Communautés civiques informelles
Les Roumains osent exprimer leurs doléances, envoyer des pétitions, collaborer pour attirer l’attention des autorités sur certains problèmes et améliorer la vie de la collectivité. Depuis trois ans, beaucoup d’entre eux sont aidés à le faire par la Communauté « Declic ».
Christine Leșcu, 18.07.2018, 00:45
Très active sur les réseaux sociaux et sur Internet, cette ONG stimule les gens et les encourage à se mobiliser autour d’une pétition, à s’organiser et agir pour faire respecter leurs droits, explique Tudor Brădăţan, directeur exécutif de la Communauté « Declic ». : « Declic » est la plus grande communauté de citoyens actifs du point de vue civique de Roumanie. Durant les 3 années écoulées depuis sa création, nous avons réussi à atteindre 370.000 personnes qui reçoivent constamment des informations et des appels à l’action. Action signifie signer une pétition en ligne, participer à un événement, à une manifestation, à une rencontre avec les représentants des autorités. Nous disposons également d’une méthode pour collecter de l’argent, nos membres étant invités à soutenir financièrement les causes qu’ils défendent. »
Tudor Brădăţan est un des promoteurs de cette plate-forme. L’idée lui est venue il y a des années, lorsque démarrait l’action « Sauvez Roşia Montană », pour empêcher l’exploitation intensive de l’or en utilisant des cyanures dangereux pour l’environnement, dans cette localité des Carpates Occidentales.
La mobilisation autour d’une cause commune était plus timide à l’époque – se souvient Tudor Brădăţan: «Souvent on nous demandait pourquoi nous n’adressions pas une pétition aux autorités, car elles devaient connaître les problèmes de Roşia Montană. En constatant le succès de l’idée de pétition auprès des gens, nous avons voulu créer une grande communauté de personnes susceptibles de s’informer rapidement sur certains problèmes et de se mobiliser tout aussi rapidement, pour assurer le succès des campagnes sociales. Si les autorités prennent une décision que nous n’agréons pas, nous, en tant que citoyens, nous disposons d’une structure qui nous permet de nous unir et de mettre de la pression sur les autorités, pour les obliger à tenir compte de nos exigences. »
La communauté virtuelle « Declic » soutient non seulement les grandes causes nationales, mais aussi celles de moindre importance, d’intérêt local – précise Olga Popescu, organisatrice d’actions locales au sein de cette ONG: « Nous soutenons les campagnes viables de ceux qui lancent des pétitions sur le site. Nous leurs apprenons à mobiliser les gens, à atteindre le plus grand nombre de personnes, pas uniquement en ligne. A présent il y a environ 800 pétitions ouvertes. Pourtant, une partie de ces gens n’ont pas lancé de campagne en faveur de leur idée. D’autres ont réagi très rapidement et ils ont prévu des campagnes pour résoudre leur problème. C’est moitié – moitié, mais nous sommes contents, car nous avons de nombreuses réussites. »
Olga Popescu nous offre quelques exemples de campagnes qui ont réussi. : « Notre plus récente réussite a été celle d’une campagne lancée par les habitants de Piatra Neamţ, qui ont demandé aux autorités de transférer un ours du zoo de la ville dans une réserve naturelle, à Braşov. Il leur a fallu deux ans pour que leur demande reçoive la réponse attendue; ils ont mis de la pression sur la mairie, car les démarches étaient très lentes. Faisant preuve de beaucoup de ténacité, ils ont réussi à faire transférer cet ours, qui vivait dans une cage, dans des conditions impropres. A présent il se trouve dans une forêt de Braşov, où sont aussi soignés des animaux vivant en captivité. »
Pourtant, l’action peut-être la plus retentissante parmi celles initiées ou soutenues par la communauté « Declic » a été la mobilisation des gens contre des initiatives législatives concernant l’organisation de la justice. Ces initiatives avaient suscité des protestations massives l’année dernière dans plusieurs villes du pays. Tudor Brădăţan. : « REZIST – JE RESISTE est peut-être une des campagnes par lesquelles « Declic » c’est fait le plus connaître. Nous avons lancé cet appel et nous avons invité les membres de notre communauté à changer leur photo de profil sur les réseaux sociaux pour y ajouter ce slogan. Après le décret 13 du gouvernement, il y a eu les lois de la Justice. On s’est à nouveau mobilisé, cette fois-ci en créant, de petits panneaux sous la forme de mains jaunes, voulant dire « Tous pour la Justice ». La réalisation de ces petites mains a été financée grâce à des dons offerts par les membres de « Declic ». En l’absence d’une large prise de conscience au sein de la population, les autorités ne résoudront pas un certain problème. Ce fut tout à fait évident pour les lois de la justice. C’est la pression publique qui a déterminé les parlementaires à reculer. Pratiquement, depuis la proposition du gouvernement concernant ces lois, faite l’été dernier, jusqu’à leur forme finale adoptée par le Parlement, le chemin a été long. Nombre de prévisions que nous jugions dangereuses n’ont plus figuré dans le texte final de la loi. »
Depuis les premières campagnes du genre « Sauvez Roşia Montană », l’esprit civique a eu le temps de se renforcer – estime Tudor Brădăţan : « Il est évident que nous suivons une trajectoire ascendante depuis 2008, quand les protestations de rue étaient plutôt rares et que l’on ne voyait pas souvent des citoyens s’opposer aux projets du pouvoir. Depuis, une société civile de plus en plus active s’est développée et on constate un changement d’attitude : du citoyen qui agissait pour son propre bien-être, on est arrivé à celui qui collabore avec les autres pour le bien-être de tous. Au moment où nous avons lancé la communauté « Declic », nous étions loin de prévoir une telle évolution. Notre première pétition, lancée pendant les débats sur le Code forestier, a été signée par 25 mille personnes. A présent, nos pétitions récoltent parfois 150 mille signatures. »
Si l’on peut parler actuellement d’un plus fort engagement civique, c’est aussi parce que les gens se rendent compte que, par la coopération et la ténacité, ils peuvent faire entendre leur voix. Or, la pétition est le premier pas par lequel de simples citoyens peuvent influencer l’agenda public – estiment les membres de la communauté virtuelle « Declic ». ( Trad. : Dominique)