Comment la pandémie a-t-elle affecté les activités culturelles ?
Le secteur culturel a lui aussi été frappé de plein fouet par la pandémie. Fermeture des théâtres et des cinémas, suspension des concerts, absence de visiteurs dans les galeries d’art, tout cela a eu des répercussions tant sur le moral du grand public que sur les moyens de subsistance des gens de culture. Dès le début de l’année, une centaine d’organisations culturelles indépendantes de Roumanie ont adressé une lettre ouverte au ministère de la Culture, comportant plusieurs propositions susceptibles de venir en aide à ce domaine dans un proche avenir. Les signataires de la lettre ont également pointé du doigt le désintérêt des autorités à cet égard.
Christine Leșcu, 07.04.2021, 13:30
La situation nest pas meilleure à Bucarest, la capitale, qui représente le plus gros marché de produits culturels du pays. Le financement fourni par la mairie a été suspendu il y a deux ans et la Stratégie culturelle de Bucarest n’a pas été pleinement mise en œuvre. Ceci étant, l’administration locale a récemment organisé une réunion en ligne avec plusieurs associations culturelles indépendantes pour des consultations sur les projets d’avenir.
Cristian Neagoe, l’organisateur de l’action Street Delivery, a souligné l’importance pour les Bucarestois de se rapprocher à nouveau de leur ville, en ces temps de restrictions, mais aussi et surtout après cette période. Cristian Neagoe : « C’est un événement – manifeste qui ferme pratiquement une rue à la circulation automobile pour l’ouvrir aux gens, plus précisément aux projets culturels et aux initiatives civiques. Une partie de l’espace public est revendiquée par la culture, dont Bucarest a tellement besoin. La capitale étant devenue un immense parking, la culture ne peut pas descendre dans la rue, faute d’espace. Certes, nous avons beaucoup d’espaces culturels intérieurs. Toutefois, l’expérience de cette pandémie nous a montré combien il est important d’avoir des espaces extérieurs où les gens, les communautés ou les tribus urbaines puissent se retrouver, échanger des idées ou bien créer des événements et peut-être même pour offrir un modèle de ville. On dit que si l’on construit un bâtiment, il sera habité. De même, les véritables espaces publics peuvent devenir une sorte d’agora ou un espace de dialogue. Voilà pourquoi nous nous battons pour créer des rues piétonnes et les rendre au circuit culturel et architectural public. »
En plus, on pourrait mettre en valeur certains symboles architecturaux de la ville et faire redécouvrir le patrimoine immobilier de la capitale, qui a été négligé et ignoré. Les théâtres, soient-ils indépendants ou publics, ont également pâti de la pandémie, affirme Andrei Grosu, représentant du théâtre « Unteatru » : « Je parle du point de vue des théâtres indépendants. Je connais les problèmes de ceux qui doivent gérer un espace et y survivre. Cette année de pandémie a été très, très compliquée pour nous tous. Nous avons de plus en plus de mal à tenir le coup. La durabilité est le maître-mot de tous les projets que nous soumettons au Centre culturel de la municipalité de Bucarest (ARCUB) et à l’Administration du fonds culturel national (AFCN). Ce qui compte le plus pour les théâtres indépendants, ce sont les projets ou les financements pluriannuels. Nous concevons nos plans non pas pour quelques mois ou une année, mais pour deux ans. La plupart des salles de spectacles indépendantes accueillent 6 à 15 premières par an. Or, pouvoir compter sur un financement pluriannuel, cela nous aiderait beaucoup afin de planifier la saison théâtrale. »
Fondé en 1996, en tant que service public culturel, le Centre culturel de la municipalité de Bucarest (ARCUB) assure la liaison entre les autorités locales et la société civile. Malheureusement, en 2018, la municipalité a suspendu le financement des projets pour le secteur culturel indépendant, précise Mihaela Păun, directrice d’ARCUB : « En mai 2018, la municipalité nous a demandé de lui remettre tous les documents, promettant de reprendre le programme de financement, en octobre ou novembre de la même année. Ce qui n’est plus arrivé. Voilà pourquoi nous reprenons maintenant les procédures. En outre, comme c’est une année difficile, nous avons pensé à cinq autres mécanismes de financement. »
Les projets bénéficiant de ces types de financement ne pourraient pas démarrer avant juillet, et ce à cause de la bureaucratie. Que se passera-t-il d’ici là, voilà ce qui préoccupe les opérateurs culturels indépendants. Il faut accroître l’importance sociale et économique de ces derniers, précise Corina Șuteu, ancienne ministre de la Culture, actuellement consultante principale dans le processus de planification de la Stratégie culturelle de la ville de Bucarest : « La culture est un investissement dans l’économie. Elle est, en fait, un moteur économique. La pandémie a prouvé, une fois de plus, que la culture et l’art contribuent à accélérer des processus. Il y a des blocages, certes, auxquels l’administration centrale locale doit beaucoup réfléchir, tous comme les opérateurs culturels, d’ailleurs. Ces derniers doivent cesser de se considérer comme des agents qui ont besoin d’être aidés. Ils devraient se concevoir comme étant des ressources de créativité, d’inventivité, capables de proposer des solutions, très nécessaires en ce moment. » (Trad. Mariana Tudose)