ASHR estime qu’il ne faut pas parler de punitions, de l’enfer ou de la mort. La mort, on doit la bannir de la société, on ne doit pas savoir qu’elle n’existe. Pourtant, dans les familles traditionnelles, lorsque les grands-parents étaient sur le point de trépasser, on emmenait les enfants auprès d’eux pour qu’ils leur demandent pardon. C’est quelque chose qui fait partie du cours naturel de l’existence. Les parents peuvent parler de manière très délicate à leurs enfants de ces aspects auxquels, de toute façon, ils seront confrontés, tôt ou tard, dans la famille ».
Quelles que soient les raisons pour ou contre l’enseignement de la religion dans le système laïc et public d’éducation, le débat gagne en ampleur. La preuve : une récente initiative parlementaire visant à remplacer le cours de religion par un cours d’éthique et de culture civique. (trad. : Valentina Beleavski, Dominique)